” ;Mourad Kahoul, pas forcément l’image que les pêcheurs veulent dégager”

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le 4 Mai 2011
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” ;Mourad Kahoul, pas forcément l’image que les pêcheurs veulent dégager”
” ;Mourad Kahoul, pas forcément l’image que les pêcheurs veulent dégager”

” ;Mourad Kahoul, pas forcément l’image que les pêcheurs veulent dégager”

Des pêcheurs pointés du doigt, une pression de plus en plus forte des ONG, des négociations internationales, des accusations de fraudes, des incertitudes scientifiques : le dossier du thon rouge, dont la saison de pêche s’ouvre pour un mois le 15 mai, occupe la scène médiatique depuis maintenant plusieurs années. Auteur d’un livre-enquête qui navigue entre filières industrielles, techniques de pêche, biologie de l’espèce, Julien Pfyffer analyse la bataille de comm’ et les failles de l’action internationale, et évoque les conséquences inattendues de la révolte libyenne et du tsunami au Japon.

Marsactu : la version des pêcheurs que vous présentez, comme le moratoire italien sur la pêche en 2010 qui serait moins une « bonne action » qu’une conséquence d’un manque d’accord sur la répartition du quota national , est rarement entendue. N’y-a-t-il pas un problème de communication ?

Julien Pfyffer : très clairement. Quand j’ai eu l’interview avec Généreux Avallone (représentant de l’une des plus grandes familles de thoniers français, ndlr), la première fois où j’ai pu discuter avec le monde des pêcheurs, assez vite je lui ai dit : « pourquoi est-ce que vous n’exprimez pas tous ces arguments ? » On les approuve ou pas mais pour certains ils tenaient largement la route et on a trouvé cela passionnant : pour la première fois on comprenait leur façon de voir les choses. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas les notions de communications des ONG, et ils avaient peur que ce qu’ils disent soit mal interprété ou se retourne contre eux. L’autre point, c’est qu’il y a une figure emblématique qui est de chez vous, Mourad Kahoul, qui lui s’exprime beaucoup mais n’est pas forcément l’image qu’ils veulent dégager du métier. Au début, il a parfaitement rempli son rôle de représentant et de porte-parole, et puis il y a eu plusieurs incidents, dont celui où les thoniers ont empêché le Rainbow Warrior de rentrer dans le port de Marseille. L’émission de Strip Tease a vraiment donné une mauvaise image et ils se sont encore plus renfermés sur eux-mêmes. Ca a été très difficile d’avoir une discussion ouverte avec Généreux Avallone, la seule chose qui l’a permis c’est, quand il a compris qu’on était partis en mer et qu’on avait essayé de les retrouver jusqu’aux eaux lybiennes, qu’il avait l’impression de s’adresser à des marins qui comprenaient les difficultés que des pêcheurs pouvaient avoir dans leur métier, .

En revanche les ONG sont rodées à la communication, sur laquelle vous portez un regard sans concession

Comme l’explique Jean-Marc Fromentin, scientifique de l’Ifremer, il y a eu une « boîte noire » de 1997 à 2007 où les scientifiques ne savent pas exactement combien a été pêché. S’il n’y avait pas eu les ONG aujourd’hui il n’y aurait peut-être plus de thon rouge. Je souligne donc l’aspect concret de leur action en mettant le holà et en amenant l’ICCAT (la commission internationale chargée de la conservation de l’espèce, ndlr) à mettre en place un plan, qui fait qu’aujourd’hui on a des signaux positifs qui font que, même si la situation reste fragile, le thon rouge ne serait plus autant en danger qu’au début des années 2000. Mais je soulève ensuite qu’elles sont coincées dans leur message : « le thon rouge est toujours en danger, il faut continuer à nous aider pour le protéger ». Ils ont parfaitement créé cet emblème de la surpêche et il leur est difficile de faire marche arrière. Et ils sont capables dans leur élan de se retrouver dans des situations où quelqu’un qui s’est fait agripper par un grappin devient quelqu’un qui s’est fait harponner…

Les pêcheurs français avancent qu’ils sont contrôlés mais que le problème vient des autres (Turquie, Libye etc.). C’est typiquement la « tragédie des biens communs », que l’ICCAT est censée résoudre…

L’ICCAT est une organisation internationale qui fonctionne un peu comme l’ONU alors que nos pêcheurs sont régis par les lois européennes. Cela se passe Méditerranée, qui n’est pas qu’européenne. C’est tout le problème que soulève le thon rouge : ce que l’Europe veut faire, elle peut l’appliquer pour ses pêcheurs mais pas forcément à tous les Méditerranéens. Elle s’est trouvé une sorte d’outil grâce à l’ICCAT, qui lui délègue des contrôles, mais il est difficile d’imaginer des navires européens contrôler dans des eaux turques par exemple. Or, c’est un peu là-dessus que tout se joue. Jean-Marie Avallone m’avait dit : « la Méditerranée avec toutes ses cultures, ses sensibilités est un vaste échiquier »

Julien Pfyffer avec les frères Avallone, figures sétoises de la pêche au thon rouge. Photo : Philippe Henry/Océan71

On voit pourtant dans votre enquête qu’y compris du côté européen il y a des lacunes dans l’application des règles de l’ICCAT, et que des systèmes comme les BCD ont des failles…

Ce que reprochent beaucoup les ONG à l’ICCAT, c’est aussi ce qu’on peut reprocher à l’ONU : cela fonctionne bien tant que les Etats membres appliquent les règles. C’est le cas pour les BCD – qui sont aussi un bon exemple de système extrêmement élaboré mais difficilement utilisable en mer – où cela tient aux Etats membres de bien les faire remplir. Il n’y a aucune blanche colombe. Après, un pays qui découvre un peu cette richesse va être moins dur. Quand on voit le quota d’un pays comme la Turquie (qui n’a rejoint l’organisme qu’en 2003, ndlr) et le nombre de navires qu’ils ont, leurs bateaux ne peuvent pas être rentables. On n’affirme pas qu’il y a eu triche, mais cela en découle naturellement.

Quel peut être l’impact du « printemps arabe », y compris sur l’application des règles, et de la catastrophe au Japon, plus gros consommateur mondial, que vous évoquez en épilogue ?

On va voir quand les régimes se stabiliseront mais ce n’est pas parce que l’on était sous Kadhafi ou Ben Ali qu’il n’y avait pas de contrôle. Seulement, les profits du business du thon rouge étaient en partie détournés… Pour la Tunisie, qui a un quota assez important, on n’a pas la réponse de ce qui va se passer mais en Libye, qui avait cette année autour de 1000 tonnes de quota (pour un total de 12 900, ndlr), l’émissaire a annoncé à l’ICCAT qu’il n’y aurait pas de pêche. Ce qui pose problème aux Français dont environ la moitié de la flotte comptait sur cela pour faire tourner leurs bateaux et leurs marins. Pour le Japon, on ne sait pas quelle peut-être l’implication lointaine mais il y a une conséquence directe cette année : le gouvernement a dit aux industriels de concentrer leur moyens sur la reconstruction du
pays. Les Sogo Shosha vont donc acheter moins de thon rouge. Si l’on ajoute un quota réduit de 13 500 à 12 900 tonnes, cela va être plus calme cette année pour le poisson…

Plus qu’une irresponsabilité des pêcheurs, le problème du thon rouge ne vient-il pas des évolutions techniques, qui permettent de pêcher 250 tonnes d’un coup ?

Il y a un paradoxe qui fait que le développement d’outils de plus en plus efficaces ne va pas forcément dans le bon sens pour les équilibres de la nature. Après, il y a une époque où l’on imaginait pas qu’une population de poisson aussi importante puisse s’essouffler, on regardait plus du côté de l’emploi. Il ne faut pas oublier que le thon rouge a apporté énormément de liquidités, notamment via les investissements japonais. On dénonce désormais les pêcheurs comme des criminels machiavéliques, mais est-ce qu’on ne leur a pas « donné » des outils un peu trop efficace (via les subventions européennes, ndlr) ? Car après, la logique économique fait qu’ils sont incapables de faire marche arrière avec des prêts à rembourser, des charges…

Un lien Entre navires lybiannisés et manips des ONG, plongée dans le monde du thon rouge, sur Marsactu

Un lien Un collectif international de journalistes a enquêté sur le thon rouge, sur Marsactu

Un lienBataille navale entre Greenpeace et les thoniers, sur Marsactu

Un lien L’émission de Strip Tease où l’on voit Mourad Kahoul dans ses oeuvres

Un lien Trésor rouge, la fiche sur le site des Editions Dialogues

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Commentaires

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  1. geneker geneker

    Mourad Kahoul est comme beaucoup de marseillais : grande gueule, caricatural, incivique, grossier et stupide. comme pêcheur j’aurais honte d’être représenté par un tel imbécile pareil.

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  2. céhère céhère

    Arf si les thoniers se mettent à faire de la com’ maintenant… c’était plus simple avec Mourad. ^^

    Je trouve (dans ce que vous en présentez) l’auteur un peu complaisant avec les pêcheurs, comme s’il voulait joueur aux redresseur de torts.

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  3. charlessxx charlessxx

    @ geneker , en plus de “grande gueule, caricatural, incivique, grossier et stupide” il est aussi violent, hors la loi, délinquant et adjoint de Gaudin…

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  4. liseron duveteux liseron duveteux

    C’est vrai que Mourad n’a pas un ton mielleux…

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  5. Marius Marius

    @ geneker : affirmer que le pénible et nuisible Mourad Kahoul “est comme beaucoup de marseillais”, c’est très exagéré.
    Il est comme une petite minorité, trop visible, et que les médias recherchent pour faire du “pittoresque”.

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  6. Knnee Knnee

    Votre livre est peu objectif. Les Avalone sont certes des marins mais aussi des tricheurs et cela tout le monde le sait. Mais ils sont la qualité (pour vous) d’être Français et dans la logique franchouillarde complimentant l’Ifremer (qui est impliqué dans un affaire de trucage de chiffre de quotas de pèche comme la marine française et divers politiques), cette simple qualité leur permet d’être des gens bien… Des exploiteurs de leur personnel, des exploiteurs irresponsables de ressources biologiques en péril voilà ce que sont ces gens.

    Ecrire que les membres des ONG (en l’occurrence Sea Shepherd) sont mal renseignés est simplement faux, les cahiers de briefing de Greenpeace comme de SSCS sont parfaitement accessibles et leur contenu ne laisse pas place à l’ignorance.

    La seule solution est d’arrêter de pêcher. Et pas seulement le thon rouge. Doit on vous rappeler l’état global des populations de poissons? Seuls les inconscients refusent encore la vérité nous sommes à la veille de tuer les mers.Et pourquoi? La plupart des poissons est à la limite de toxicité en ce qui concerne les métaux lourds. Il devient dangereux de manger poissons et fruits de mer. mais c’est politiquement incorrect de le dire.

    Votre livre aurait pu être intéressant sa dérive franchouillarde et sa frilosité donne simplement la nausée.

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