Jean-Noël Guérini quitte les affaires pour le business

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le 12 Sep 2011
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« Michel Pezet ? c’est un petit, un petit, un tout petit problème » Ce missile sol-air envoyé il y a quelques années sur un plateau télé contre son meilleur ennemi est resté dans l’histoire de la vie politique locale. Et Jean-Noël Guérini connait ses classiques. Il a été élevé au biberon du Defferrisme. Retour aux racines. Back to basics. Pendant que son frère Alexandre a choisit lui de se replier en Corse, pour « se vider la tête« , son frère ainé va de son côté s’accrocher à la figure tutélaire du socialisme, pour préparer son départ à l’Île d’Elbe. Retour sur la stratégie du jour d’après.

Le jour d’après

48 heures après sa mise en examen, JNG et ses spin-doctors ont continué dans la tempête à manoeuvrer. D’abord ne rien lâcher, tenir, ne pas subir, prendre l’initiative et faire le dos rond. Après la pluie, le beau temps. Et d’ailleurs la météo s’est améliorée ce matin. Pas une ligne dans les journaux du jour sur le Guérinigate. Une info chasse l’autre. Bourgi, la république des mallettes, le 11 septembre sont passés par là.

Plan média

Deux interviews données à la presse écrite, un exercice évidemment plus facile pour JNG que la télé où les radios, c’est le plan média mis en place par son staff pour que JNG puisse reprendre la parole, après le jeudi noir. On est dans la risposte graduée. La guerre chirurgicale. Ne pas diluer le discours, et faire passer des messages. D’abord le plan média : une interview nationale «  Qui peut me faire démissionner aujourd’hui ? personne » samedi matin dans Le Parisien-Aujourd’hui en France. Un quotidien à la fois populaire, mais aussi très lu par les politiques et les journalistes, gros tirage, pas vraiment marqué politiquement, le quotidien préféré de Sarkozy.

Et puis en local le même jour l’incontournable Provence. Avec une belle photo de une et une belle accroche : « Je délègue tout« . Déclinée le lendemain sur Internet, avec un superbe titre  » Est-ce que mon frère a eu un seul marché avec le conseil général ?« . Une question à laquelle, à part lui, personne ne pourra répondre car comme presque à chaque fois que l’on traite de JNG sur Laprovence.com, les commentaires sont fermés. Mais la réponse est connue. Si il est exact que Alexandre n’a jamais travaillé directement pour le CG 13, il a en revanche gagné des marchés avec ses satellites comme l’office de HLM du département, anciennement Opac Sud et  fort opportunément renommé l’an dernier Habitat 13. Bien joué JNG. Et merci La Provence.

Après le plan média, les messages. D’abord les ennemis. Evidemment le fourbe Muselier, responsable de tous ses malheurs mais aussi Patrick-lago- Mennucci et Michel-le-petit-problème- Pezet qui se cachent derrière  » un certain nombre de socialistes étaient aussi à la manoeuvre pour me faire disparaitre politiquement » . C’est la théorie du complot. Mouais.

JNG dans un fauteuil

Puis la défense : je me mets en congé du CG13 mais je reste président. Pas certain que cette grosse ficelle suffise à calmer Solférino. Et que ce soit bien légal. En tout cas JNG n’a pas grand chose à craindre du côté de ses troupes. A la fameuse réunion du groupe PS de vendredi soir, fumée blanche, fumée noire ? Les partisans de la ligne dure ont pu se compter. Ils sont trois. Marie-Arlette Carlotti, Michel Pezet et Jeanine Ecochard, qui a fait un long et très dur rappel à la morale républicaine. JNG devrait donc pouvoir rester dans son fauteuil.

Il explique d’ailleurs qu’il ne viendra s’y asseoir que 2 heures par semaine. On espère au passage, puiqu’il « délégue tout« , qu’il n’oubliera pas de déléguer non plus sa rémunération (5512,12 €) et les petits avantages qui vont avec : voitures, chauffeurs, notes de frais et autres frais de représentation. Allez arrêtons nos médiocres mesquineries du temps-que-les-moins-de-20-ans-ne-peuvent-pas-connaître où la morale républicaine n’était pas encore has been et passons à l’essentiel.

La Socoma : la tentation de Venise

Car l’info coco c’est que Gaston Defferre s’est invité dans les deux interviews, et ce n’est sûrement pas par hasard. OK, il est discret mais il est bien là. D’abord dans le Parisien, avec Harlem Déisir qualifié de « petit personnage« . C’est le fameux petit, petit problème.

Et puis surtout la phrase lâchée mezzo-voce par JNG à la fin de son interview dans le quotidien de l’avenue Roger Salengro : « qu’allez vous faire ce samedi ? »  » j’ai rendez-vous à la Socoma, l’entreprise portuaire dont je suis Président, je vais y travailler avec Charles-Emile Loo. » Et là ça devient bougrement intéressant. Allez en chaloupe Simone, on essaie de décrypter.

La Socoma (Société coopérative de manutention) a été créée dans les années 50 par Gaston Defferre. L’idée était d’essayer à l’époque de casser le monopole de la CGT chez les dockers, et en y plaçant des hommes à lui. Qui pourront également être utiles lors des campagnes électorales. Campagnes qui, surtout dans ces années là, ne ressemblent pas vraiment à des parties de bridge chez Nadine de Rotschild. Gaston place ses fidèles à la tête de l’entreprise. Charles-Emile Loo, Antoine Andrieux, Irma Rapuzzi. Si Antoine Andrieux a disparu, sa fille Sylvie est toujours au board. La centenaire Irma Rapuzzi aussi, et Charles-Emile ex porte-flingue de Gaston dirige toujours la boite d’une main de fer. Et la Socoma, c’est la tentation de Venise de Jean-Noël Guérini.

Guérini, le roi du lobbying

Déjà il y a deux ans JNG était entré très discrètement au capital de la coopérative. Pour ceux qui veulent connaître la version officielle c’est ici dans La Provence pour un autre son de cloche c’est là dans le Phénix Bakchich. A l’époque JNG avait du vague à l’âme. Après sa défaite au municipale de 2008, il voulait tout lâcher, quitter la politique. Il sentait déjà que l’entrisme forcené de son frère à la Communauté Urbaine Marseille Provence, mais aussi chez lui au CG 13 finir
ait un jour par lui causer des ennuis. Battu en 2008 par un Gaudin déjà à bout de souffle, alors que toutes les grandes villes avaient quasiment toutes basculées à gauche, JNG doutait de ses chances pour 2014. Et puis 5 ans c’est bien loin.

Patron de la Socoma, ça permettait de quitter pour un temps la politique, sans couper complètement les ponts. Et héritier de Loo, ça a quand même de l’allure. Sans compter les petits avantages matériels. Si par son statut de coopérative, la Socoma ne peut pas reverser de dividendes à ses actionnaires, les salaires ont la réputation d’être plutôt généreux. Alors que JNG était vraiment prêt à lâcher ses ambitions municipales pour le privé, c’est son frère Alexandre, qui une fois de plus, l’avait remonté, lui expliquant qu’au contraire les deux étaient parfaitement compatibles. On n’est plus à ça près.

« Le futur mandat de Maire et de président de la Socoma sont désormais liés à jamais« , aurait déclaré Alex à un de ses interlocuteurs en juillet 2009, selon Médiapart. Jean-Noël a donc obéit à Alexandre, a pris la Présidence de la Socoma et continué la politique. Mais c’est en réalité un job non opérationnel. Président c’est prestigieux, mais c’est un titre qui vu les statuts coopératifs de l’entreprise portuaire ne lui donne aucun pouvoir. Il fait du lobbying pour Charles-Emile Loo «  faire venir des bateaux, aller voir des maires, voir des Présidents de la République… un VRP de luxe » selon un proche du dossier également cité par Médiapart. Et il le fait bien.

VRP de luxe

Car très discrètement JNG va faire le job. Il va notamment faire bénéficier Loo de ses très bonnes relations avec Véolia et de son patron jusqu’en l’an dernier, le puissant Henri Proglio. Le « Cher Henri » d’Alexandre. La SNCM est historiquement le plus gros client de la Socoma. L’entreprise portuaire est spécialisée dans le « ro-ro« , c’est à dire qu’elle s’occupe de mettre les remorques de fret qui vont vers la Corse dans les cargos-mixtes de l’armateur du Boulevard des Dames. Pendant très longtemps, la Socoma a eu un confortable deal avec la SNCM. Notamment grâce à une sorte de Small Business Act, inventé par Defferre, qui obligeait les sociétés nationales, comme la Sncm à l’époque détenue à 100% par l’Etat, à travailler en priorité avec les entreprises à statut coopératif. Merci Gaston. Mais en 2006, suite à la privatisation de la Sncm, les choses ont changé. Le nouveau management mis en place par le nouvel actionnaire Véolia a commencé à passer à la paille de fer tous les contrats. JNG a donc du user de toute son influence pour que Loo ne perde pas trop de plumes dans la négo. Avec succès.

JNG prendra également son bâton de pèlerin pour aller voir ses amis Saadé, la patron de la CMA CGM et Gaudin qui rêvent de transformer les bassins du port de Marseille en une marina à la Miami, et donc de dégager les entreprises portuaires, comme la Socoma, afin de leur demander justement, de ne pas trop mal traiter son ami Charles-Emile. Saadé ne peut pas refuser grand chose à Jean-Noël qui lui avait rendu un sacré service en lui rachetant son immeuble du quai d’Arenc, au moment où le 3 ième armateur mondial était en pleine panade financière. Quand à Jean-Claude il n’ a pas envie non plus de déplaire à Jean-Noël au nom de la bien nommée gouvernance partagée. Et puis le Port et ses histoires de ro-ro il s’en tape comme de sa première mauresque. Et lui aussi est en quelque sorte un héritier de Defferre. Donc fichons la paix à Charles-Emile et sa Socoma. Deuxième succés pour JNG.

Le président Guérini ira même faire du lobbying à l’international. Comme l’a révélé Médiapart,  » Quand Jean-Noël Guérini invitait à diner la belle famille de Ben Ali« ,JNG va essayer de passer des deals avec la famille de Ben Ali, quand tout allait encore bien, et qu’elle détenait notamment des intérets dans l’armement tunisien, dont les navires sont très présents sur le Port de Marseille et également gros clients de la Socoma.

Christophe Masse le dauphin

Mais aujourd’hui, l’environnement a bien évidemment changé. JNG ne peut plus se contenter d’un poste honorifique. Il veut être le patron. Il a besoin d’un nouveau bureau, d’un vrai salaire, d’un vrai job. Et il va se rappeler au bon souvenir de Charles -Emile « Quand je m’en irai ce sera lui où un autre. Mais je préférerais que ce soit lui », avait déclaré il y a quelques mois Loo, toujours à Médiapart.

D’où sa sortie dans La Provence, l’air de rien. Mais qui annonce en réalité sa nouvelle vie. Il va tourner la page. Avec un autre avantage. Si jamais la pression devient trop forte au CG, il pourra toujours prendre les devants et décider lui-même de démissionner, au nom de sa nouvelle vie. Il évitera ainsi l’humiliation d’une éventuelle destitution. Mais on en est pas là. Et avant de prendre ses nouvelles responsabilités, JNG met ses hommes en place. Si il a délégué ses pouvoirs à Daniel Conte, le premier vice-président, ce n’est qu’un pape de transition, et tout le monde sait que le vrai patron si JNG s’en va sera Christophe Masse. Christophe Masse, lui aussi un enfant de Gaston. A qui il a déjà confié la présidence d’Habitat 13, poste de confiance si il en est. Comme disait Gaston, « la nostalgie ne sert à rien. L’important est de bien utiliser le temps dont on ne peut éviter l’écoulement ».

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Commentaires

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  1. heros13 heros13

    Drôle d’article. Une espèce de roman avec pas mal de méchanceté. Une forme d’intronisation pour le grand bègue à la chaussure noire. Un baiser de Judas ? La famille Masse qui avalé bien des couleuvres pourrait effectivement ressusciter. Mais à trop avoir donné des gages à Nono elle s’est créé de nombreuses inimitiés. Qu’il va bien falloir surmonter ; car expliquer comme l’a fait Christophe Masse que la présidence du Conseil général dépendait exclusivement des conseillers généraux en faisant fi de l’investiture du Parti socialiste laissera des traces. Enfin Jean-Noël lui est à la Socoma après avoir été au CA du port, Christophe est à la voirie de MPM en charge de la voirie en même qu’il est au CA d’Aknin

    Si vous regardez ici http://www.aknin.fr/moteur/ on se dit que l’on va pouvoir mettre la tête de C Masse sur les voiles du bateau bleu… et le faire partir au large

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  2. Eric Eric

    Vous avalez la fable d’une nouvelle vie pour JNG avec la facilité qu’en attendaient ses spin doctors. Car mieux vaut être critiqué pour se lancer dans le bizness que de risquer que les medias constatent qu’il reste le président du CG, qu’il continue à le contrôler et que la délégation à M. Conte est une fable (lol). Au fait, que pense M. le Préfet de la légalité de cette délégation ? Mais je suis sur que vous lui avez déja posé la question.
    D’autre part, je vous signale que votre coup de pied de l’âne à Pezet a peut être dépassé votre intention première. Rappelons pour remettre cette phrase dans son contexte et compléter votre jeune culture du contexte marseillais que Gaston Defferre l’a prononcée quelques temps à peine avant d’être battu par la majorité de Pezet à la fédération PS.
    On va souhaiter le même succès à l’apostrophe lancée par Guérini au “petit” Harlem Désir.

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  3. Fé atenzione Fé atenzione

    moi je vous dis que Jean Nono n’est pas de DROITE ni du GAUCHE mais il est bien du MILIEUX

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  4. fanny fanny

    Il est rigolo cet article. Strictement rien de journalistique, ni la forme, ni le fond et encore moins le ton ! Non pas qu’il soit déplaisant à lire, mais il y a trop de présupposés. Vous partez d’une phrase entendue dans un documentaire sur Defferre et zouh vous la remettez ds un tout autre contexte. En fait, vous reprenez des éléments d’autres articles, pour les malaxer et en tirer une théorie…Oui c’est un blog quoi

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  5. antipropagande antipropagande

    Tant que ces “socialistes” là , se serviront , comme se servent certains élus aujourd’hui à la tête de l’état , ils ne pourront arriver au pouvoir ! ( le temps de Defferre est révolu , nous sommes au temps de wikileaks et d’internet ….) Vive la transparence . Ces ” socialistes” là , ne font que le jeu du FN ! Et que l’on ne s’étonne plus du score de l’extrême droite dans notre région …….Lamentable ! Heureusement que Royal se décarcasse , le coup de balai qu’elle préconise est valable aussi pour ce parti : Il y a du travail …..

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  6. Roberta Roberta

    Punaise ! quelle bouillabaisse ! de crabes !!!
    Bon appétit

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  7. gerard gerard

    On ne pourra pas reprocher à Pierre Boucaud de transiger avec sa ligne éditoriale depuis le lancement de son blog : un anti-guérisme cruel (un peu comme en amour, quand on aime et qu’on est éconduit).

    Reste les mêmes ficelles au fil des articles, sa propre lecture, sans distance : les spin doctors à la manœuvre, les petites-phrases antédiluviennes mises bout à bout, sorties de leur contexte et qui semblent donner à l’ensemble une certaine cohérence… De la vraie politique fiction qui n’a pas pour objet d’informer mais de nuire à des fins politiques qui se clarifieront d’elles-mêmes, selon-moi, dans quelques mois.

    Reste que la bête est à terre mais qu’elle bouge encore. Comme au Colisée de la Rome antique, le pouce rivé vers le sol : la mort, la mort tout de suite ! Sortez les lions !

    On dit bien volontiers que c’est de bonne guerre, les affaires, de droite comme de gauche, apparaissent toujours en période électorale selon l’intérêt bien compris des uns et des autres.

    Alea jacta est !

    C’est le “après” qui m’inquiète…

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  8. Marqueur Marqueur

    refoulé notoire avec quelques autres de La Provence.com par le chef de la modération et toute une bande de gochis autorisée je commence à prendre plaisir à lire ce blog, vous allez souvent avoir mes commentaires avisés

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  9. druide67 druide67

    Ce que JNG oubli un peu vite, c’est qu’il pourrait aussi aller faire un tour en prison.

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  10. thauber thauber

    Où l’on constate que contre vents et marées, Jean Noel a de fervents supporters ….

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  11. kerozene kerozene

    en tant que citoyen, je reclame davantage de transparence sur ce monde politique qui fait carrière sur nos voix.

    merci donc de continuer à y contribuer même si l’opinion perce.

    Tout cela appelle à ce que l’ on remette sur la table le débat sur le cumul des mandats.

    Nous avons besoin de moins d’ hommes politiques, mieux payés et ilimités dans leur durée d’ exercice.

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  12. Carla2marseille Carla2marseille

    Marqueur a raison, la photo de famille fait sourire: tous les socialistes reunis autour de leur chef JN Guerini pour la commemoration de Defferre, c est pas mignon! Tiens mais c est pas Caselli juste derriere jean Nono. On se dispute en public mais on se retrouve dans l intimite!

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  13. antipropagande antipropagande

    Il faut stopper le népotisme en politique, comme ailleurs dans ce Pays . Masse fils et petit fils : ç’a suffit ! Cette négation démocratique qui place les “héritiers”, est a vomir . Vive le non cumul des mandats et un nouveau statut pour les élus …. Sans cela la politique est foutue . Et l’on s’étonne après que la finance prenne le pas devant tant de corruption ??

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