“Je serai le premier pour la ratonnade” : racisme assumé dans une réunion de la métropole

C'est lors du conseil portuaire de la Pointe-Rouge que des propos racistes ont été tenus. (Photo : VA)

“Alors, je ne suis pas raciste, mais …” Rares sont les fois où les discours qui suivent cette phrase sont autre chose que nauséabonds, et ce n’est pas Christian Tommasini qui prouvera le contraire. Le président du Yachting club de la Pointe-Rouge (YCPR) est assez remonté le 22 février dernier, lorsque a lieu le conseil portuaire de la Pointe Rouge, une instance mise en place par la métropole Aix-Marseille-Provence dans les ports de plaisance sur lesquels elle a autorité.

Dans le cas de celui de la Pointe-Rouge, elle a choisi de déléguer la gestion du port, de ses places de bateaux, de ses activités sportives et plus récemment de ses parkings au Yachting club de la Pointe-Rouge. Mieux connu sous l’acronyme YCPR, ce club maritime est l’un des plus gros de France, et Christian Tommasini en est donc le président. À ce titre, il siège au conseil portuaire, lequel est présidé par Claude Piccirillo, maire de Saint-Victoret et vice-président délégué à la plaisance.

Monologue raciste et silence de l’assemblée

Sont présents ce jour-là la majorité des intervenants habituels, le président de la séance est fatigué et participera peu. Alors que la séance est bien avancée, est évoquée la question de difficultés pour mettre les bateaux à l’eau, suite à des incivilités, Christian Tommasini prend la parole. Il entame un monologue : “Alors, je ne suis pas raciste, mais maintenant il y en a marre des Arabes. Tu peux plus rien faire sans qu’un arabe vienne te faire chier”. Le président du Yachting club insiste même, vraisemblablement en direction de la personne chargée de la retranscription : “vous pouvez noter hein”. À ces mots, pas de choc dans la pièce. Pas même de réaction de la part des élus présents. Didier Réault, vice-président LR de la métropole délégué au littoral et président du parc national des Calanques, est arrivé en retard, il y a quelques minutes.

Les membres du conseil portuaire informent ce dernier qu’est en train d’être abordée la question des nuisances qui ont lieu sur le parking du port, sur lequel divers incidents auraient eu lieu : vente de boissons, consommation de narguilé et altercations diverses. Les forces de l’ordre auraient été appelées à plusieurs reprises, sans toutefois qu’elles interviennent. Après un interlude sur une visite des renseignements des douanes, Christian Tommasini revient dans le vif du sujet : “Ils profitent de la demi-heure de parking gratuite… en plus, que des melons, que des Arabes. Pas un blond, un blanc, un qui est bien comme il faut, non, que des Arabes”.  Il sera interrompu pour la première fois, sur le ton de l’humour par Didier Réault : “Tu stigmatises”. Rires de l’assistance.

Je m’en fous ! Le jour où il faudra s’armer, je serai le premier à aller faire de la ratonnade.

Christian Tommasini, YCPR

Difficile pourtant de rire en entendant la réponse de Christian Tommasini : “Je m’en fous ! Le jour où il faudra s’armer, je serai le premier à aller faire de la ratonnade”. Dans la foulée, un autre participant conclut : “ça ne peut plus continuer comme ça”. Didier Réault reprend alors la parole, non pas pour stopper des propos qui tombent sous le coup de la loi, mais pour souligner qu’une enquête est probablement en cours, et qu’il n’est pas normal que la police n’intervienne pas. “Mais Didier, ils ont peur des melons, ils ont une peur bleue des Arabes !”. Une après l’autre, les inhibitions tombent et les propos racistes sortent de la bouche du président de l’YCPR de plus en plus facilement : le mot “melon” remplace le mot “Arabe”, et il finit par assumer : “Ils sont en dehors de notre façon de vivre. Alors oui, je suis raciste”.

Pour rappel, la loi française sanctionne les discours appelant “à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée”.

La métropole renvoie Tommasini à sa responsabilité

Il y a beaucoup de grandes gueules dans ces milieux. Entre le dire et le faire…

Didier Réault, élu LR

Contacté à ce sujet par Marsactu, Didier Réault relativise : “On était dans un contexte très tendu durant ce moment de la réunion. Il faut savoir qu’on a affaire à un vrai envahissement de ce parking, de gens qui s’approprient l’espace et qui y montent des commerces illicites. Oui, les propos sont très violents. Mais il y a beaucoup de grandes gueules dans ces milieux. Entre le dire et le faire …”. Quand est soulevée la question de son devoir d’élu d’interrompre un discours raciste hors la loi, il répond simplement : “Ces propos, ce n’est pas moi qui les ai tenus”. Pour mémoire, Didier Réault a été condamné en 2014 pour “incitation à la violence à l’égard d’un groupe ethnique” après un tweet visant la communauté rom.

Président de séance, Claude Piccirillo ne réagit pas plus aux propos tenus si ce n’est pour souligner la nécessité de déposer plainte et d’enjoindre le maire à prendre des arrêtés. Par ailleurs, la Ville était également représentée lors de cette réunion par Sophie Roques, adjointe à l’état-civil qui est restée muette tout au long de la réunion. “C’était ma première réunion en tant que conseillère portuaire, confirme l’élue. J’étais surtout là pour prendre mes marques, écouter, prendre connaissance. J’ai été abasourdie et choquée par les propos tenus. J’en ai parlé à mes collègues à l’issue“.

L’adjointe municipale reconnaît ne pas avoir réagi sur le moment du fait de son inexpérience. Elle dit être sortie de la réunion peu après ces propos. “J’attendais d’avoir le le compte-rendu de la réunion, des éléments concrets pour réagir”, explique-t-elle encore.

Sollicitée, la métropole Aix-Marseille-Provence n’a pas souhaité commenter le sujet mais partage la position de son vice-président, rappelant chacun à la responsabilité de ses mots.

Le président du Yachting club droit dans ses bottes

Pour sa part, Christian Tommasini, assume totalement ses propos auprès de Marsactu : “Le port ressemble à Alger bis, et je n’ai eu des problèmes qu’avec eux. Moi, je suis de la Cayolle, j’ai grandi avec des Arabes, mais à un moment il faut dire stop. Je vais pas dire que c’est des blonds aux yeux bleus”. Confronté à la gravité de ses propos, il renchérit : “Vous ne posez pas les bonnes questions : la vérité, c’est qu’on est envahis par des bandes maghrébines. Vous êtes un journal qui incite à la haine, et si vous voulez défendre les Arabes, allez-y”. C’est seulement à propos de son envie de s’armer et de revenir aux “ratonnades” que le président du YCPR rétrograde légèrement : “Oui, là, je reconnais que les mots ont dépassé ma pensée”.

Au titre de la délégation de service public qui lui a été confiée par la métropole, le Yachting club reverse chaque année 819 000 euros à l’institution, pour une activité qui a généré sur le dernier exercice 1 794 000 euros de chiffre d’affaires. Lors du dernier conseil de territoire, les élus ont approuvé le rapport d’activité intermédiaire de l’YCPR pour les 16 mois précédents.

À propos du parking et de la mise à l’eau, le rapport fait mention du constat partagé par certains membres du port témoignant de “la fréquentation douteuse” du site, de “stationnement anarchique” et “d’incivilités”. Le délégataire est appelé à “reprendre la gestion du parking après travaux” avec pour objectif “de réguler une partie de ces nuisances”. Une formulation bien différente de l’appel à la haine de Christian Tommasini, le délégataire de service public.

Écouter l’intégralité de l’enregistrement (27 minutes)

Actualisation le 27 avril 2021 à 10 H 57 et 14 H01 : Ajout de la présence de Claude Piccirillo, vice-président délégué à la plaisance et président de séance du conseil portuaire et de Sophie Roques, adjointe au maire.

Le 17 décembre 2021, Christian Tommasini a été condamné en première instance à une amende de 10 000 euros assortie de dommage et intérêts après avoir été reconnu coupable d’appel à la haine et à la violence raciale :