Installation de caméras de vidéosurveillance : la Ville se prend les pieds dans la fibre

Actualité
le 19 Oct 2021
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Face à l'insistance du gouvernement, qui propose de financer 500 nouvelles caméras, l'adjoint à la sécurité a mis en avant le retard de déploiement de la fibre et le chantier prioritaire de la "fracture numérique". Les box internet n'ont cependant aucun lien avec le réseau municipal de vidéosurveillance.

1600 caméras de vidéosurveillance sont actuellement installées à Marseille. (Photo BG)
1600 caméras de vidéosurveillance sont actuellement installées à Marseille. (Photo BG)

1600 caméras de vidéosurveillance sont actuellement installées à Marseille. (Photo BG)

La petite phrase de l’adjoint à la sécurité commence à être bien rodée. “Quand le Président dit 500 caméras, j’ai envie de répondre : la fibre à Marseille !”, a lancé Yannick Ohanessian à Libération, fin septembre, puis à La Provence le 11 octobre. Par cette répartie, l’élu socialiste inaugure un nouvel élément dans le débat qui court depuis plusieurs mois concernant la proposition d’aide de l’État pour l’installation de caméras de vidéosurveillance. Un sujet embarrassant pour la majorité qui a fait campagne sur leur “inefficacité” et prononcé, dans la foulée, un moratoire sur leur déploiement.

Croisé il y a quelques jours par Marsactu, l’adjoint confirmait le sens de ses propos sur la fibre : “Essayons d’abord de mettre un terme à la fracture numérique dans cette ville, où on a de grandes difficultés à développer la fibre.” En apparence, la connexion qu’il établit entre les 1600 dômes qui quadrillent la ville et votre box est séduisante : l’un et l’autre utilisent la fibre optique pour transporter rapidement des données volumineuses, telles qu’un flux vidéo. Tant qu’à ce que les policiers municipaux visionnent les images des caméras, autant permettre aux habitants de profiter d’un match de l’OM ou de leur série préférée. Mais en réalité les deux réseaux sont tout à fait séparés. “Les caméras utilisent des lignes dédiées”, résume un connaisseur du secteur.

En effet, outre la problématique de confidentialité de la transmission, la Ville a besoin d’un débit et d’une réactivité du service garanti. Ces exigences s’accommodent mal d’une infrastructure partagée avec des milliers de clients particuliers. Depuis le mât où les caméras sont juchées, un câble est donc tiré pour rejoindre non pas les armoires Free, SFR, Bouygues ou Orange, mais le “point de concentration” le plus proche du réseau municipal de vidéosurveillance. Reliés entre eux par un débit encore plus conséquent, les principaux sont situés à Noailles, boulevard Rabatau, à l’Hôtel de Ville et au centre de supervision urbain de l’avenue Salengro (3e), le lieu de visionnage final.

Schéma simplifié du réseau de vidéosurveillance de la Ville

Une fibre municipale

Seule la moitié des caméras utilisent la fibre municipale. Le reste est relié à un réseau loué à des opérateurs privés.

Et c’est là l’un des nœuds du problème. À l’heure actuelle, beaucoup de caméras sont raccordées en passant par des conduites qui n’appartiennent pas à la Ville. La facture de “location” à des opérateurs, le principal étant Orange, s’élève à plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Pour limiter l’impact de la multiplication des points et développer d’autres usages – allant de l’arrosage automatique aux panneaux d’information interactifs – la Ville essaie de développer sa propre infrastructure.

Mais ce projet est coûteux, puisqu’il faut le plus souvent creuser. Il ne progresse donc qu’à raison d’une dizaine de kilomètres par an. Seule la moitié des caméras a pu être raccordée avec ce réseau dit “propriétaire”. Dans son discours du Pharo, le 2 septembre, Emmanuel Macron promettait de financer “le déploiement de la fibre et 500 caméras dans les zones qui en ont besoin”. C’est de cette fibre-là qu’il parlait, pas de celle qui permet aux abonnés de Marsactu de lire leur journal en ligne à la maison. Relancé sur ce point par Marsactu, Yannick Ohanessian n’a pas donné suite.

Fibre pour les particuliers : un retard réel mais pas forcément durable
Le constat de base de Yannick Ohanessian est pertinent : Marseille est bien à la traîne sur le déploiement du très haut débit. Avec 70 % de locaux raccordés à la fibre, la deuxième ville de France se situe loin derrière Lyon, Toulouse et Bordeaux, qui sont en moyenne à 90 %. Ce décalage doit cependant être relativisé au regard de la moyenne nationale (45 %) et même celle du reste des Bouches-du-Rhône (60 %).
À l’origine, Marseille a été classée comme “zone très dense”, où une intervention publique n’est pas jugée nécessaire pour assurer le bon déploiement. À ce stade, les opérateurs ont donc toute latitude pour développer leur offre comme ils le souhaitent. Le rythme actuel devrait permettre d’atteindre une couverture quasi complète d’ici trois à quatre ans.

Une connexion croissante avec la police nationale

Pour l’adjoint à la sécurité, ce n’est cependant qu’un des multiples coûts de fonctionnement – 8 millions d’euros par an au total – qui justifient sa frilosité vis-à-vis des caméras. L’audit commandé à son arrivée, dont il promet la présentation à l’automne, a ainsi mis en lumière un autre poids pour les finances municipales : l’importance des tâches de visionnage assurées par ses agents pour le compte de la police nationale.

Nul besoin d’une visite présidentielle pour trouver la solution. Depuis plusieurs années, des “postes déportés”, c’est-à-dire des ordinateurs connectés au réseau de caméras, ont été ouverts au sein de la police nationale à l’hôtel de police de l’Évêché, à la préfecture de police et au commissariat de Noailles. Là encore avec quelques brins de fibre. Mais de nombreux services enquêteurs n’y avaient pas encore accès et devaient solliciter le centre de supervision urbain municipal. Une multiplication des postes est donc en cours, avec l’espoir de pouvoir redéployer des policiers municipaux sur d’autres tâches. Comme celle de visionner les 500 nouvelles caméras ? Là-dessus, Yannick Ohanessian dit attendre “des propositions d’implantations de la préfecture de police”. Ni oui ni non, bien au contraire.

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Commentaires

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  1. Assedix Assedix

    A la lecture de cet article, j’ai envie de saluer et de remercier les gens qui étaient à l’origine du PM et qui ont continué à le soutenir

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    • Assedix Assedix

      Quand ces imbéciles se sont partagé les têtes de liste. Ça a dû être une immense déception, mais il était important de ne pas reconduire l’ancienne équipe.

      Aujourd’hui, le mouvement semble s’être essoufflé. Est-ce qu’un petit coup de ménage dans l’équipe municipale ne redonnerait pas un peu d’élan ?

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  2. Pascal L Pascal L

    Il me semble bien que la 5G (et probablement la 4G aussi) permet de se passer de connexion filaire. La location de 500 cartes SIM dédiées à la transmission devrait pouvoir se négocier pour moins de 10 000 €, voire 5000, bien loin des 100 000 € de location des diverses “conduites” à Orange.

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  3. Zumbi Zumbi

    Ce serait bien que Marsactu enquête sur les joyeusetés ubuesques du déploiement de la fibre dans la ville avec les cascades de dous-traitants qui font n’importe quoi.
    On m’a vendu il y a trois ans à la Foire de Marseille un abonnement à la fibre après qu’un cadre eut confirmé au jeune vendeur, qui avait des doutes, l’éligibilité de mon immeuble. Je fais les démarches auprès du syndic, les papiers sont envoyés, au bout d’un long moment j’ai un rendez-vous avec l’installateur. Celui-ci (venant du Var, le siège de la boîte à Nice…) vire, tourne, dans l’appartement, en bas de l’immeuble, cherche : “où est le boîtier ? — quel boîtier ? — celui de l’opérateur — je ne sais pas moi.” Téléphone, autre téléphone, etc. Résultat : ben non, l’immeuble n’avait pas été raccordé. Il est reparti, et j’ai mis longtemps à me faire rembourser, non sans avoir passé des heures au téléphone… car il était impensable d’avoir vendu un abonnement dans un immeuble non éligible, or mon dossier prouvait que cela avait été fait.
    Depuis trois ans, rien. Et je vérifie périodiquement : toute la rue est raccordée du 1 au 122, du 123 au 160. Un seul immeuble, le 124 ne l’est pas. Le mien. “Qui a fait ça ? — On ne sait pas.”
    J’ai eu vent d’autres endroits où c’est pareil.

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    • Assedix Assedix

      Bonjour, est-ce que votre syndic a bien fait voter le raccordement de l’immeuble en AG de copropriété ?

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  4. Bibliothécaire Bibliothécaire

    Bon et concrètement ? Quand on voit les voitures garées n’importe comment, les scooters qui roulent sur les trottoirs and co, elle sert à qqch la vidéo-verbalisation ?

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    • Alceste. Alceste.

      Vous avez tout à fait raison.
      La problématique est la même sur l’autoroute Nord où cela est du n’importe quoi, et pourtant un autoroute cafie de caméras.

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    • LN LN

      même en cas d’accident (vélo/scooter sur piste cyclable) elle ne strictement à rien. Pas vu pas pris !

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  5. Cyril JARNY Cyril JARNY

    Bonjour, j’avoue ne pas trop comprendre le sens de l’article qui semble mettre en cause le positionnement de la mairie. Vous ne vous êtes pas dit que l’élu en question préférait que l’État mette de l’argent pour le déploiement de la fibre plutôt que pour celui du réseau de caméra de la ville ??

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    • Assedix Assedix

      Disons que l’élu en question est adjoint à la tranquillité publique. S’il est hostile aux caméras, il pouvait peut-être plaider pour un autre projet dans le champ de ses compétences… A moins qu’il n’en ait pas et que tous les prétextes soient bon pour ne rien mettre en place.

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