Ils bloquent les Docks libres pour bosser sur le chantier

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le 13 Jan 2014
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Ils bloquent les Docks libres pour bosser sur le chantier
Ils bloquent les Docks libres pour bosser sur le chantier

Ils bloquent les Docks libres pour bosser sur le chantier

S'ils étaient devant le portail à six heures du matin, ce n'était pas pour bosser sur le chantier mais pour le bloquer. Il y a une semaine, des jeunes de la cité Félix Pyat dans le 3e menaçaient dans la Provence d'empêcher les ouvriers d'accéder à leur lieu de travail. A deux pas de barres HLM, l'immense terrain vague laissera place à un millier de logements, moyennant des milliers d'heures de travail. Voilà qui tombait plutôt bien pour le quartier qui souffre particulièrement du chômage de ses jeunes.

Porté voire initié par le collectif des quartiers populaires et des environs (CQPME), ce signal fort adressé au promoteur immobilier Nexity est surtout l'occasion d'interpeller les décideurs – politiques et économiques – par le biais des médias. Réagissant à chaud dans La Provence, le représentant local du promoteur s'était réfugié derrière son engagement de respecter une clause sociale d'embauche alors qu'il n'est légalement pas contraint de le faire.

"On va encore les regarder faire…"

Faisant le pied de grue dès potron-minet, une vingtaine de jeunes ont mis en action les menaces proférées la semaine dernière par voie de presse. Aucun ouvrier n'a pu passer, tandis qu'une dizaine de policiers campaient à proximité du portail fermé par une grosse chaîne ornée d'un cadenas. "Le problème, c'est qu'on ne sait pas où est la clé", ironise Soraya Larguem, du collectif des quartiers populaires. C'est elle qui répond aux nombreux journalistes qui ont répondu présents son invitation. Les policiers s'impatientent et finissent par quitter le lieu peu avant dix heures.

Une vingtaine d'habitants mobilisés monte la garde devant l'entrée. Peu bavards, ils laissent les plus âgés parler du chômage, des mois au RSA, de l'arrivée du projet immobilier. "On a envoyé des CV à Nexity, explique un riverain d'une quarantaine d'années. Faire la ronde on peut faire, sur ce chantier il y a plein de choses qu'on aurait pu faire. Mais encore une fois, on va les regarder faire". Pour faire entendre leur voix, et traiter en direct avec Nexity, les présents souhaitent être reçus par la direction régionale de l'entreprise. "Mais pas à deux, à cinq ou six au moins", lance Soraya Larguem qui dit avoir rejeté une première proposition de négociation. Une information que nous n'avons pas pu recouper auprès de Nexity.

Nexity prépare sa réponse

Au sein du groupe coté en bourse, l'affaire n'est pas prise à la légère, bien que la retenue soit de mise. Suite à l'article de La Provence et à une lettre du président de la communauté urbaine Eugène Caselli, une réunion de crise aurait eu lieu chez Nexity sur le sujet. "Il va y avoir une réponse officielle à la lettre ouverte d'Eugène Caselli", commente-t-on sobrement au niveau régional, avant de renvoyer vers la direction nationale.

Dans sa riposte, il y a fort à parier que le promoteur brandira à nouveau l'engagement qu'il s'est fixé d'appliquer la clause d'insertion sociale telle qu'elle est imposée dans les chantiers de rénovation urbaine. Celle-ci prévoit que 5% des heures travaillées soient attribuées à des travailleurs résidents en zones urbaines sensibles et inscrits dans un parcours d'insertion. Pour le chantier des Docks Libres, cela représente 27 000 heures. Selon les versions, trois, quatre ou cinq ouvriers auraient déjà été recrutés via ce dispositif. Pour l'ensemble des chantiers de rénovation urbaine, la loi impose ce quota d'embauche. Mais le faible nombre de personnes concernées crée plus de frustration que d'espoir d'une insertion professionnelle durable.

"On n'a jamais vu une seule offre d'emploi", s'agace ainsi un jeune homme. En réalité, c'est l'association Emergence(s) qui s'est chargée du recrutement des candidats à la clause. De fait, il ne s'agit pas forcément de recruter les demandeurs d'emplois du quartier sur le chantier en bas de chez eux mais de favoriser les déplacements. "L'Etat encourage cela car la mobilité est une des conditions essentielles du retour à l'emploi", commente la préfète à l'égalité des chances Marie Lajus. Parmi les "axes à améliorer" que définissait fin 2013 Marseille Rénovation Urbaine dans le cadre des clauses sociales se trouvait d'ailleurs la question de la "gestion inter-ZUS (zones urbaines sensibles)", censée favoriser la mobilité.

"J'ai sorti de ma poche un CV"

Cet argument de la mobilité les habitants de Bellevue ne veulent pas l'entendre. "Ils prennent des gens du 15e ou du 16e pour travailler dans le 3e tandis que nous on dépose des CV partout", déplore une habitante. Pendant que les clés du cadenas réapparaissent par enchantement pour laisser sortir la voiture du gardien, des petits malins parviennent à entrer brièvement sur le chantier par une porte annexe visiblement pas si dure à ouvrir. "Je suis entré et je suis allé voir les gars dans les bureaux, raconte fièrement un habitant d'une vingtaine d'années. J'ai sorti de ma poche un CV et je leur ai donné en leur disant de penser à moi", mime-t-il. Avant de se rendre compte qu'il avait imprimé un CV avec un vieux numéro de téléphone, désormais invalide… Faute d'une réponse de Nexity, les riverains et le collectif continueront de bloquer l'accès au chantier. Mais après avoir essuyé un retard à cause de recours administratifs, chaque nouveau jour d'arrêt des travaux a des conséquences financières pour le promoteur.

Compte tenu de ce précédent, d'autres sociétés de BTP prennent les devants et tiennent à l'afficher. Ainsi la société en charge des travaux de la L2, SRL2, s'est engagée à recruter des personnes issues des quartiers que la rocade va traverser à hauteur de 12% des heures travaillées sur la phase construction et 10% en phase de maintenance. Du côté des Terrasses du port, c'est pour les emplois du centre commercial qu'ils ont mis en place sur la place de la Joliette un kiosque destiné à recevoir les candidats à l'embauche. Si jamais tous ces gisements d'emplois ne tiennent pas leurs promesses, ils risquent d'y avoir une ruée au rayon chaînes et cadenas.

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Commentaires

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  1. taf taf

    Enfin une initiative citoyenne.Ce que ne dit pas l article c est que les ouvriers détachés Portuguais pour la grande majorité sont payés 700€ par mois.Vive l Europe et l enfumage. Je soutient cette initiative. bravo les jeunes ainsi que le collectif

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  2. Citoyen de l'Estaque Citoyen de l'Estaque

    La théorie du colibri
    Ils sont bien peu nombreux, mais restent confiants dans la suite de leur combat. Une militante, reprenant les mots du philosophe Pierre Rabhi, appelle ça la théorie du colibri : « Alors qu’il y a un gros incendie dans une forêt, un petit colibri prend une goutte d’eau dans un lac, et la verse sur les flammes. Ce qu’il fait est dérisoire, mais si nous faisons tous comme lui, nous pourrons éteindre l’incendie ».
    Nexity doit apporter sa contribution en étant le premier colibri opérant dans les quartiers nord pour engager la lutte contre l’immense incendie de la forêt urbaine.
    Cette démarche matinale démontre que notre jeunesse ne peut pas vivre sans rêve et sans espérance; son cri de détresse doit être entendu de tous…

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  3. Anonyme Anonyme

    Idem pour le chantier du stade vélodrome les travailleurs viennent d’Espagne et vive en autarcie. Les marseillais sont là juste pour payer

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  4. Marseillais indigné Marseillais indigné

    La mobilité des travailleurs des quartiers pauvres à une certaine distance de leur domicile pourquoi pas ? Mais encore faudrait-il que ce personnel puisse emprunter des transports en commun souvent rares ou soient ramassés par les véhicules de l’entreprise Surtout qu’on leur propose des emplois Je n’ai pas le sentiment que ce soit le cas des nombreux chantiers qui fleurissent dans le 8éme

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  5. Jean-Luc Jean-Luc

    C’est toujours mieux que de rançonner le maître d’oeuvre pour que les travaux se déroulent tranquillement.

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  6. Anonyme Anonyme

    bravo les jeunes …quand on se lève non pour mettre le feu mais pour revendiquer des emplois, c’est le signe que l’espoir est là !

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  7. Anonyme Anonyme

    Suite à l’article de la Provence la semaine passée, les réactions étaient bien différentes, la plupart accusant les jeunes de vouloir bénéficier d’un emploi sans en avoir les capacités. Il semble que les lecteurs de Marsactu montrent plus de bienveillance.

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  8. Dalila Dalila

    Une action qui a du sens et qui vaut 100 réunions ou rencontres…ou propositions ! Les bilans sont faits, les données quantitatives et qualitatives de la misère sont analysées, commentées, illustrées, brossées, évaluées, prospectées, vaselinées,…Les jeunes doivent se faire entendre et doivent arracher le relais de l’action militante…Les mêmes actions doivent être menées dans les ZFU (zones franches urbaines) où bcp d’entreprises (qui se gavent, exonérées de charges sociales…pendant plus de 5 ans…) n’ont pas respecté les clauses liées au recrutement des habitants des quartiers. Continuez le combat !

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  9. Marseillais indigné Marseillais indigné

    @Anonyme 21h49 Les mauvais généraux ont toujours des mauvais soldats, les mauvais patrons ont toujours des mauvais ouvriers!

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  10. JL41 JL41

    Oui, Anonyme de 21h49, je voulais aussi poser quelques question au sujet de cette affaire. Une majorité des commentateurs de Marsactu me semblent PS, de gauche, ou ont voté aux primaires socialistes. On a des idées un peu romantiques (je ne le dis pas en mauvaise part), pour trouver cette initiative positive face au « méchant » Nexity, qui semble toutefois déjà être allé au-delà de ses obligations. Et le BTP a ses contraintes. Les grandes entreprise de travaux publics payent bien la qualification et elles ont fait la promotion de travailleurs de toutes origines qui ont accepté de se qualifier. Des articles assez différents sont publiés dans la presse, où l’on dit que cette démarche est très estimable plutôt que de « mettre le feu », des articles où l’on apprend qu’il n’y a pas beaucoup de ces jeunes qui participent au blocage du chantier, certains ont dit qu’ils étaient restés au lit, ce qui corrobore les dires d’une entreprise amie qui se donne la peine de les embaucher et de les rendre « employables ». On parle dans les commentaires de Marsactu (Taf 22h20) de salaires de 700 € de travailleurs portugais, mais j’ai l’impression qu’on n’est pas très sûr.

    Ceci dit, l’article de Marsactu est déjà bien documenté, mieux qu’ailleurs !

    Cette initiative concrète de la part du collectif que Marsactu avait présenté est heureuse, le rappel a davantage de rigueur dans les entreprises des ZFU est heureux aussi. C’est bien pour cela que je voudrais savoir la vérité :
    1) Qui bloque le chantier ?
    2) Si certains jeunes aimeraient trouver du travail sur ce chantier, quel effort sont-ils prêts à faire pour se qualifier ?
    3) Si des salariés de ce chantier ou de celui du stade vélodrome, sont des Portugais ou des travailleurs des pays de l’Est payés 700 €, je veux savoir si c’est un salaire net ou brut, s’il est complété par des avantages en nature, comme le logement sur le chantier, si ces salaires et ces recrutements sont conformes à la nouvelle législation européenne. Auquel cas, ce serait bien un scandale. On ne peut pas balancer une telle information sans complètement l’étayer.

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  11. JL41 JL41

    Soyons clair, mais c’est une opinion toute personnelle, puisque j’ai l’impression, après la conférence de presse du chef de l’État, de ne pas faire partie de « l’aile gauche du PS », restée un peu gauche quant à l’acceptation du système économique dans lequel il n’est ni souhaitable, ni sans doute possible de sortir.

    Hollande semble vouloir mieux s’affirmer, en se libérant d’un certain nombre de doctrinaires. Il a été plus clair, plus cohérent et il semble plus résolu. L’est-il dans sa vie privée, questions qui fleurissent avec d’autres plus inutiles encore dans les gazettes. Marsactu a bien fait ne pas sombrer aussi dans les aspect « épiphénoméniques » de cette actualité. Mais quand même, ce genre de « grain de sable » dans une vie est plus souvent positif que négatif. Si chacun de ceux qui se morfondent dans leur vie acceptait de sortir du rail, on deviendrait peut-être plus créatif et plus réaliste, et le monde irait peut-être mieux ?

    La prise en charge par le budget de la nation des allocations familiales va diminuer le coût du travail, ce n’est pas un cadeau aux entreprises. Celles-ci sont imposées sur leurs bénéfices, une mécanique que je connais pour y avoir été confronté dans mon entreprise. Maintenant que Hollande a accepté un certain nombre de principes de réalité, voyons quelle politique de gauche il va pouvoir faire. Déjà s’il réussit à libérer une certaine création d’emplois, l’espoir renaîtra et on verra plus clair sur la marche à suivre.

    Dans les deux articles bien documentés sur l’affaire Nexity, certains commentaires évoquent des salaires de 600 à 700 € pour des travailleurs étrangers dans un certain nombre de chantiers à financements publics, mâtinés de PPP lucratifs pour des sociétés plus riches que l’État.

    Marsactu peut-il fiabiliser ces observations, en s’adressant au besoin à la DDTEFP, maintenant dans les unités territoriales des DIRECCTE : http://www.paca.direccte.gouv.fr/-bouches-du-rhone-.html

    Si c’est conforme à la nouvelle législation européenne, modifiée « pour éviter les abus », c’est un vrai scandale, cette fois un cadeau aux entreprises, qui peuvent ainsi tenir la dragée haute aux salariés français sur la question de la rémunération et gêner complètement l’intégration d’une main d’œuvre locale, moins employable, mais qu’il faut faire l’effort d’intégrer dans le cadre de ces chantiers.

    Pareil pour les entreprises exonérées de charge en ZFU si elles recrutent ailleurs. Je crois que dans ce cas l’exonération est partielle. Mais ça fait une entreprise de plus dans le quartier ouverte à des recrutements locaux ultérieurs. Si c’est à durcir, il faut le durcir, sinon c’est un cadeau aux entreprises.

    Il faut absolument intégrer ces jeunes en déshérence, auxquels il faut bien avouer qu’il ne reste que la délinquance pour s’assurer des revenus, ainsi qu’à leur famille. Déjà l’école ne leur a pas donné de chance. Nos responsabilités remontent loin. J’ai eu l’occasion de parler avec ces jeunes et de trouver des solutions avec eux. Mais leur mise en œuvre nécessite un passage par la formation, une formation assez pédagogique pour les entraîner. Mais certains ont des CAP, mais ils ont été écartés des recrutements pour de fausses raisons. Là aussi il y a des solutions, même très simples !

    Et puis réfléchissons un peu, sur des chantiers au coût colossal, comme le stade vélodrome, j’aimerais bien savoir quel surcoût aurait été engendré si tous les salariés avaient été locaux, au lieu d’être pour un certain nombre, portugais, si c’est vrai ?

    Je vois que pour la L2 on va s’y prendre mieux, les idées avancent, ou y a-t-il encore un lézard ?

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