Habitat indigne : les pouvoirs publics mettent en scène leur première réhabilitation commune
Créée en 2021, la SPLA-IN, le bras armé de la métropole, l'État et la Ville de Marseille pour la rénovation des logements privés dégradés, démarre son premier chantier. Pour l'occasion, les institutions se félicitent du travail mené en commun. Six ans après le drame du 5 novembre 2018, quatre immeubles sont sur le point d'être réhabilités.
Martine Vassal, Franck Caro, Benoît Payan et David Ytier visitent un immeuble en travaux rue Jean-Roque (6e). (Photo : ML)
“Habituellement, on pose la première pierre, mais comme ici, il n’y en a pas, je vous remets officiellement le premier casque de chantier de la SPLA-IN.” Ce mercredi 16 octobre, il n’y a en effet pas de première pierre à poser pour l’inauguration du chantier aux 34, 36, 38 et 40 rue Jean-Roque (6e), parce qu’il s’agit là de travaux de réhabilitation dans des immeubles anciens et très dégradés. Mais l’événement est d’importance en matière de lutte contre l’habitat indigne. Et mérite donc que David Ytier, vice-président de la métropole et président de la SPLA-IN (société publique locale d’aménagement d’intérêt national), remette à Martine Vassal son casque spécialement floqué pour l’occasion. Car cette visite signe le lancement du premier chantier mené par la SPLA-IN, le bras armé de la rénovation du centre-ville créé en 2021 par l’État, la métropole et la Ville de Marseille : la réhabilitation de quatre immeubles du quartier de Noailles.
La SPLA-IN a donc donné rendez-vous à la presse et à une poignée de personnalités locales dans cette petite rue, fermée pour l’occasion par les forces de l’ordre. La date choisie, à quelques jours des commémorations du drame de la rue d’Aubagne le 5 novembre 2018 et de l’ouverture du procès exceptionnel pour ce dossier, et le lieu, à une centaine de mètres du site où se sont effondrés les immeubles causant huit morts, planent au-dessus de tous. Pour les élus et représentants de l’État présents, c’est l’opportunité de montrer que les dispositifs de lutte contre l’habitat indigne entrent enfin dans le concret. Mais aussi de prouver que, sur cette problématique, les différentes institutions arrivent à avancer main dans la main, sans les habituelles disputes de compétences entre la Ville de Marseille et la métropole, par exemple.
“C’est maintenant que tout commence”, entame d’ailleurs Franck Caro, directeur général de la SPLA-IN, alors que les prises de parole officielles débutent devant le 36, rue Jean-Roque. Derrière son acronyme imposant, la SPLA-IN est une société privée à capitaux publics lancée en 2021. Elle doit permettre d’agir directement pour piloter les chantiers de réhabilitation sans passer par des appels d’offres, qui allongent la procédure. La métropole en est l’actionnaire majoritaire, suivie par l’État et la Ville de Marseille qui dispose, elle, de la plus petite part au capital. David Ytier, le président de cet opérateur, se félicite ainsi de “la mobilisation de la cordée qui s’est mise au travail et qui essaye de gravir ce long chantier de lutte contre l’habitat indigne”.
la rue d’Aubagne, ce “déclencheur”
Les discours se poursuivent avec les partenaires. “L’habitat et le logement indignes ont causé beaucoup de dégâts à Marseille. Aujourd’hui, c’est un changement de paradigme, une nouvelle ère. Mais c’est un long travail, conséquent et difficile”, synthétise le maire de Marseille, Benoit Payan (divers gauche). La présidente de la métropole Martine Vassal (divers droite) évoque frontalement le contexte qui pèse lourd dans cette partie de la ville : “On est à quelques rues de la rue d’Aubagne. Dans quelques jours, on fêtera ce triste anniversaire, appuie-t-elle. Des personnes sont décédées, nous ne l’oublierons pas. Mais ça a été également un déclencheur, car à ce moment-là, on a pris, la métropole étant en charge de la stratégie du logement, les choses véritablement à bras-le-corps.”
Pour faire les choses bien et vite, il fallait créer une structure qui est plus souple, qui va plus vite que nos institutions.
Martine Vassal, présidente de la métropole
“Pour faire les choses bien et vite, il fallait créer une structure qui est plus souple, qui va plus vite que nos institutions”, souligne aussi Martine Vassal au sujet de la SPLA-IN. Dernier acteur clé dans ce dossier à prendre la parole : l’État, représenté par Virginie Averous, sous-préfète en charge du suivi du plan Marseille en grand, ajoute une pierre à l’édifice de la satisfaction générale. “Ce que nous vivons aujourd’hui est la matérialisation de l’intelligence collective”, assure-t-elle.
Martine Vassal et Benoît Payan sont ensuite invités à se coiffer de leurs casques (dûment estampillés du logo de la SPLA-IN) pour aller visiter l’intérieur des bâtiments, dont la rénovation démarre à peine. Un moment durant lequel la presse pourra seulement rester quelques minutes, le temps de faire quelques images des visiteurs du jour, avec leur casque, entre les étais provisoires qui soutiennent les édifices.
Au pied des immeubles, les architectes du cabinet Archigem, chargé de la maîtrise d’œuvre, les agents de la SPLA-IN et des représentants du groupe Vilogia, le bailleur social qui a remporté l’appel à manifestation d’intérêt et qui récupérera la gestion des logements, livrent les détails du chantier. Les quatre immeubles, qui vont entrer en réhabilitation officiellement dès la semaine prochaine, sont typiques de l’architecture marseillaise. “Une des complexités du chantier est que tout doit se faire en rue occupée”, précise Franck Caro. Si les 34, 36, 38 et 40, rue Jean-Roque sont vides depuis plusieurs années, les immeubles voisins sont, eux, habités.
Seize logements locatifs
Dans cet îlot, racheté par la SPLA-IN en 2023 à l’ancien propriétaire Marseille Habitat, l’opérateur doit livrer, à l’hiver 2026, 16 logements locatifs sociaux qui pourront accueillir une cinquantaine de personnes. “Cela sera très qualitatif”, assure le directeur général de la société publique. Mais le chantier est lourd, car les bâtiments sont très dégradés. Ces travaux doivent aussi permettre de créer un jardin accessible aux locataires, un local pour des vélos, un espace pour un gardien et des caves. “On n’est pas dans une logique de tout jeter et de tout refaire. On fait du sur-mesure immeuble par immeuble”, détaille Michael Métais, responsable du pôle recyclage de l’habitat dégradé à la SPLA-IN. “On essaye de conserver le maximum de plancher et de venir renforcer poutre par poutre”, complète Florian Bourlet, architecte pour le maître d’œuvre.
Le coût de l’opération est estimé à plus de 4 millions d’euros, avancent la SPLA-IN et le cabinet d’architectes. Avec 2,585 millions d’euros hors taxe pour le gros œuvre et une estimation de 1,4 million d’euros pour le second œuvre, une enveloppe qui reste incertaine puisque le marché n’a pas encore été passé. Sur place, les questions financières sont balayées par les élus. “Ça n’a rien à voir avec le coût au mètre carré. C’est un enjeu plus large pour sauver tout le secteur”, réagit David Ytier.
Seize autres immeubles de la SPLA-IN entreront en chantier d’ici au printemps 2025, annonce d’ailleurs son président. Toutes ces réhabilitations s’inscrivent dans le cadre de la concession d’aménagement dite “multisites” conclue, en janvier 2023, par la SLA-IN avec la métropole sur 66 immeubles, ainsi que dans le cadre du plan Marseille en grand, du projet partenarial d’aménagement (PPA) et du projet de renouvellement urbain du grand centre-ville financé par l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine).
Carte : les 16 premiers sites de rénovation de la SPLA-IN (Source : Julien Vinzent, Marsactu)
Après la visite, alors que les officiels commencent à se disperser rue Jean-Roque, quelques personnes de la SPLA-IN et des différentes institutions partenaires restent pour débriefer. Tous affichent une satisfaction sincère face à cette avancée dans la lutte contre l’habitat indigne. Mais n’oublient pas ce par quoi il a fallu en passer. Il a fallu du temps et passer outre les tensions entre collectivités pour arriver à ces premières réalisations. Et convaincre des élus parfois frileux : “C’est difficile de les voir tous sourire aujourd’hui, quand on sait le scepticisme qu’il y avait au début face à la SPLA-IN. Certains disaient « Ça va coûter trop cher »“, glisse-t-on. Mais on veut croire que ces obstacles sont franchis et que la grande rénovation du centre-ville est définitivement lancée : “Trois ans, c’est un record de démarrer un chantier pareil. Ça va faire des petits.”
Commentaires
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Pour moi et pour beaucoup de gens, le nom de la Rue Jean Roque sera à jamais associé à celui de la Machine à Coudre, petite salle de concert rock légendaire et chargée de souvenirs… et autre victime collatérale du 5 novembre 2018, étant pour sa part juste à l’arrière des immeubles effondrés Rue d’Aubagne.
Salutations amicales (et rock !) aux lectrices et lecteurs qui y ont pensé en lisant cet article.
Philippe, Claire, J2P et les autres : on a pas oublié !
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4 millions qui vont se transformer en 6 dans 2 ans à la fin des travaux, pour 16 appartements, soit 375.000 euros par appartement, j’espère qu’ils sont grands à ce prix là. 2 fois le prix que ça aurait couté à un privé ou de les démolir et reconstruire.
Le mieux c’est : « Trois ans, c’est un record de démarrer un chantier pareil. Ça va faire des petits.”
Ils n’ont pas honte, dans le privé les travaux seraient achevés, les appartements déjà loués depuis bien longtemps. Sacrée administration.
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Vous avez raison, c’est tellement mieux de toujours détruire pour tout reconstruire ! Franchement, rasons toute la rue on ira plus vite. Et puis, c’est tellement plus économique d’avoir des immeubles construits à la va vite et mal isolés.
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Scrogneugneu, c’est vrai, ça. Pourquoi tenter de réhabiliter avec un peu de respect pour le patrimoine ? Les Allemands nous ont montré comment faire il y a quelques décennies : tout raser à la dynamite. Je ne sais pas si la dynamite doit être privée ou publique, cependant 🙄
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Ben …l’entreprise mandatée est privée, le cabinet d’archi est privé…il vous faut quoi? Ah juste cracher sur le public qui est privé en fait…
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Parce que ce ne sont pas tes copains du béton qui ont été choisis, Martine ?
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Quand on ne connaît rien au monde de la construction qu’elle soit publique et privé on garde ses commentaires qui sont juste la pour polluer .
Je vous invite à lire les publications de la CERC sur le logement en région vous y apprendrait peut être quelque chose qui rendra vos commentaires pertinents une prochaine fois
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3 ans pour démarrer un chantier et créer « une structure plus souple ». Tout est dit .
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Dans le “privé ” il faut 5 ans pour démarrer un chantier de cet ordre aujourd’hui 🙂
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Le plus important c’est le lancement du concret des opérations….Même si au risque de facher beaucoup de monde cette opération de communication est un peu ridicule…On voit le côté pas naturel des élus avec des casques probablement mis pour la photo..
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Mdr, casque que Franck Caro a posé de travers sur sa tête, sans doute pour la première fois de sa vie 😂😂😂
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2 opérations comme cela et vous construisez une école de 10 classes, soit 200 élèves environ.
Réhabiliter l’ancien patrimonial est louable, pour l’histoire, la culture et l’identité. Mais c’est incompatible avec les revenus modestes des habitants actuels à Marseille : ils n’ont ni les moyens d’assumer les travaux, ni ceux d’entretenir.
Alors on y met de l’argent public, de manière disproportionnée, en paupérisant tout le monde. Je suis d’accord que choisir entre gentrifier à toute vitesse (remplacer les habitants pour faire venir ceux qui ont les moyens de l’investissement) et raser pour laisser pousser les (hideux) bâtiments modernes, c’est cornélien. Mais paupériser tout le territoire pour ne pas avoir à choisir, en pompant des budgets investissables autrement, c’est pire.
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Mouais…Pas très convaincant comme démonstration….
Et suis pas sûr de l’équivalent du prix pour 2 écoles au même endroit lol
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Non mais bien sûr, surtout ne faisons pas différemment, ça s’est prouvé tellement vertueux par le passé. C’est hallucinant qu’aujourd’hui on en vienne même à critiquer des opérations qui réhabilitent le bâti locatif de manière qualitative. Mais c’est sûr que des gens bien logés, c’est pas si important.
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“l’opérateur doit livrer, à l’hiver 2026, 16 logements locatifs sociaux ”
il y a quoi que vous ne comprenez pas dans cette phrase ? “sociaux” ?
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Il faudrait ajouter aux coûts directs de réhabilitation le coût des salariés de la splain, plus celui des agents des 3 collectivités qui suivent le projet depuis 6 ans !
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