Gérard Gazay : “Aubagne ne doit pas devenir Marseille”

Interview
le 26 Sep 2022
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Depuis quelques jours, les habitants d'Aubagne et des communes de l’Étoile sont appelés à se prononcer sur le projet de plan local d'urbanisme intercommunal. Le document a reçu un avis défavorable du préfet qui voudrait que s'y construisent plus de logements. Le maire d'Aubagne, Gérard Gazay, défend le plan.

Gérard Gazay, au moment des élections municipales en 2020. Photo : Margaïd Quioc
Gérard Gazay, au moment des élections municipales en 2020. Photo : Margaïd Quioc

Gérard Gazay, au moment des élections municipales en 2020. Photo : Margaïd Quioc

Depuis le mercredi 21 septembre et pour un mois, les habitants du pays d’Aubagne et de l’Étoile sont appelés à donner leur avis sur le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) dont cette partie de la métropole entend se doter. Mais, avant même de débuter, le document censé encadrer le développement du territoire se retrouve lesté d’avis défavorables.

Au nom de l’État, le préfet Christophe Mirmand souligne le faible nombre de constructions que permettrait le document stratégique. L’agence régionale de santé s’inquiète des risques pour la santé en matière de pollution atmosphérique. La commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et paysagers estime que trop de terrains fertiles sont grignotés par le béton…

Derrière ces critiques, pointe la difficulté persistante de construction d’une métropole qui protège et développe, freine l’urbanisation tout en permettant de loger le plus grand nombre dans les meilleures conditions. Maire de la commune centre, Gérard Gazay défend le document soumis à l’avis de sa population.

Depuis quelques jours, les habitants d’Aubagne et des communes alentours sont invités à donner leur avis sur le plan local d’urbanisme intercommunal. Quel est votre regard sur ce document qui fait débat ?

Ce document a été fabriqué par les services de la métropole en association avec ceux de la Ville d’Aubagne. Dans les grandes lignes, il correspond au développement apaisé et régulé d’une ville, certes importante, mais une ville d’importance moyenne, avec son identité propre et qui n’entend pas imiter Marseille. Aubagne ne doit pas devenir Marseille. C’est ce que j’ai répondu au préfet : les tours de 15 étages, les Aubagnaises et les Aubagnais n’en veulent pas. Je n’en veux pas. Cela ne correspond pas à ce que nous voulons pour notre ville. Je n’oppose pas les deux villes. Mais on ne peut pas faire à Aubagne, une ville avec 70% de terres agricoles et naturelles, ce qu’on a fait à Marseille. Ici, nous avons des bâtiments de trois étages, pas 15. Nous n’avons pas de grands ensembles et nous n’en voulons pas. Surtout quand on connaît les difficultés urbaines que l’on crée quand on agglutine trop de logements, de barres et donc d’habitants dans un espace restreint.

Dans son avis, le préfet a pointé la nécessité de construire plus sans consommer trop d’espaces. Mais est-ce que la hauteur que vous mentionnez provient de discussion avec les services de l’État ?

Vous pensez bien que je n’ai pas sorti ce chiffre au hasard. Lors d’une réunion en préfecture en présence du préfet et du secrétaire général de la préfecture, dans le cadre de l’élaboration du PLUI, un représentant des services de l’État a effectivement mentionné ce nombre d’étages. Je me suis permis de le reprendre parce que c’est justement ce dont nous ne voulons pas.

Malgré l’avis défavorable du préfet et de bien d’autres personnalités publiques associées, vous avez choisi de maintenir l’enquête publique plutôt que la repousser. Pourquoi ?

Plusieurs maires du pays d’Aubagne et de l’Étoile ont fait le choix de maintenir l’enquête publique à ces dates, plutôt que de reprendre les discussions et de la repousser de quelques mois. Il y a deux méthodes, et personnellement, j’étais plutôt favorable à la seconde. Mais je suis solidaire de mes collègues. Nous préférons que l’enquête publique puisse avoir lieu, que les citoyens de nos communes puissent s’exprimer et, ensuite, s’il le faut, nous reprendrons le travail avec les services de l’État et ceux de la métropole.

La seconde forte critique de l’État concerne la consommation d’espace et notamment de terres agricoles. Qu’avez-vous à répondre là-dessus ?

Je m’excuse, mais tout le monde dit des généralités à ce sujet, vous compris. Dans le plan d’occupation des sols de la Ville d’Aubagne, adopté en 2000, il y avait 61% de terres agricoles et naturelles. Dans le PLU que nous avons fait adopter en 2016, avec mon équipe, nous avons porté ce taux à 65%. Dans le projet de PLUI, il y a 70% des terres communales qui sont en zones naturelles ou agricoles. Et on nous reproche d’en consommer davantage. Tout cela part d’une remarque du préfet sur les 22 hectares du quartier Beaudinard.

Sur ce point précis, vous mettez en avant la nécessité d’inscrire dans les documents stratégiques, la possibilité de compenser l’urbanisation des terres agricoles. Qu’entendez-vous par là ?

Vous savez que l’urbanisme se construit sur l’empilement d’un certain nombre de documents qui doivent être compatibles les uns avec les autres. C’est le cas pour le PLU qui doit être compatible avec le schéma de cohérence territorial (SCOT) qui lui-même doit respecter le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sradett). Or, il se trouve que mon prédécesseur [Daniel Fontaine (PCF), maire de 2001 à 2014, ndlr] a fait adopter un SCOT trois mois avant les élections municipales, en décembre 2013. Ce document exclut la notion de compensation. Cela consiste à classer agricole ou naturel un terrain qui était jusque-là ouvert à l’urbanisation en compensant ainsi un autre terrain qui serait alors urbanisé. Nous sommes le seul territoire à ne pas avoir inclus cette notion. Cette difficulté vient du fait que nous n’avons toujours pas de SCOT métropolitain. Nous avons bon espoir que celui-ci sera voté en 2024. Il inclura cette notion de compensation.

Le préfet pose un autre souci. En ne permettant pas de construire suffisamment de logements, le PLUI ne vous permettrait pas de respecter les objectifs projetés dans le plan local de l’habitat (PLH) que vous devez discuter à l’automne.

Mais comme vous le dites, il s’agit de projections. Le préfet table sur un rythme de développement démographique soutenu pour notre territoire. Avec la métropole, nous sommes d’accord pour un développement plus raisonnable. Les discussions sont devant nous.

Vous vous en prenez notamment à la loi Climat et résilience votée en 2016 et qui impose de respecter le principe “zéro artificialisation des sols”. Pour vous, cette loi ne va pas dans le bon sens ?

Typiquement, on a là une loi pensée par des députés totalement coupés des réalités du territoire. La loi, telle qu’elle existe, n’est pas applicable. D’ailleurs, les préfets ont été destinataires d’une circulaire le 4 août qui prévoit justement d’étaler la mise en pratique de cette règle dans les plans locaux d’urbanisme. Mais peut-être que le préfet n’a pas eu le temps de la lire avant d’écrire son avis.

Mais il n’est pas le seul à émettre un avis défavorable. L’agence régionale de santé, l’antenne locale du ministère, s’inquiète de ce que votre document d’urbanisme ne soit pas assez protecteur de la santé de vos concitoyens, notamment en ce qui concerne la pollution atmosphérique.

Je veux bien, mais ce n’est pas la faute de la municipalité si Aubagne est insérée dans un nœud autoroutier qui relie Marseille à Toulon et à Aix. Je veux bien que l’on passe les autoroutes en souterrain, mais il va falloir que l’État nous aide.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Je ne sais pas si c’est moi, mais la tonalité générale de l’argumentation de ce maire est d’une mauvaise foi qui fait penser à un ado pris en faute. Le très vieux slogan du Marseille repoussoir, usé jusqu’à la corde. La très vieille habitude d’une partie des élus de droite, ici, de déclarer une loi “inapplicable” quand elle leur déplaît.

    Et l’image des “tours de 15 étages” quand il est question de densifier la ville. Comme si Paris, avec ses immeubles de 6 étages, n’était pas l’une des villes les plus denses du monde.

    Quel niveau, bon sang !

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    • Assedix Assedix

      Je souscris à 100% à toutes vos remarques.
      J’ajouterais simplement que pour le maire d’une commune qui passe son temps à mendier auprès des services de l’État, c’est un peu gonflé de traiter avec autant de légèreté les avis de ces mêmes services.

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  2. Patafanari Patafanari

    Et Marseille doit redevenir Marseille.

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  3. polipola polipola

    Complètement d’accord avec vous, on sent l’agacement et la mauvaise foi dans chacune de ses réponses ! Si à l’échelle d’Aubagne c’est déjà la mentalité politique, imaginez à l’échelle nationale …

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  4. kukulkan kukulkan

    rageant de voir l’Etat qui fait le dos rond tellement souvent face aux maires qui refusent les projets immobiliers un peu denses (R+2/3) avec du logement social, et les concitoyens qui attendent 5/10 ans pour avoir un logement social. Honteux l’Etat doit sévir et s’occuper des permis collectifs sur toutes ces communes (chose qu’il ne fait pas vraiment), marsactu si intéressé pour un article sur la défaillance et faible utilisation des dispositifs liés à la carence par l’Etat c’est volontiers

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  5. Tarama Tarama

    Il ne veut pas de tours (je le comprends), mais il veut pouvoir urbaniser quand-même.

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  6. Make OM Great Again Make OM Great Again

    Le chantage aux grands ensembles dès lors que l’on parle de densification. ça vaut pas un “ok boomer” ça ?! En fait je sais pas si c’est un manque de culture architecturale ou de la mauvaise fois , mais va falloir leurs filer des cours du soir.

    il essaierait presque de nous faire croire que son territoire à gagné en terres agricoles entre 2000 et 2022 c’est magnifique. mais coco il va bien falloir assumer les promesses de densification que tu as faites en échange du projet de Val Tram.

    Heureusement pour les aubagnais.es il y a des manières plus heureuses de la réaliser que des monolithes de 15 étages.

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  7. Alceste. Alceste.

    Il me revient presque à regretter l’époque où Aubagne était communiste avec Edmond Garcin comme maire.

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  8. Vand Vand

    Je crois que sa plus grosse escroquerie intellectuelle c’est d’expliquer qu’il a augmenté la zone agricole alors que manifestement il y additionne la zone naturelle l’air de rien… Donc oui, un bon gros menteur, comme on rêverait de les voir disparaître de la surface…

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  9. Malleus Maleficarum Malleus Maleficarum

    Incapable de parler de sa ville sans tenter de dénigrer Marseille. Incapable, donc. Avec une couche de pathétique, et une autre de ridicule. Bref. Poubelle.

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  10. leb leb

    “Je veux bien que l’on passe les autoroutes en souterrain, mais il va falloir que l’État nous aide.” Une connexion entre le tramway d’Aubagne et celui de Marseille désengorgerait certainement une bonne partie de cet axe routier, idem pour le val tram, mais bon tout ne peut pas être du ressort de l’état, il faut aussi des politiques locaux avec une vision de ce que peut être une métropole. Aubagne n’est peut-être pas Marseille, mais si le parti pris du maire est de se dissocier par principe de sa voisine, on n’est pas sortis de l’auberge.

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  11. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Une bonne âme pourrait-elle se dévouer pour expliquer au maire d’Aubagne que nous sommes en 2022 ?
    En plus des complexes urbains il y en a à Aubagne, au moins un, Le Charrel. Il ne connaît même pas sa propre ville…

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  12. Oreo Oreo

    Quand la mauvaise fois s’étale comme les villas qu’il projette. Je crains fort que ce dinosaure soit à l’image d’une majorité des électeurs de sa ville. Ceci-dit, on sait ce qu’il advint des dinosaures.

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  13. liovelut liovelut

    Parce qu’évidemment, entre les lotissements de pavillons 4 murs qu’il défend dans son PLUi et les immeubles de 15 étages, y’a aucun entre-deux… au hasard, des immeubles en R+4 (allez, poussons jusqu’à 5) avec une dizaine de logements et commerces/services en RDC ? Construits sur des friches ou en rénovant l’existant, plutôt que sur de la terre agricole…
    Mais non, il nous sort l’argument claqué au sol du “pas comme Marseille”. Personne ne te demande de faire la même chose, juste de densifier un minimum.

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