Festival Mimi : comme un air arabe qui souffle sur le Frioul

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le 2 Juil 2014
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Festival Mimi : comme un air arabe qui souffle sur le Frioul
Festival Mimi : comme un air arabe qui souffle sur le Frioul

Festival Mimi : comme un air arabe qui souffle sur le Frioul

Zeid Hamdam et Maryam Saleh, deux artistes musiciens, deux comètes, deux courants d'air. Plutôt sympathiques, mais un peu perchés sur leur planète de star. En résidence à la Friche de la Belle de mai, ils préparent une création – la préfiguration de leur album à venir cette année – qui sera présentée ce vendredi soir à l'hôpital Caroline de l'île du Frioul, dans le cadre du festival Mimi. Alors que l'interview est imminente, quelque chose semble clocher : la chanteuse égyptienne Maryam Saleh secoue énergiquement la tête, sa chevelure peroxydée cachée sous un foulard. Le caprice d'une diva suivie par 700 000 fans sur sa page facebook : l'artiste refuse d'être filmée ou photographiée. Question de couleur capillaire qui ne sied pas. Avant le départ précipité de la jeune égyptienne pour dégotter un coiffeur, l'entretien aura tout de même lieu hors caméra, Zeid Hamdan faisant office d'interprète pour Maryam Saleh. Le troisième artiste, le libanais Marc Codsi (producteur, guitariste, synthétiseur, drum pad) restera introuvable.

Marsactu : comment avez-vous débuté votre carrière d'artiste ?

Maryam Saleh : J'ai fait mes premiers pas dans le théâtre de rue. J'étais clown, mime. Je suis venue à la chanson par le théâtre, qui étaient très liés. Mon père est un précurseur du théâtre de rue et ma mère est chanteuse. J'ai baigné dans une bulle d'artiste, je n'ai pas eu d'obstacles particuliers liés à mon statut de femme. Si je m'attarde sur cette question de la femme artiste en Égypte, je vais avoir des migraines ! Mon père connaissait le Cheikh Imam [chanteur-compositeur – ndlr], il était un proche de la famille. J'ai commencé à reprendre ses textes révolutionnaires, à les chanter.

Mais rapidement, vous vous êtes émancipée artistiquement?

M.S. : J'ai fondé le groupe de rock égyptien Baraka mais il n'existe plus maintenant. Très vite j'ai composé mes propres textes et j'ai interprété ceux de mes amis. J'ai sorti un premier album, Ana mesh baghanny  [Je ne chante pas]. C'est comme cela que je me suis fait connaître. Les textes que j'écris sont plein d'introspection, de mes états d'âmes, tout cela présenté avec beaucoup d'humour noir. J'utilise beaucoup d'images absurdes, de devinettes. Mais vous savez, je n'aime pas entendre ma voix, elle me dérange, je n'ai pas l'impression de chanter. J'ai souvent craint les critiques pour cela !
Zeid Hamdan : En ce qui me concerne, j'ai commencé assez sérieusement la musique en 1996 à Beyrouth, en formant le groupe Lombrics qui est ensuite devenu Soap Kills. J'ai joué avec un groupe d'amis et comme à un moment je n'avais plus de musiciens, je les ai remplacés par une petite machine. C'est comme cela que l'on a créé un son : l'electronica arabe qui a fait beaucoup de bruit, tant c'était nouveau. Soap Kills a voyagé et depuis j'ai formé d'autres groupes, dans n'importe quel style (hip hop, rock, etc.). Ce qui nous a amené à Maryam, la dernière artiste que je suis en train de produire. Souvent je rencontre des gens qui sont en communion avec leur folklore et leurs racines. J'essaie de traduire leur musique à l'aide d'instruments modernes, pop, et de valoriser la mélodie comme élément principal, même avec des musiques qui ont 500 ans d'âge. Les gens apprécient des morceaux traditionnels auxquels ils seraient moins sensibles avec des arrangements originaux.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Z.H : J'étais en tournée et avec un groupe nous étions à Alexandrie. Maryam était là et j'ai tout de suite accroché lorsqu'elle s'est mise à chanter. Elle a une voix très particulière, ce n'est pas une voix langoureuse, c'est plutôt comme un cri. Le lendemain je lui ai dit "Ce n'est pas possible que je quitte le pays sans t'emporter avec moi… Ou au moins sur mon disque dur !" On a enregistré quatre titres et après je lui ai dit "il faut qu'on filme un clip, je ne peux pas quitter le pays sans avoir une image de toi !" On a donc tourné un clip dans les rues et les souks d'Alexandrie intitulé Islahat [réformes, en arabe / son ci-dessous – ndlr] qui a fait beaucoup de bruit et nous a ouvert des portes. On a reçu très vite des propositions de l'étranger. Cela fait maintenant quatre ans que l'on essaie de développer cet album, mais comme on ne vit pas dans le même pays, c'est très long. Du coup, à chaque fois que l'on se retrouve en tournée ou en résidence on enregistre un petit morceau.

Le contenu est-il parfois politique, comme les chants révolutionnaires du Cheikh Imam ?

M.S : Bien sûr qu'il l'est, mais pas de façon directe. Mes textes peuvent avoir une signification politique mais ce n'est pas le but.

Avez-vous déjà rencontré des problèmes en Egypte et au Liban à cause de votre travail, des tentatives de censure ?

M.S : Une seule fois. Je donnais un concert au Caire et les chansons du Cheikh ne plaisaient pas aux autorités. Ils voulaient fermer le rideau pendant que je chantais ! Sinon, la chanson d'un ami intitulée "la nation du chaos" m'a fermé les portes de nombreux lieux.

Z.H : Un jour, j'ai chanté, en m'adressant au général des armées – qui ensuite est devenu président – Michel Sleiman "tu es notre héros, rentre chez toi". C'était après une opération militaire réussie contre des islamistes. Michel Sleiman avait fait une campagne politique pour accéder à la présidence. Mon message, sous forme d'une chanson presque enfantine consistait à lui dire de ne pas mélanger deux institutions, la politique et l'armée. J'ai été interrogé puis arrêté deux ou trois ans plus tard par un bureau qui travaillait pour lui. Les gens se sont mobilisés et grâce à eux je suis sorti. Symboliquement cela a fait beaucoup de bruit car les Libanais ont été effrayés : la répression commençait, alors que jusqu'à présent ce pays était comme un îlot de liberté au milieu du monde arabe. Aujourd'hui on est en guerre à l'intérieur même du pays, avec la montée de la religion. Ce n'est pas une bonne période pour les musiciens et la plupart souhaitent quitter le pays.

Et la création que vous allez nous proposer au Frioul, de quoi s'agit-il ?

Z.H : C'est notre prochain album composé de onze morceaux. Un mélange d'acoustique, d'électronique, de différents styles mais centré surtout autour des textes de Maryam, ceux du Cheikh Imam qu'elle reprend et certains textes de ses amis. Cette résidence aura duré une semaine, du coup on n'aura jamais été aussi bien préparé pour la scène. D'habitude, cela ressemble plus à un concert improvisé, où on n'a pas le temps de répéter. Je monte sur scène, Maryam est déjà là…

Concert vendredi soir à partir de 21 h 30, suivi des Ukrainiennes DakhaBrakha. Infos pratiques (navettes, tarifs), en ligne.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

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