Faute d’accord avec les forains, la Ville supprime le marché de la Plaine durant les travaux
Alors que le démarrage des travaux est imminent sur la place Jean-Jaurès, la panique monte parmi les forains qui vont être répartis dans d'autres marchés. La Ville a déjà renoncé à maintenir une partie d'entre eux durant le chantier, suite à des "menaces". Certains promettent un "blocage de Marseille" si aucun compromis n'est trouvé.
Sur la place Jean-Jaurès, des clientes se pressent pour signer une pétition contre la fin du marché. (Image LC)
“Vous serez où, vous alors ?”, questionne une cliente en direction d’un vendeur de bottes bien incapable de répondre. “On vous le dira au fur et à mesure, pour le moment, ça change tous les jours”, souffle le forain, qui ironise “on profite des derniers instants présents…” Non loin de là, une pétition circule et se remplit de nouvelles signatures à chaque minute. À la Plaine, le message est désormais bien passé : le mois prochain, au plus tard, les palissades de chantier auront remplacé ce marché extrêmement populaire. Depuis l’annonce des travaux il y a bientôt trois ans, les négociations ont été houleuses entre les quelques 300 marchands et la Ville.
Pendant l’été, la tension est montée d’un cran après une décision de la Ville et la Soleam, dont Marsactu a pu avoir confirmation ce mercredi : il n’y aura finalement aucun forain sur la place au cours des travaux, alors que le cahier des charges présenté en juin dernier prévoyait le maintien de 80 d’entre eux. “On a essayé de trouver 80 forains, mais il y a eu une levée de boucliers, ils ont reçu des menaces des autres forains, justifie Marie-Louise Lota. Ils ont commencé à paniquer et à ne plus vouloir venir. Avec des forains menacés, les clients n’auraient pas été en sécurité. On a décidé de ne pas assumer ce risque, ce n’est pas de gaieté de cœur, d’autant qu’il a fallu trouver 80 places de plus sur les autres marchés”.
Réunion de la dernière chance
Une réunion se tenait mercredi matin en mairie entre l’élue aux emplacements Marie-Louise Lota, son équipe et les représentants des forains. Présentée comme la rencontre de l’ultime chance par ces derniers pour faire entendre leur désarroi, elle s’est finalement concentré sur l’examen du cas de chaque forain en vue de lui attribuer une place dans un autre marché de la ville. 184 forains ont ainsi répondu aux courriers de la mairie, et présenté des vœux de nouveau lieu d’installation, “un peu comme pour les places en crèche”, image l’élue qui ajoute que “la majorité a pu avoir son choix n°1”. Reste qu’une centaine de forains n’a donc pas répondu, par mécontentement principalement. À ceux-là, l’adjointe fera parvenir de nouveaux courriers avec des propositions, “libre à eux d’accepter”.
“Les forains ne veulent pas être divisés sur plusieurs marchés mais la mairie n’a pas d’autre solution”, déplore Marianne Garoute, présidente du syndicat des commerçants non-sédentaires des Bouches-du-Rhône qui juge la situation “grave”. Plusieurs représentants entendaient proposer des lieux de repli qui auraient permis de garder les presque 300 forains ensemble, sans succès. “On nous demande l’impossible, commente l’adjointe. La place Jean-Jaurès est la plus grande de Marseille, si on avait trouvé une autre place de cette taille, on les aurait évidemment tous mis là. On a essayé, mais on n’a jamais trouvé.”
Les représentants du syndicat des marchés de France, qui voulaient se rendre à plusieurs à la réunion ont même choisi de ne pas se présenter, après que la Ville leur ait signifié qu’une seule personne serait admise. “Aller donner tout seul mon quitus à Mme Lota pour faire partir les commerçants de la Plaine, je ne pouvais pas”, explique Michel Marin, président de ce syndicat pour les Bouches-du-Rhône.
“On n’a jamais eu aucune garantie”
Voués à être dispersés à travers la ville dans des emplacements où toute leur clientèle sera à refaire, les forains sont forcément à cran. Beaucoup tirent la totalité de leurs revenus de ce marché. Mardi, au milieu des nombreuses paroles de soutien des clients habitués, ils partageaient tous leur inquiétude et leur colère. “Ils nous balancent des infos de temps en temps, et puis plus rien. On n’a jamais eu aucune garantie. Ça fait trois ans que ça dure, imaginez notre état… Je ne dors plus”, confiait Michael Cohen, soldeur, qui a repris de ses parents l’étal monté par son grand-père en 1976. Lui s’est vu proposer une place de remplacement au marché de la Rose, à l’autre bout de la ville.
Comme beaucoup, il espérait encore un arrangement pour maintenir une partie des forains sur la place, et le reste sur le boulevard Chave. Une proposition écartée par la Ville. “Avec l’éclatement des forains, on sait bien que le panier moyen sera plus bas. Ils ne demandent pas grand chose, le droit de travailler. Ils ne sont même pas contre les travaux !”, appuie Michel Marin.
Chris Sanchez, dit Titin, présenté comme porte-parole des forains de la Plaine, ne dit pas autre chose. “On essaye de nous imposer d’aller à des endroits qui ne nous conviennent pas. On n’a pas à faire concurrence à d’autres forains, notre force c’est de rester unis”. Ils dénonce aussi le choix qui avait été fait de maintenir 80 forains “choisis comme à la tombola”. Un procédé qui a, selon lui, “semé le doute” et rompu la confiance avec la mairie. Michael Cohen est du même avis. “On nous avait dit que ce serait décidé d’abord en fonction de l’ancienneté et de l’assiduité. Parmi ceux à qui on a proposé de rester, pour certains, c’est mérité, mais pour d’autres on ne comprend pas.” Il évoque les “courriers catégoriques”, sans possibilité de dialogue. Plus loin sur le marché, une de ses collègues évoque même “un chantage” : “Si on refuse leurs propositions, on n’a plus de place du tout”.
Hichem, vendeur de produits cosmétiques, craint pour son avenir particulièrement précaire : il a le statut de journalier, c’est à dire qu’il est placé en fonction des forains absents chaque jour. “Ils veulent juste casser du forain. C’est comme un conflit social, sauf que là on paye un loyer et on est délogés quand même”. Il devra à l’avenir trouver de nouveaux marchés, probablement déjà bien remplis par les nouveaux venus.
“On ira jusqu’au bout”
Alors que la dispersion des forains de la Plaine semble désormais inéluctable, les colères ne se cachent plus. “Perdu pour perdu on ira jusqu’au bout”, lance Michael Cohen. “Tout le monde se doute de ce qu’il va se passer, pressent Michel Marin. On va supprimer les revenus de 300 familles, et même ceux qui auront choisi de partir finiront par se retourner contre la mairie, sans compter ceux qui vont apprendre qu’ils auront de nouveaux concurrents sur leurs marchés”. Mardi sur le marché, beaucoup promettaient un “blocage de la ville” en cas d’échec des négociations. Marie-Louise Lota assure, pour sa part qu’elle “tendra la main jusqu’au dernier moment” pour proposer des places à ceux qui le voudront.
Au terme des travaux, la situation ne reviendra pas pour autant à la normale. La Ville ne souhaite pas que le futur marché compte plus de 180 forains. La grande dispersion aura donc des effets durables. Pour certains forains, les adieux à la Plaine se devront donc d’être explosifs.
Commentaires
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Alors il y a des menaces, et que fait immédiatement la mairie ? elle s’aplatit ! La réaction normale et civilisée devant des menaces, c’est d’alerter la police et de porter plainte, sinon où va-t-on ?
Peut-être que la mairie a une grosse responsabilité devant la situation, laisser perdurer un “marché” de si mauvaise tenue, avec beaucoup trop de forains, si peu d’espaces pour déambuler qu’il en est dangereux pour tous
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L’idéologie gaudiniste, c’est “pas de vagues, laissons faire”. Donc, oui, on s’aplatit devant FO, on s’aplatit devant le stationnement anarchique, on s’aplatit devant les menaces de quelques commerçants, on s’aplatit devant ceux qui ne respectent pas les règles d’urbanisme, etc. Rien de nouveau.
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La mairie ne s’aplatit que devant ses copains “aménageurs” et géants de l’immobilier et des centres commerciaux — une fois que les constructeurs ont ramassé le blé prévu, on s’aperçoit que plus ces centres prolifèrent plus il y a de boutiques vides, mais c’est pas grave on va en remettre…
Pendant ce temps-là sur un des marchés les plus populaires et les plus courus de la ville, et pas seulement par les pauvres, on veut plaquer des solutions venues de “consultants” qui s’asseoient sur la réalité de ce type de commerçants et cette clientèle. Ils croient peut-être que le petit peuple ira acheter ses fringues aux voûtes de la Major, et que tous les bricoleurs prendront leur bagnole jusqu’à Plan de Campagne ou La Valentine pour acheter un tournevis et une spatule ?
Oui, le marché de la Plaine avait besoin qu’on ordonne un peu la circulation et le stationnement autour, et la disposition interne ; non, il ne mérite pas cette caricature parfaite de mauvaise gestion, où la fin de règne est conforme à tout ce qui a précédé.
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tout à fait d’accord avec vous, très bien dit
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Comment cette mairie rend conflictuel tous les dossiers dont elle se saisie! même ceux qui pourraient représenter une avancée . Le marché est mal géré par les services municipaux : saturation automobile , saturation des emplacements,non traitement des masses de déchets, déresponsabilisation des forains. Un étage entier du parking souterrain leur sert d’entrepôt de proximité. Le traitement des poubelles de tris est insuffisant pour les habitants alors l’apport des plastiques et cartons déversés dans les rues 3 fois par semaine… Mais voilà que la mairie sans apporter de solutions, après avoir dernièrement augmenté l’espace des forains qui ont transformé le square en parking, veut simplement effacer du jour au lendemain les symptômes de son incurie. Amateurisme? a ce niveau c’est du déni de réalité et cela dégénère en violence. Mais souvent la réponse à Marseille après avoir laissé dégénérer la situation c’est la reculade, puis on fait plus rien, traaaanquillleux.
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Ce marché a pris au fil du temps des proportions bien trop importantes compte tenu de la capacité de la place et du quartier. Encore une fois les élus ont laissé se développer une situation hors normes qui a bien été expliquée par Maltsec et dont les riverains pâtissent tous les jours (en plus des problèmes récurrents de la ville). Il est évident que maintenir un certain nombre de forains pendant le chantier semblait un pari assez hardi (sécurité, accès etc), la méthode employée aurait dû être plus claires dès le départ, en tout cas plus tôt. Il faut également noter que le chiffre de 180 forains à l’avenir est déjà assez conséquent compte tenu de la configuration de la nouvelle place, on peut craindre des “extensions” plus ou moins sauvages très rapidement. En tout état de cause cette place a besoin d’être apaisée, entretenue et vidée de ses voitures en premier lieu.
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il est évident que la plaine a besoin d’un petit lifting, mais pourquoi donc mépriser sans cesse les gens qui y bossent? on leur a menti, méthode récurrente de la mairie, due à un profond mépris pour une certaine partie des marseillais; deuxio n’oubliez pas que rue de rome beaucoup de commerçants ont du mettre la clé sous la porte durant les travaux, et je ne cite que cette rue, tant les endroits sont nombreux dans la ville; la ville de marseille c’est un peu la gestion en mode dictatures africaines; ceux du cercle intime profitent, les autres crèvent; il est urgent que les citoyens comprennent qu’ils ont un réel et puissant pouvoir: l”urne en 2020;
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Petite Mise à jour: cette semaine il a été décidé que le marché se tiendrait 3 ofis par semaine sur le boulevard Chave. LA solution donc: transférer sur les d’autres riverains les nuisances. Les plastiques qui décorent les arbres de la la Place Jean Jaurès vont donc maintenant se retrouver dans les platanes. MERCI
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Sans compter les problèmes de circulation à prévoir sur le boulevard avec le tramway… Une décision prise sous la pression car rien n’a été réellement anticipé et la fermeté n’est pas le point fort de ces élus, un pilotage à vue habituel. Par ailleurs certain forains qui avaient accepté une délocalisation ne veulent pas aller sur Chave car ils savent très bien que l’expérience ne va pas durer face aux problématiques de cette installation improvisée et à la réaction prévisible des riverains qui vont faire entendre leur voix.
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