Fausses délibérations à Aurons : un procès en juin 2025 où la commune s’opposera au maire

Actualité
le 13 Nov 2024
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Le maire d'Aurons, André Bertero, est poursuivi pour faux, usage de faux, escroquerie, détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts. Dans cette affaire, dont le préjudice est estimé à plus de deux millions d'euros, la commune a fini par se constituer partie civile face à l'édile en exercice, sous la pression des habitants et l'insistance de la justice.

André Bertero au tribunal judiciaire d
André Bertero au tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, le 12 novembre 2024 (Photo : ML)

André Bertero au tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, le 12 novembre 2024 (Photo : ML)

Le maire d’Aurons, André Bertero, est arrivé ce mardi 12 novembre au tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence avec une vingtaine de ses soutiens, famille et administrés, ainsi qu’un totebag contenant plusieurs gros classeurs remplis de délibérations municipales. L’édile de la commune de 700 habitants est poursuivi par la justice pour faux, usage de faux, escroquerie, détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêts, comme révélé par Marsactu en mai dernier. Le préjudice pour ces faits, commis entre 2016 et 2021, est aujourd’hui estimé à plus de deux millions d’euros par le ministère public. André Bertero défend de son côté qu’il n’y a pas eu d’enrichissement personnel, mais reconnaît des erreurs.

Alors que le maire d’Aurons se présente pour la première fois à la barre devant le tribunal pour cette affaire, la présidente a décidé de renvoyer l’audience au 26 juin 2025, sur demande des parties civiles et de la défense. Les différentes constitutions de parties civiles ont toutefois été étudiées, en attendant le débat sur le fond dans plusieurs mois.

L’État, la direction régionale des affaires culturelles (Drac) et le département des Bouches-du-Rhône ont ainsi reçu un avis à victime. La commune d’Aurons s’est également constituée partie civile dans cette affaire. Cette procédure signifie que la municipalité s’estime victime d’une infraction. Elle permet de demander des éléments pendant la procédure et d’obtenir une indemnisation lors du jugement. Or, la municipalité avait initialement refusé de s’impliquer dans la procédure, avant d’y être fortement incitée par la justice.

Les habitants saisissent le tribunal administratif

Après une première audience le 3 septembre, où le tribunal a fait un point sur le contrôle judiciaire d’André Bertero et fixé une date pour examiner le fond de l’affaire, le parquet invite, le 30 septembre par courrier, la commune à se présenter le 12 novembre au tribunal pour être entendue en qualité de victime. Suite à cette demande, une délibération est présentée le 21 octobre au conseil municipal d’Aurons au sujet de “l’opportunité de se constituer partie civile au nom de la commune d’Aurons dans le cadre du procès de monsieur le maire André Bertero”. Le premier adjoint, qui représente l’édile absent en raison de la procédure judiciaire, estime en séance “que les membres du conseil municipal se réservent le droit de se porter partie civile à l’issue du jugement de monsieur le maire”, selon le procès-verbal. Les conseillers votent contre la délibération du 21 octobre, au grand dam de plusieurs administrés présents dans le public.

Ces habitants d’Aurons, bien au fait des procédures, saisissent le tribunal administratif le 5 novembre pour se voir délivrer une autorisation de plaider au nom de la commune. “Le tribunal a informé la mairie de cette demande et a saisi la préfecture, en application de la procédure prévue, pour qu’un conseil municipal soit convoqué“, explique la juridiction administrative interrogée par Marsactu. La préfecture a ensuite joué le rôle d’intermédiaire en saisissant à son tour la mairie pour qu’elle organise un conseil dans les trois jours.

Les élus se réunissent donc à nouveau le 7 novembre et estiment alors “qu’il peut être de l’intérêt de la commune de participer en qualité de partie civile à ce procès”, toujours selon le procès-verbal de la séance. “La commune n’a jamais entendu négliger ce dossier”, précisent-ils néanmoins.

Un risque d’inéligibilité pour le maire

“Dans cette décision de ce jour, le tribunal administratif a pris acte de la volonté de la commune de se constituer partie civile dans ce dossier, ce qui l’a conduit à rejeter la demande des requérants d’être autorisés à se constituer partie civile en ses lieux et place”, a donc délibéré le tribunal administratif mardi 12 novembre, juste avant le début de l’audience à Aix-en-Provence. “C’est quelque chose de particulier, quand un administré pense que la commune n’exerce pas ses droits”, comme explique le 12 novembre à la barre Benoit Citeau, avocat de la commune en tant que partie civile.

Le caractère tardif de la décision de la commune de se constituer partie civile a été invoqué à la barre pour justifier la demande de renvoi, en particulier par Dominique Mattei, l’avocat du maire d’Aurons. “Ce n’est pas une opportunité judiciaire, défend toutefois le conseil. Je pourrai, délibération par délibération, m’expliquer.”

Le procureur Emmanuel Merlin, qui s’est opposé aux demandes de renvois, dénonce “un coup de théâtre judiciaire dont on est capable quand on veut retarder une audience”. Le représentant du ministère public indique aussi ne pas comprendre le refus initial de la commune d’Aurons de se constituer partie civile. Il évoque alors un “conseil municipal uniquement aux intérêts du maire” et estime que “les contribuables se sont fait berner”. “Quelle drôle de conception de la démocratie, ajoute le référent des dossiers d’atteinte à la probité au tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence. Tout cela n’a qu’un but : il faut au maximum retarder l’échéance qui est une peine obligatoire d’inéligibilité.” Réponse devant la justice le 26 juin 2025.

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Commentaires

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  1. Richard Mouren Richard Mouren

    Pourquoi je ne suis pas étonné de cette manœuvre des élus? Pour mémoire Aurons = 12 km2 pour 564 ha (en 2021). Aurons fait partie des (trop) nombreuses municipalités microscopiques qui parsèment le territoire sans aucune raison géographique (isolement dans la montagne par exemple). Elles sont souvent devenues le fief de néo-hobereaux qui s’entourent d’une cour bien à leur botte. Deux millions d’euros pour une (si) petite commune, c’est énorme mais il est vrai que les finances de ces microbes administratifs sont souvent florissantes, habitants assez aisés, pas ou peu de charges sociales, redistributions par la Métropole, etc.

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