Face à la grève des femmes de chambre du Radisson Blu, l’employeur joue la montre
Depuis vendredi 24 mai, les femmes de chambre de l'hôtel Radisson Blu du Vieux-Port sont en grève. Employées par l'entreprise Acqua, sous-traitant de plusieurs hôtels, elles demandent des revalorisations financières et une organisation plus transparente du travail. Mais les négociations n'aboutissent pas, et Acqua essaye de gagner du temps.
Les femmes de chambre du Radisson Blu le 28 mai dernier
Depuis vendredi 24 mai, les femmes de chambres de l’hôtel 4 étoiles Radisson Blu, tout au bout du Vieux-Port, près du théâtre de la Criée sont en grève. Après cinq jours de mobilisation, elles affichent toujours une profonde détermination, qu’elles affirment à grand renfort de slogans, chants et concerts de casserole. Sur le parvis de l’hôtel, théâtre de ce joyeux bazar, les touristes venus y séjourner se faufilent avec leurs valises entre la sono et les drapeaux du syndicat CNT-SO, qui soutient le mouvement. Ce syndicat s’est fait une spécialité de ces luttes depuis quelques années.
En ce début de période estivale, et dans le si particulier contexte pré-olympique, c’est plus que jamais le moment pour ces travailleuses précaires, dont la grande majorité est d’origine cap-verdienne, de faire entendre leurs voix. Employées par le groupe Acqua, sous-traitant de différents hôtels de standing à Marseille, leurs revendications sont avant tout financières : obtention d’un treizième mois, une prime pour la saison estivale, l’augmentation de la prime de repas et des harmonisations des grilles salariales entre les différents hôtels. Les déléguées syndicales mettent également en avant des problèmes organisationnels qui nuisent à l’exercice d’une profession déjà pénible.
Affectée au Radisson Blu, Khadija* détaille sa journée type, qui illustre à ses yeux les difficultés du métier. Celles-ci commencent d’ailleurs souvent avant même le début du travail. “Il y a des changements de planning quasiment quotidiens, et on nous prévient à la dernière minute. Une fois, j’arrive devant la porte de l’hôtel, déjà en tenue de travail, et je vais pour pointer … et on m’en empêche au dernier moment pour m’envoyer au Prado”. Il faut alors changer d’hôtel, en laissant sa charge de travail à ses collègues, qui devront donc nettoyer plus de chambres, dans le même temps imparti. Une fois arrivée au second hôtel,elle doit composer avec un nouveau lieu et un nouvel encadrement. Et compenser le temps perdu dans les transports.
Planning contraint
Des perturbations dont Khadija et ses collègues se passeraient bien volontiers, tant leurs journées sont déjà chronométrées. Elles ont “27 minutes pour nettoyer une chambre, pas une de plus … il faut être bien réveillée !”, préfère rigoler Nabila, qui travaille à l’hôtel Marriott du Prado, et qui est venue soutenir ses collègues. Vingt-sept minutes par chambre, un chiffre calculé par un logiciel de gestion comme elles le rapportent, et scruté de près par les gouvernantes, qui font office ici de contremaître. Et pas question de partir avant que tout le planning ne soit bouclé, sous peine de réprimandes, alors que leurs contrats stipulent des horaires fixes. Les heures supplémentaires sont rarement payées, disent-elles. Le patron, lui, prétend le contraire. “Et il faut réclamer pour avoir des titres de transports”, se désole Khadija.
Malgré tout, il semble difficile pour ces femmes de refuser ces changements d’emploi du temps. On a même déjà demandé à Khadija d’aller jusqu’à Marignane à la dernière minute, témoigne-t-elle – ce qu’elle a refusé. Mais d’autres acceptent, par craintes d’être mal vues par l’encadrement, ou de perdre leur emploi, affirment-elles auprès de Marsactu. “On nous envoie boucher les trous, du fait notamment d’absences ou de maladies”, explique Sandy*, représente syndicale CNT-SO chez Acqua. Des modifications de planning qui s’étendent parfois aux jours de repos. Certaines expliquent s’être rendues sur leur lieu de travail, pour se voir expliquer qu’elles ne travaillaient pas ce jour-là. Les plannings avaient été modifiés sans qu’elles en soient averties.
Vers une reconduction du mouvement
De son côté, Nazim Almi, dirigeant du sous-traitant Acqua, évoque des “problèmes de communication” qui conduiraient à des difficultés organisationnelles. Il reconnaît cependant que “s’adapter aux taux d’occupation des hôtels n’est pas toujours une chose aisée”. Il réfute enfin totalement les accusations concernant le non-paiement des heures supplémentaires, arguant qu’Acqua est “la seule entreprise de service d’hôtellerie qui paye ses employés sur la base d’une présence attestée par des badgeuses, et non à la chambre”. Le combat des femmes de chambre a longtemps placé tout en haut de leurs revendications la lutte contre le travail à la tâche, que la badgeuse est censée abolir.
Après deux rounds de négociations samedi 25 mai et ce mardi 28, aucun accord ne semble avoir été trouvé entre les deux parties. Selon Julien Huard, secrétaire confédéral de CNT-SO, Acqua aurait proposé en tout et pour tout une prime annuelle de 250 euros pour compenser la surcharge de travail estivale. Largement insuffisant, face à une demande de treizième mois qui “devrait représenter quelque mille euros pour 108 heures de travail par mois”. La grève devrait donc être reconduite ce mercredi.
*les noms ont été modifiés
Commentaires
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Les richards qui logent dans des 4 ou 5 étoiles ont largement les moyens de payer dignement le service de ménage de leurs chambres. Les hôtels et leurs sous-traitants doivent s’adapter. Priorité à l’humain, encore plus dans des établissements luxueux.
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le radisson appartient à la société carlson, qui possède aussi régent et park inn…basée à minneapolis. sûrement donc une pauvre petite société qui fait peu de bénéfices. Obligée de trouver un prestataire de services (acqua) pour faire le ménage.
que vont penser les clients si ils récupèrent un chambre entre 250 et 300 euros avec de la poussière et des traces sur les miroirs……
nous vivons une époque formidable.
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