Face à Hersant, les salariés de Nice Matin montrent les dents

Face à Hersant, les salariés de Nice Matin montrent les dents

97,5%. Le score ferait rougir les municipalités organisatrices de référendum anti-métropole à l'est de Marseille. Pourtant c'est dans une autre métropole que cela se passe, du côté de Nice, où les salariés coopérateurs du journal local étaient appelés à une assemblée générale extraordinaire, le 14 février dernier. Celle-ci n'avait qu'un seul ordre du jour : "autoriser le bureau de la Coopé à mener toutes les actions, y compris en justice, pour dénoncer le pacte d'actionnaire qui nous lie à GHM", peut-on lire sur le blog du SNJ (Syndicat national des journalistes), partie prenante de l'intersyndicale du canard niçois.

En effet, contrairement aux autres journaux du pôle sud du groupe Hersant médias (GHM) et au monde de la presse en général, Nice Matin a la particularité historique d'appartenir encore en partie à ses salariés via une coopérative de main d'oeuvre. Ils ont donc des représentants au sein même du conseil d'administration. Bien entendu, cela pèse sur le dialogue social et entraîne des rapports de force plus virulents que dans les autres journaux du groupe et notamment à La Provence. "La particularité de la coopé fait que même si on ne représente que 30% de l'actionnariat, 50% des dividendes doit être reversé soit directement auprès de chaque salarié coopérateur, soit en investissement à l'intérieur de la boîte, explique un journaliste sous couvert d'anonymat. C'est à cela qu'on a renoncé en 2008 et c'est sur cela que nous souhaitons revenir aujourd'hui".

12 ans sans dividendes

En effet, à cette époque, les salariés-coopérateurs ont renoncé pour 12 ans à leur droit aux dividendes au profit du groupe Hersant qui s'était engagé à investir lourdement dans le développement du titre : achat de nouvelles rotatives, financement de nombreux départs, développement de l'offre internet… GHM percevait alors 95% des dividendes sur 12 ans comme retour sur investissement. Ce renoncement a été formalisé sous la forme d'un pacte d'actionnaires signé entre GHM et le bureau de la coopé. Mais, cinq ans après, les coopérateurs considèrent que GHM n'a pas tenu ses engagements et même lourdement grevé les comptes de l'entreprise qui affiche, aujourd'hui, toujours selon le SNJ, près 24 millions de dettes.

Aujourd'hui, les salariés considèrent donc qu'il s'agit là d'un "marché de dupes" et veulent doter le bureau de la coopé de tous les moyens nécessaires pour le dénoncer. "Nous sommes effectivement en contact avec des cabinets d'avocats pour étudier toutes les possibilités d'action y compris judiciaires", indique-t-on du côté de la coopérative, là encore sous couvert d'anonymat. La perspective d'une action en justice incite à la prudence. Surtout que l'actionnariat de GHM vit également un tournant.

Patrick Le Lay attendu à Nice

Curieusement, à Nice Matin, on se refuse à faire un lien entre cette AG extraordinaire et l'arrivée récente de Bernard Tapie. "Officiellement, Bernard Tapie et GHM n'ont toujours pas conclu. La date du 15 février avancée par certains médias n'était pas officielle et rien n'a été annoncé lors du dernier conseil d'administration", indique-t-on de source syndicale. Il n'empêche. La publicité faite autour de cette décision de la coopérative a aussi pour objectif d'envoyer un message clair à GHM et à son nouvel actionnaire. S'ils avaient l'intention de tailler dans la masse salariale en procédant à un plan de licenciements pour ramener rapidement les comptes à l'équilibre, les voilà prévenus que le dialogue social risque d'être musclé.

Et les salariés savent faire barrage de leurs corps quand il le faut. Quant à l'audit stratégique entrepris par Patrick Le Lay, les salariés de Nice Matin s'étaient un peu alarmés que l'ancien patron de TF1 ne passent pas les voir, mais ce dernier leur a fait savoir que son travail n'était pas terminé et qu'il reviendrait bientôt sur la Côte d'Azur. Il y est attendu de pied ferme.