Euroméditerranée, eldorado des cadeaux publics au privé
La chambre régionale des comptes vient de rendre un rapport offensif à propos de la gestion d'Euroméditerranée. Elle a identifié des avantages dont ont bénéficié le cinéma multiplexe de Luc Besson, les Terrasses du port et la sky-line d'Arenc.
Les terrasses du port en plein travaux (Photo : D.R.)
C’est une inspection en profondeur qui éclaire d’un jour nouveau Euroméditerranée. Dans un rapport rendu public ce vendredi et présenté cette semaine au conseil d’administration de l’établissement public, la Chambre régionale des comptes tacle plusieurs opérations emblématiques réalisées sur ce périmètre qui va du Vieux-Port aux Crottes. Nous avons choisi d’en relever trois : le cinéma de l’opération Euromed Center, le centre commercial des Terrasses du port et l’opération des Quais d’Arenc.
Multiplexe : printemps du cinéma à Euromed
Les dauphins qui l’ornaient auraient dû devenir un des symboles du projet. Le cinéma promis par la société EuropaCorp de Luc Besson a rangé ses mammifères et n’est toujours pas sorti de terre. Surtout, le réalisateur du Grand bleu est en passe de revendre le futur multiplexe de 3000 places à Gaumont. En cours de route, révèle la chambre, il a obtenu une grosse ristourne de la part d’Euroméditerranée : autour de 3 millions d’euros selon les magistrats financiers. En le revendant à Gaumont, Besson peut-il réussir une culbute financière ? Le montant de la vente n’a pour l’heure pas été communiqué par les deux sociétés.
Le projet de cinéma au cœur d’Euroméditerranée traîne de longue date. Le début des travaux a été annoncé en 2008 puis régulièrement repoussé. Aujourd’hui, la construction est entamée. Aux yeux de l’institution, c’est un outil d’attractivité nécessaire pour dynamiser le quartier en prévision du parc habité d’Arenc. Alors, la parcelle de 11 000 mètres carrés se vend à un prix défiant toute concurrence, explique la CRC : 27 euros le mètre carré. Pour la chambre, au vu des prix pratiqués dans le secteur, elle en valait au moins 8 fois plus, autour de 227 euros le mètre carré. En considérant le lieu comme un commerce, elle estime le vrai prix à 310 euros, soit une ristourne de 283 euros par mètre carré. La multiplication est ensuite vite faite : 11 000 x 283 = 3,1 millions d’euros.
Une longue enquête parue dans l’éphémère revue Au fait en mai 2014 rappelle l’entrain mis par la mairie de Marseille pour soutenir ce projet. Outre la présence du conseiller municipal Charles Milhaud comme vice-président d’EuropaCorp et de la Caisse d’épargne qu’il a présidé comme partenaire financier, le journaliste Geoffrey Le Guilcher note que le cinéaste a pu présenter une deuxième version très différente de son projet (sans les dauphins emblèmes notamment), sans qu’Euromed n’y trouve quelque chose à redire. A l’époque, seul Raoul Aubert, le patron des cinémas Chambord et Prado qui a obtenu de voir le projet retoqué, porte la question devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique (CNAC). “Mon client s’interroge sur la réattribution automatique du marché du multiplexe d’Euromed Center à monsieur Besson pour un projet désormais différent, sans qu’il y ait eu de nouvel appel d’offres”, explique alors son avocate Sandrine Bouyssou. Sans trouver d’écho auprès de la CNAC.
Duty-free pour les Terrasses du port
Le centre commercial du J4 s’est installé sur le port pour ouvrir en 2014. Ce choix était avantageux puisqu’il lui a permis d’éviter de payer la taxe locale d’équipement. Celle-ci est de ressort communal et les terrains du port en étaient exonérés au moment de l’achat. Le groupe Hammerson semblait ainsi avoir réalisé un bon coup qui devient fumant quand on apprend qu’Euroméditerranée a aussi évité au groupe de s’acquitter d’une autre dîme.
L’établissement public a en effet décidé d’inscrire la réfection de la zone courant du J4 à la Joliette dans le cadre d’une ZAC (zone d’aménagement concerté). Or, dans une ZAC, les constructeurs sont amenés à mettre la main au porte-monnaie pour les nouveaux équipements publics. Sauf que dans ce cas, le tracé de la ZAC s’est arrêté au pied du terrain des Terrasses du port. Bilan : des aménagements tout neufs autour et une économie de 13 millions pour le groupe Hammerson. Rien d’étonnant à ce qu’ensuite, le promoteur ait accepté de subventionner des animations pour relancer le centre-ville à hauteur de 3 millions d’euros.
“Cette solution pénalise l’établissement alors qu’un partenariat « gagnant-gagnant » entre les deux établissements (EPAEM et GPMM), sous l’égide de l’Etat, aurait permis de faire participer le promoteur constructeur au coût des travaux d’aménagement de la ZAC”, regrette la chambre qui parle de “lourdes conséquences financières” pour Euroméditerranée.
La sky-line marseillaise qui profite au promoteur
Le gigantesque projet des quais d’Arenc – la tour La Marseillaise, les immeubles H 99 et Horizon, le Balthazar – a aussi attiré l’œil vigilant de la chambre régionale des comptes. Pour les magistrats, Euroméditerranée aurait dû se porter acquéreur du terrain qui doit accueillir les réalisations du groupe Constructa présidé par Marc Pietri. Dans sa réponse, l’établissement juge lui qu’il n’était pas en mesure de le faire.
La vente initiale s’est faite en 2001 avec un propriétaire privé. Euroméditerranée, créé expressément pour donner un nouveau visage au quartier aurait eu tout à gagner selon la chambre à acheter ce terrain vendu à l’époque moins de 3 millions d’euros. À mesure que l’opération se développait, raisonne la chambre, la valeur de terrain allait à coup sûr augmenter. Euroméditerranée serait là encore passé à côté d’une jolie culbute. Selon les calculs de la chambre, l’établissement aurait ainsi pu récupérer 32 millions d’euros quand Constructa doit à la fin de l’opération lui reverser a maxima 15,2 millions d’euros. En passant Euromed aurait ainsi pu ouvrir l’aménagement de la zone à la concurrence via un appel à projets.
“L’action d’Euromed et de la ville a été d’orienter Monsieur Pietri vers un type d’opération qui était souhaitable pour la ville, cette sky-line dont certains annonçaient qu’elle ne verrait jamais le jour”, commente ce vendredi Jean-Claude Gondard, directeur général des services de la Ville de Marseille depuis 1995.
Commentaires
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Pourquoi je ne suis pas surpris ? Peut-être parce que c’est comme ça partout à Marseille, la ville brade tout au privé, enfin, à ses copains du privé (promoteurs, bétonneurs,…). La collusion est grande entre ces milieux et les politiques. A se demander quelles seraient les contreparties.
Merci Marsactu de sortir ces infos.
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Ah la la ! Encore un commentaire caricatural sur nos élus marseillais, pourtant pétris d’honnêteté, de courage et de vertu chrétienne…
Si même la CRC s’y met, où va-t-on ? Elle doit être infiltrée par le lobby socialo-écolo-bobo-LGBT et j’en oublie sûrement.
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C’est exactement ça : caricatural !
Tout ce que propose, imagine ou décide la “mairie” est au départ une espèce de collusion entre la politique et les affairistes. On ne s’en aperçoit pas toujours dès l’origine, mais très vite c’est officiel et….trop tard.
Trop tard pour le stade, les tunnels, les centres commerciaux, euromed, …etc. une liste exhaustive reviendrait à reprendre tous les projets, aboutis ou non de (au moins) ces 20 dernières années….on est jamais déçu.
La question qu’on devrait se poser c’est : à quoi sert -in fine- la chambre régionale des comptes ???? Question qui a du déjà être envisagée…
Elle fait des enquêtes, monte des dossiers plutôt sérieux, et….et ?????
Il est vrai que le manque d’honnêteté, le manque de courage, le manque de vertus chrétiennes…n’est pas illégal !
Nous en attendant….on cotise !
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Donc, on friserait les 30 millions d’€ de manque à gagner pour Euromed? Bien joufflus, les cadeaux!
Y aurait t’il un “juste” retour à ces cadeaux, genre rétrocommission comme sur un vulgaire contrat d’armement?
Mystère, mystère…
Au doigt mouillé, je n’en suis pas du tout convaincu, préférant parier sur une incompétence de nos décideurs alliée à leur volonté forcenée de faire aboutir cette Eurome(r)d, vouée à l’échec suite à la crise de 2008. Pas de bol…
Mais, ‘faudra pas oublier de passer à la caisse, cher contribuable!
Quand à l’électeur, sensé arbitrer un tant soit peu notre gouvernance politique, il semble que son sac à vomi débordant fasse la pitance du FN.
Allez savoir pourquoi….
Y a t’il le moindre espoir qu’il y ait la moindre suite à ce rapport de la CRC?
De toute facon, il suffit d’attendre que le soufflé immobilier retombe et on pourra aller faire de grosses teufs intergalactiques en haut de ces tours abandonnées avec une vue imprenable sur la plus belle rade du monde!
Enfoncé, le toit terrasse de la belle de mai!
garde tes vinyls…et tes mollets pour grimper tout en haut de ces tours sans ascenceur!
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Loin de moi l’envie de prendre la défense des élus marseillais, mais pour que la critique soit équitable il faut rappeler que Euroméditerranée est un établissement public de l’Etat, avec un directeur nommé par l’Etat et un conseil d’administration composé pour moitié de fonctionnaires représentants de l’Etat et pour l’autre moitié d’élus de la Ville de Marseille mais aussi de la Région, du Département, de la Métropole, etc…
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