Étang de Berre : un rapport parlementaire veut mettre l’État devant ses responsabilités

Actualité
le 24 Sep 2020
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Près d'un an après avoir lancé la mission, trois députés des Bouches-du-Rhône rendent un rapport sur la réhabilitation de l'étang de Berre. Avec une série de mesures, ils mettent en avant la nécessité d'action et de financement de la part de l'État ainsi que la réduction des rejets en eaux douces de la centrale d'EDF.

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Ils ont navigué sur ses flots l’hiver dernier, puis écouté et reçu tous les acteurs de l’étang. Ce mercredi, les députés Éric Diard (LR), Pierre Dharréville (PCF) et Jean-Marc Zulési (LREM) ont détaillé les vingt mesures de leur rapport devant la commission du développement durable de l’Assemblée (à lire ici en intégralité). Ils affirment la nécessité d’“une volonté politique qui ne peut être renvoyée aux acteurs locaux”. Autrement dit, les députés demandent une intervention financière et un pilotage important de la part de l’État pour sauver une “pépite écologique”, un “lieu singulier de la Méditerranée” qui constitue “un enjeu national”.

Lire notre article sur le travail de terrain de ces parlementaires

Deuxième plus grand étang salé d’Europe, l’étang de Berre est “un écosystème complexe qui comprend une centrale hydroélectrique qui déverse de l’eau douce en grande quantité”, a entamé Éric Diard, le député de la 12e circonscription. Une spécificité “qui peut provoquer un bouleversement écologique”, poursuit le député LR qui n’a pas manqué de citer l’épisode de malaïgue de 2018.

Ce phénomène, conjonction de facteurs multiples, a entraîné une importante raréfaction de l’oxygène présent dans les eaux de l’étang, et donc, un véritable désastre pour certaines espèces. Une catastrophe accentuée, voire causée, par le rejet des eaux douces de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas. Ainsi, la première “famille de mesures” mise en avant par les députés porte sur la réduction du rejet de cette centrale d’EDF.

Baisser d’un tiers les rejets d’eau douce de la centrale

“EDF constitue l’un des principaux problèmes, si ce n’est le plus important” dans la dégradation de l’état écologique de l’étang, explique Jean-Marc Zulési, rapporteur pour la mission, à Marsactu. Les parlementaires préconisent de limiter les rejets en eaux douce à 600 millions de mètres cubes par an, pour une moyenne actuelle de 900 millions. Durant leurs travaux, les députés ont auditionné l’industriel. “EDF n’est pas dans l’optique de réduire ses rejets. Cela induira forcément une baisse de rendement pour eux, poursuit le député LREM. Mais on peut arriver à coupler cela à une revalorisation de l’eau et à une réorganisation de la chaîne Durance-Verdon.” Si la proposition des parlementaires repose sur un travail “main dans la main” avec EDF, ils n’excluent pas non plus un rapport de force.

“Si EDF reste sur son pré carré, je ne m’interdit pas de porter le débat au niveau européen”, envisage sans détour Jean-Marc Zulési. Dans le cadre de sa directive sur l’eau, l’Union européenne a fixé à l’horizon 2027 l’atteinte d’un bon état écologique des étangs de Berre et de Bolmon. “Si ce n’est pas le cas, la France sera condamnée. Eu égard à cela, on a plutôt intérêt à le faire.” En 2004, la France a déjà été condamnée pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour lutter contre la pollution de l’étang de Berre et des contraintes avaient été imposées à l’énergéticien.

Rouvrir le tunnel du Rove mais sans pompage

La seconde série de mesures concerne les bassins versants. Si les eaux douces d’EDF sont responsables d’un important apport en matière organique dans l’étang (limons chargés en azote), les rivières de l’Arc, de la Touloubre et de la Cadière véhiculent du phosphore, expliquent les parlementaires dans leur rapport. Pour réduire cette pollution, ces derniers entendent aider les collectivités à augmenter les capacités des stations d’épuration et limiter l’imperméabilité des sols. “Un gros travail a déjà été fait sur les stations d’épuration mais elles sont en sous capacité en ce qui concerne le traitement du phosphore“, détaille Jean-Marc Zulési qui estime que l’agriculture passe au deuxième plan en ce qui concerne la pollution au phosphore. Les députés comptent ainsi profiter d’une partie des 200 millions d’euros promis dans le plan de relance de l’État pour la modernisation des stations d’épuration.

Le troisième point évoqué ce mercredi devant la commission du développement durable est l’un des serpent de mer de ce dossier : la réouverture du tunnel du Rove. Si les parlementaires l’envisagent comme une solution complémentaire à ne pas écarter, ils l’amputent en partie. “Quel système de pompage ? Nous demandons juste une réouverture à la courantologie, quitte à ce qu’elle soit naturelle”, évacue le rapporteur. En juillet 2019, le ministère de l’écologie avait rendu un rapport recommandant l’abandon de l’idée de la réouverture, pointant un coût trop important par rapport aux bénéfices espérés.

“L’État doit assumer ses constructions”

“Tout bute sur le système de pompage. Un projet faramineux a été proposé et l’État s’est dit ‘ah la bonne affaire pour se réfugier derrière l’argument du coût‘. Mais le canal du Rove et l’étang de Bolmon sont de tels états que même avec un débit de 4 m³/s, on peut avoir des effets à très court terme”, défend Jean-Marc Zulési. Le tunnel du Rove, propriété du Grand port maritime de Marseille, est laissé à l’abandon depuis de longues années. Et les parlementaires de rappeler que c’est l’État qui a construit cet édifice. “L’État a son rôle à jouer. C’est lui qui a bâti ce tunnel, il doit assumer ses constructions”, estime encore le député de la majorité présidentielle.

Contacté, le ministère de la transition écologique et solidaire n’est pas revenu vers nous. De son côté, le député de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône imagine une gestion étatique du dossier et une surveillance de la qualité des eaux par le Gipreb, syndicat mixte constitué des représentants des collectivités locales. L’instance chargée de la surveillance, la protection et la restauration de l’étang est également le maillon principal de la dernière proposition des députés.

Cette dernière préconise de “travailler sur la gouvernance”. Car s’il est un point de blocage au sujet de la réouverture du tunnel du Rove en particulier et de la restauration de l’étang de Berre en général, c’est bien celui-ci. Les députés qui ont rédigé ce rapport placent ainsi l’État, mais aussi et surtout le Gipreb comme acteurs incontournables pour prendre les rênes de ce dossier aussi technique que politique.

“Si le Gipreb a la volonté de faire évoluer son statut et s’il veut assumer la maitrise d’ouvrage, alors ok !, conclut Jean-Marc Zulesi. Mais il faut sortir de cette vision où l’on dit depuis Paris ce que le Gipreb doit réaliser. S’il a envie d’évoluer, nous y sommes favorables.” Le Gipreb vient justement de vivre un important changement : le maire DVD de Saint-Chamas, Didier Khelfa remplace l’ancien maire de Berre Serge Andréoni, à la tête du Gipreb depuis sa création en 2000. Le nouveau président du Gipreb a récemment déclaré vouloir faire de la diminution des rejets de la centrale EDF sa priorité. Il pourra désormais s’appuyer sur un rapport parlementaire qui rappelle l’État à sa responsabilité.

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Commentaires

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  1. BRASILIA8 BRASILIA8

    ils auraient pu lire les actes des rencontres LAGUN’R rencontre scientifiques autour de l’Etang de Berre du 14/15 mars 2011 tout y est
    encore des parlementaires qui tentent de justifier leurs indemnités en sortant un énième rapport qui comme les précédents finira dans un tiroir d’autant que l’Etat ne doit pas avoir un euro a consacrer au problème et pourtant je suis sur qu’il est question d’écologie, de développement durable etc …..toute la langue de bois habituelle des communicants

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