Et si l'avenir de l'industrie était sous marin?

Et si l'avenir de l'industrie était sous marin?

Avec 1,187 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2012, Bourbon est un géant méconnu de l'industrie régionale. Si elle n'a pas la notoriété d'Eurocopter, l'entreprise spécialisée dans le offshore pourrait être une véritable locomotive pour le secteur des activités sous-marines. Ce potentiel n’a pas échappé au préfet de région. Aujourd'hui encore, au détour d'une conférence de presse consacrée à l'industrie en Paca, Hugues Parant a fait part de sa volonté de fédérer le secteur "du sous-marin" pour mettre en avant la compétitivité de la région en la matière. "Je souhaite fédérer ces entreprises à la pointe de la technologie autour du Pôle Mer, formule le représentant de l'Etat. Il a même décidé de mettre le sous-marin au menu de la prochaine conférence régionale de l’industrie qui devrait se tenir en mars.

Chercher l'avenir de l'industrie en région avec un masque et un tuba peut paraître saugrenu et pourtant, loin d'être réservé aux randonneurs aquatiques, ce secteur est une vraie niche d'innovation. En effet, les technologies sous-marines sont présentes dans différents secteurs et nécessitent un savoir-faire très précis que détiennent un certain nombre d'entreprises à Marseille mais aussi dans le Var. Une fois les techniques mises au point, elles sont utilisées dans différents domaines notamment les plateformes offshore, le forage gazier ou encore l'installation d'éoliennes au large. En 2004, la technologie sous-marine représentait 44 entreprises dans les Bouches-du-Rhône et 1624 employés selon un rapport de la Chambre de Commerce.

Créer un esprit de filière

A priori, le secteur des technologies sous-marines ne bénéficierait pas d'un pôle de compétitivité à proprement parler. Les activités maritimes sont en effet déjà regroupées au sein du Pôle Mer PACA, basé à Toulon. Depuis 2005, ce pôle de compétitivité propose un accompagnement aux entreprises innovantes, et c'est en son sein que pourrait être crée une branche propre aux technologies sous-marines. Dans le domaine de l'optique, la région a également mis en place un organisme d'incitation à l'innovation avec l'ouverture de l'hôtel Technoptic en novembre dernier. "Cette pépinière d'entreprises a pour vocation de proposer un véritable support aux acteurs de l'optique-photonique", explique son directeur Christian Rey, même "s'il est difficile d'en évaluer la portée économique pour le moment". La portée symbolique est pour sa part bel et bien présente. Pour Pierre Léon, responsable du service "Systèmes électriques et électroniques embarqués" au sein de l'Ifremer, Institut français pour l'exploitation de la mer, le soutien de l'Etat est un véritable tremplin pour "avoir des contacts avec des partenaires du secteur et proposer des projets ensemble". Ce spécialiste de l'imagerie sous-marine explique que "le pôle en lui-même est un incitateur".

Pour Christophe Avellan, du Pôle Mer PACA, "le paysage de l'industrie sous-marine est composé de petites entreprises morcelées qui gagneraient à se voir offrir un écrin". Car dans le domaine ultraspécialisé qu’est la recherche sous-marine à vocation industrielle, c'est un peu comme sur un récif corallien, il y a un très grand et plein de petits, très vivaces. Le géant est passé du sucre de la Réunion au pétrole du monde entier, il en a gardé le nom : il s'agit de Bourbon, dont le siège est toujours à Marseille. Le groupe, qui se voit aujourd’hui comme leader de l’exploitation offshore, peut se vanter d’un chiffre d’affaire en progression de 17,7% en 2012.

L’entreprise de Jacques de Chateauvieux opère dans plus de 40 pays via 27 filiales. Elle fait office d’exception dans ce domaine puisque le reste des acteurs locaux sont des PME, à fort capital technologique certes mais à effectif réduit. Parmi elles, la Comex, créée en 1961 à Marseille, pionnier de la plongée profonde industrielle. En 1964, Comex invente le premier caisson hyperbare (résistant à la pression). Cinq ans plus tard, l’entreprise effectue la première plongée industrielle à 160 mètres. Employant une trentaine de personnes, Comex dispose aujourd’hui d’un centre d’essai hyperbare. Leur dernier robot sous-marin – Rémora 2000 – permet d'emmener deux personnes jusqu'à 610 mètres pendant 10 heures. 

Intervention en milieu hostile

Autre exemple de réussite locale, Cybernétix, "spécialiste des interventions en milieux hostiles". L'entreprise, basée à Château Gombert, intervient dans différents domaines : industrie, nucléaire, défense, pétrole et gaz. Elle a investi 7,4% de son chiffre d'affaire en 2010 pour la R&D. Toutefois, de nombreuses entreprises ne réalisent qu'une partie de leur chiffre d'affaire dans les activités sous-marines. Tel est le cas du groupe Snef par exemple, crée lui aussi à Marseille au début du XXème siècle, spécialisé dans les installations électriques. Ils effectuent la maintenance des sous-marins nucléaires mais aussi d'autres navires civiles et commerciaux. Ces activités ne représentent que 4% du chiffre de l'entreprise qui emploient plus de 10 000 personnes dans le monde. L'autre caractéristique des entreprises de la haute-technologie sous-marine réside dans leur forte présence à l'étranger, bien que gardant un pied à Marseille. La ville héberge également l'Institut national de plongée professionnelle (INPP) qui assure la formation des professionnels du domaine à la Pointe Rouge. Le but serait donc de mettre en contact tous ces acteurs dispersés actuellement sur le territoire. 

Si les entreprises du secteur de la haute-technologie sous-marine n'ont pas attendu une aide logistique de l'Etat pour mettre au point leurs propres pôles de recherche, elles manquent considérablement de visibilité auprès du grand public. "Ce secteur a un fort potentiel dans différentes domaines, explique Dominique Chevereaux de la Direction Régionale de l'Industrie, mais leurs activités ne sont pas du tout mises en lumières". Ce petit coup de pouce en termes de notoriété est cher au préfet de Région, Hugues Parant qui a annoncé à la fin de l'année dernière sa volonté de structurer la filière et lui offrir un support d'expansion. Reste à savoir si ce soutien dépassera le cadre symbolique pour un secteur fort prometteur.