Eric Zemmour, la mauvaise pagnolade du château de la Buzine

Photo Flickr - Fondation France Israël

Pour une douzaine d’euros, les Marseillais pourront assister le 22 septembre à une conférence du polémiste Eric Zemmour au château de la Buzine, lieu initialement dédié au cinéma devenu espace culture généraliste. Celui-ci publie en cette rentrée un recueil de ses chroniques sur RTL, Un quinquennat pour rien.“Comme Frantz-Olivier Giesbert, Boris Cyrulnik, Jean D’Ormesson, Elisabeth Badinter ou Caroline Fourest, Eric Zemmour est invité pour la rentrée littéraire”, explique la directrice du château Valérie Fédele. Nous n’avons pas pu trouver trace de passages passés à venir des auteurs cités, hormis celui de Boris Cyrulnik et le site du château ne fait pas état d’autres dîners-débats ou conférences.

Dans ce lieu cher à Marcel Pagnol géré en délégation de service public par la Cinémathèque de Marseille, la directrice banalise sa venue. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Une pétition a été lancée ce mardi contre sa venue sur le site Mes opinions. “Refusons qu’Eric Zemmour puisse être l’invité d’un lieu d’accueil municipal pour répandre sa haine de “l’autre”, exhorte son auteur. Même position dans l’opposition municipale. Le président du groupe socialiste Benoît Payan a envoyé un courrier au maire de Marseille pour lui demander de solliciter la déprogrammation de l’essayiste. “Je n’accepte ni le racisme ni l’antisémitisme qui dans notre pays ne sont pas des opinions. En France, ce sont des délits et en l’espèce, Monsieur Zemmour est un récidiviste”, écrit-il.

L’homme a en effet fait des sorties xénophobes son principal carburant médiatique. Condamné à deux reprises pour incitation à la haine raciale, il s’est signalé ces derniers jours en estimant Omar Sy et Zinédine Zidane “moins français” que lui. Il a aussi souhaité imposer “des prénoms français” pour tous les nouveaux-nés.

Malgré les demandes répétées d’intervention, la Ville de Marseille se refuse à briser la règle de non ingérence, quand bien même il s’agit d’un équipement public. “En terme de politique culturelle, la Ville de Marseille n’intervient pas, sauf s’il y a un risque de trouble à l’ordre public. Voyez avec la directrice du château de la Buzine”, nous répond une porte-parole.

“Zola et Sartre ont aussi, en leur temps, dérangé”

L’intéressée, Valérie Fédele, n’a pas été effrayé par le pedigree de son invité. “Pour moi Eric Zemmour c’est un journaliste, un intellectuel, pas un politicien. Il dit des choses qui dérangent comme tous les intellectuels. Zola et Sartre ont aussi, en leur temps, dérangé”, estime-t-elle imaginant sûrement voir un jour Zemmour figurer dans les livres scolaires au même titre que ces deux glorieux prédécesseurs. Quand on lui rappelle les propos et les condamnations de son hôte, elle dit “ne pas faire de politique” et “défendre la liberté d’expression”. Tout juste a–t-elle invité des représentants de la Marseillaise et de la Provence pour lui porter la contradiction sur l’estrade.

Celle qui a fait de la Buzine une entreprise rentable a surtout trouvé un bon filon avec ces rendez-vous littéraires autour de personnalités médiatiques. “Toutes ces conférences et ces dîners avec des auteurs affichent complets avec des files d’attente de plus de 100 personnes”. Selon elle, la conférence de Zemmour devrait encore remplir la jauge avec plus de 200 personnes.

Trouvera-t-on parmi elles la député-maire du secteur, Valérie Boyer ? L’élue, qui ne nous a pas répondu ce mercredi, est une proche de la directrice de la Buzine. Dans un contexte de pré-campagne législative, elle s’est signalée récemment par ses propos orientés contre les musulmans et notamment contre le voile “perçu comme un signe d’allégeance à notre ennemi”. Pas très loin d’un Eric Zemmour qui il y a quelques jours expliquait sur France 5 que “dans les banlieues françaises, où de nombreuses filles sont voilées, c’est aussi l’islam, c’est aussi le jihad”.