En pleines négociations, la gauche marseillaise bute encore sur les quartiers Nord

Actualité
par Lisa Castelly & Jean-Marie Leforestier
le 30 Mai 2020
21

La gauche parviendra-t-elle à se présenter unie à Marseille ? Si un accord semble en bonne voie entre les écologistes et le Printemps marseillais, les discussions n'existent pas avec Samia Ghali. La question du désistement dans les 13e et 14e arrondissements face au risque d'une reconduction du RN à la mairie de secteur n'est toujours pas tranchée.

Michèle Rubirola, tête de liste du Printemps marseillais. En arrière-plan, Jean-Marc Coppola, tête de liste dans les 15e et 16e arrondissements, échange avec son homologue des 6/8, Olivia Fortin.
Michèle Rubirola, tête de liste du Printemps marseillais. En arrière-plan, Jean-Marc Coppola, tête de liste dans les 15e et 16e arrondissements, échange avec son homologue des 6/8, Olivia Fortin.

Michèle Rubirola, tête de liste du Printemps marseillais. En arrière-plan, Jean-Marc Coppola, tête de liste dans les 15e et 16e arrondissements, échange avec son homologue des 6/8, Olivia Fortin.

Ce vendredi soir, les équipes du Printemps marseillais rencontraient une troisième fois officiellement celle de la liste écologiste Debout Marseille. Depuis le début de la semaine, les réunions entre les négociateurs des deux camps s’enchaînent. Les discussions sont cordiales, mais fastidieuses, indiquent plusieurs sources. Il s’agit de mélanger les candidats des deux camps pour obtenir une seule liste de second tour.

“L’accord global est déjà acté, assure une tête de liste de secteur d’Europe écologie-les Verts. Après, il faut encore affiner secteur par secteur. Et là nous tombons sur les questions habituelles : toute négociation est douloureuse. Au Printemps marseillais, ils se demandent comment dire à des gens de faire de la place pour les nouveaux venus. Et chez Debout Marseille, on veut que les gens de qualité trouvent des places sur les listes.” Un candidat du Printemps marseillais complète : “à la fin, eux trouveront qu’ils n’ont pas assez de postes et nous que c’est trop cher payé. Personne ne sera content et ça voudra dire qu’on aura un bon accord”.

Dans ces échanges, le mouvement représenté par Michèle Rubirola mène forcément la danse, puisqu’il est arrivé en tête au premier tour, avec 23 % des suffrages sur la ville, quand son allié atteignait seulement 9 %. Les deux parties doivent encore parvenir à échafauder les huit listes correspondant aux huit mairies à conquérir tout en sachant que chaque tête de liste de secteur garde légalement la main sur le choix final de sa liste. Le week-end sera donc consacré aux places de chacun, la limite pour le dépôt des listes étant fixé à mardi, 18 heures.

La clé est dans les quartiers Nord

“Dans le centre-ville, ça va, c’est en périphérie que c’est le bordel”, résume un cadre du Printemps marseillais au sujet de ces négociations. Dans les quartiers Sud traditionnellement peu favorables à la gauche, les places sont chères et disputées. Mais le nœud du problème se situe encore davantage dans les 13/14 et 15/16. “Il y a encore un débat à avoir sur les quartiers Nord, confirme Sébastien Barles, qui menait la liste écolo au premier tour. À savoir, est-ce qu’on se présente sur le 13/14 et tout faire pour éviter une triangulaire dans les 15/16, qui serait, je crois, périlleuse.” Deux secteurs-clés, sur lesquels les deux listes n’ont à ce jour pas trouvé de compromis, avec au cœur de la tension, la question de tendre la main, ou non, à l’ex socialiste Samia Ghali, qui est en position de se maintenir dans ces deux secteurs.

Il faut qu’on m’explique comment on peut prendre la ville sans Ghali.

Sébastien Barles, tête de liste écologiste

Le communiqué diffusé jeudi par la tête de liste Debout Marseille dans ce secteur, Chahidati Soilihi, donne aux débats un surplus d’électricité. Ayant dépassé les 5% des voix, elle peut fusionner sa liste avec une autre ayant atteint 10 %. Elle veut rejoindre, avec son colistier Victor Hugo Espinosa, la liste de la sénatrice arrivée en première position au premier tour “afin de battre le Rassemblement national”. Une fusion alors que le Printemps marseillais, représenté dans ce secteur par le communiste Jean-Marc Coppola, a bien l’intention de se maintenir face à Samia Ghali. “C’est un ralliement unilatéral, politiquement incompréhensible et prématuré alors qu’on est en train de négocier à l’échelle de la ville”, désamorce Sébastien Barles. “C’est par ce sujet qu’on va commencer ce soir”, prévenait-on du côté du Printemps marseillais vendredi, prêt à demander des comptes au partenaire qui ne tient pas ses troupes.

Sébastien Barles admet comprendre le choix de Chahidati Soilihi sur le fond. “Je la crois sincère quand elle dit que la lutte contre le RN est la priorité pour elle et qu’elle se range derrière la première arrivée. Et puis il faut qu’on m’explique comment on peut prendre la ville sans Ghali”, lâche-t-il, partisan d’une alliance “à trois” dans les deux secteurs du nord, avec les listes Ghali. La situation est d’autant plus complexe dans le 15/16 qu’à quelques jours du dépôt des listes, Lydia Frentzel, prévue pour mener la liste EELV avait rejoint le Printemps marseillais, au motif, justement, de faire barrage au RN. “Pour calculer une fusion alors qu’on a déjà des Verts dans nos listes, c’est byzantin”, grince-t-on au Printemps marseillais.

Zéro discussion avec Samia Ghali

Au sein de l’état-major du Printemps marseillais, des discussions avec Samia Ghali, maire honoraire des 15/16 – qui a laissé son fief pour cause de non-cumul des mandats – semblent hors de question à ce stade. “Elle n’est jamais venue vers nous, elle a toujours cherché à faire des alliances à droite et avec LREM. On reste avec nos alliés naturels, on est dans un souci de cohérence jusqu’au bout”, martèle le cadre cité plus haut, qui soupçonne aussi un accord tacite passé entre la candidate et Martine Vassal (LR), qui a retiré son candidat (arrivé quatrième).

“On ira la voir au troisième tour si on en a besoin, mais avant, nos électeurs ne comprendraient pas”, poursuit notre source. En attendant, les tensions interpersonnelles jouent à plein. Un candidat soupire, sous couvert d’anonymat :“tout le monde s’excite, tout le monde se parle pour dire “untel a dit du mal de ta femme, lui il a dit que tu es un enculé, etc”. C’est des affaires d’ego. La période ne nous fait pas du bien, 48 heures c’était largement suffisant.”

Dans les rangs ghalistes, on confirme que le Printemps marseillais n’a pas pris contact, malgré son l’appel de la sénatrice à se ranger derrière sa candidature. Elle attend un signe et n’est pas décidée à faire le premier pas. “Nous sommes dans une bataille de fond pour le 15/16”, assure son entourage sans s’étendre. “Je pense qu’elle n’ira pas avec Martine Vassal. Si personne ne vient la chercher d’ici mardi, il ne faut pas exclure qu’elle choisisse une autre alliance, comme lui propose Bruno Gilles”, explique un interlocuteur régulier proche de Ghali.

Un sondage pour déterminer les chances de la gauche dans le 13/14

Le sort des deux secteurs des quartiers nord sont intimement liés. Alors que Jérémy Bacchi, tête de liste du Printemps marseillais dans le 13/14 s’interroge toujours sur le retrait ou non de sa liste, même si l’ensemble du mouvement pousse pour un maintien. “Il y a toujours un risque de faire passer le front et de le porter pendant des années, il veut des garanties”, comprend un de ses camarades.

Au cœur de ces garanties, se trouve la commande d’un sondage dont le résultat est encore attendu. Commandé, selon des sources concordantes, à l’IFOP, il teste deux hypothèses : un duel entre le candidat de la droite et le RN et celle d’une triangulaire avec une liste Printemps marseillais. Les résultats sont attendus pour la fin du week-end. “J’ai appris qu’il y avait ce sondage parce que mon mari a été interrogé, sourit Florence Masse (PS), numéro 2 de la liste qui défend farouchement son maintien. Il est clair que si le duel montre que la droite ne gagne pas en duel ou si l’on peut gagner en triangulaire, il n’y a pas de raison que nous ne soyons pas candidats et que ces quartiers n’aient pas de représentants de gauche pendant six ans.”

Toujours est-il qu’en cas de maintien du Printemps marseillais dans le 15/16, Samia Ghali serait peu encline à apporter son soutien à Jérémy Bacchi. Julien Rossi, parvenu à 11,3 % tout de même, maintient pour sa part des contacts réguliers avec le Printemps marseillais, dans l’attente d’un accord. Dès le 16 mars, il se déclarait favorable à une liste d’union de la gauche pour contrer le RN qui détient cette mairie depuis 2014. Mais quand bien même le candidat s’affranchirait de l’aval de la sénatrice et soutiendrait une candidature Bacchi face à Ravier, que vaudrait ce soutien en terme de voix sans l’étiquette Ghali ?

Deux dossiers particulièrement épineux sur lesquels les nouveaux alliés risquent de s’arracher les cheveux, le Printemps misant sur l’élan du premier tour et la clarté de son message de renouveau quand les écologistes regardent les additions de chiffres avec inquiétude. En dehors d’alliances avec Samia Ghali, les autres scénarios semblent aujourd’hui hors-sujet.

“Les écolos n’ont pas d’autres options sérieuses pour s’allier”, souffle une source au Printemps. Dans les 6/8 notamment, Debout Marseille n’était pas contre un “grand arc progressiste” englobant aussi LREM. Mais le Printemps refuse toute alliance avec les soutiens d’Emmanuel Macron. L’équipe d’Yvon Berland, qui a annoncé négocier avec tout le monde hors RN, pourrait finalement choisir dans ce secteur-clé de la droite locale, de se maintenir plutôt que de choisir. “Pour nous, c’est le mieux”, glisse-t-on au Printemps marseillais, où l’on espère donc atteindre le centre de la cible Bargemon avec un arc à deux cordes.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.
Lisa Castelly
Journaliste
Jean-Marie Leforestier
Journaliste | jm.leforestier@marsactu.fr

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. barbapapa barbapapa

    La gauche qui “butte” encore sur les quartiers Nord, c’est un jeu de mots ?

    Signaler
    • pierre pierre

      et “barbappa” ?!

      Signaler
    • barbapapa barbapapa

      C’était juste pour l’ortographe, normalement on bute sur quelque chose, et en jardinage on butte des asperges par exemple

      Signaler
  2. Pascal L Pascal L

    Mme Ghali a besoin de grands électeurs pour les municipales et elle a fait de très bons scores dans le 15-16 (faut dire que les brigades de colleurs municipaux nous ont collé son portrait sur tous les panneaux pendant deux mois). Alors le RN, le PM, elle s’en balance. L’important c’est son siège. L’immunité qui va avec est un “accessoire” complémentaire qui peut-être utile.

    Signaler
  3. ANGIE13 ANGIE13

    et il était ou le Printemps Marseillais pendant la crise??? confinés certainement et maintenant il réapparait…manque plus que son leader Parisien pour couronner le tout..

    Signaler
    • Ben-J_Comalipa Ben-J_Comalipa

      Qui est son leader parisien ? Je suis curieux…

      Signaler
    • Ysabel Bels Ysabel Bels

      Erreur ! les militants du Printemps marseillais se sont décarcassés pour leur voisinage en difficulté au moins dans les 2 et 3e (que je connais car j’y habite ou y travaille) . Ils ne se sont pas collé une étiquette sur le front qui leur aurait sans doute valu un sérieux rappel à l’ordre . (je ne connais pas les finesses du code électoral mais il doit y avoir quelques règles à respecter en temps d’entre deux tours)
      Le leader parisien du printemps marseillais c’est qui ? A ma connaissance il y a suffisamment d’habitants engagés en politique sur place

      Signaler
    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je ne savais pas que parmi les lecteurs et lectrices de Marsactu, certain•e•s se laissaient attraper par les éléments de langage du gang de Gaudin et de son héritière selon lesquels le PM serait téléguidé par la FI et son chef spirituel.

      C’est factuellement faux, la FI marseillaise étant divisée, comme expliqué ici par elle-même : https://lafranceinsoumise.fr/2020/02/18/communique-de-presse-du-comite-electoral-lfi-concernant-les-elections-municipales-a-marseille/

      Signaler
    • Mistral Mistral

      Il n’y a pas de leader parisien du Printemps Marseillais !!!
      La tête de liste c’est Michèle Rubirola qui vit et travaille à Marseille.

      Signaler
  4. pierre pierre

    Bonjour Angie13, une suggestion, amicale: prenez un moment ce long week-end de Pentecôte pour une revue de presse locale sur les trois derniers mois et une visite du site du Printemps Marseillais. Vous pourriez ainsi avoir des réponses à votre question… si vous êtes curieux … et de bonne foi.

    Signaler
  5. pierre pierre

    Camarades communistes, la prise de la Bastille Marseillaise se fera-t-elle avec vous?!

    Signaler
  6. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Si la gauche se montre incapable de s’unir dans les quartiers populaires c’est reparti pour 25 ans avec Vassal ; il est bon pour l’image de la Ville que Marseille soit représentée par Mme Ghali Les manœuvres de ceux qui l’ont remplacé à la mairie de secteur ne sont pas correctes !

    Signaler
    • Zumbi Zumbi

      Madame Ghali à été de gauche, depuis elle a voulu faire venir l’armée pour résoudre les problèmes des quartiers Nord. Évolution à la Valls, ou Collomb.

      Signaler
  7. Alain PAUL Alain PAUL

    Article intéressant qui pose bien les pb qu’ont à affronter les listes
    Puisse l’esprit de pentecôte les éclairer pour que le changement à Marseille soit réalisé
    Après il faudra se coltiner la dure réalité de la ville

    Signaler
  8. mehdi mehdi

    Très bon article de Marsactu qui conforte le commentaire d’Alain Paul.
    Sans union entre la gauche et les écologistes point de Salut pour les Marseillais.
    C’est de bon augure que les quartiers populaires soient de fait, l’arbitre de cette union. Un test pour les capacités du PM et de DM de gérer cette ville.

    Signaler
  9. Louise LM Louise LM

    nous les marseillais.es des autres secteurs avons besoin des élus PM du 13-14 au conseil municipal, Bacchi et compagnie
    et plus si affinités

    Signaler
  10. bud_ice13010 bud_ice13010

    Faire barrage dans le 13/14 alors que le maire élu est RN non c’est pas comme cela qu’il faut le voir, c’est de la résistance avec cela implique le combat NUANCE !

    Signaler
    • Louise LM Louise LM

      que voulez vous dire ?
      c’est pas très clair

      Signaler
    • bud_ice13010 bud_ice13010

      à Louise LM, je dis que faire barrage au RN alors qu’il est déjà en place ne sert à rien et qu’il faut résister en présentant une liste PM…

      Signaler
    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Tout à fait d’accord. Et pour faire honneur au grand père Résistant dont il se réclame, Jeremy Bacchi devrait savoir qu’il y a un temps pour le maquis et un temps pour l’action. Le moment de livrer bataille pour libérer le 13-14, et par delà toute la ville, est venu. Le moment d’une très grande responsabilité devant tous les Marseillais. Qu’en penserait votre grand-père, Monsieur Bacchi ?

      Signaler
  11. leravidemilo leravidemilo

    C’est donc la dernière occase de rappeler à bon entendeur salut que :
    Il semble évident que de ne pas présenter de liste sur le 13/14 revient à ce que les habitants n’aient pas de représentants autres que Vassalistes et Ravieriste.
    Il semble plus que probable que c’est donner un sérieux coup de main à Vassal pour remporter la ville, et de se retrouver avec Vassal au vieux port et Ravier sur le secteur.
    Il semble encore bien plus évident, que c’est pousser encore plus les habitants concernés vers l’abstention, ce coup ci et dans les années à venir…
    Cela fait donc beaucoup (trop). Et juste rappeler que cette somme d’erreurs et de stupidités ne viendraient que couronner et conclure celles commises lors du premier tour et la situation ainsi créée.
    Faut il rappeler que, sur ce secteur, le total des voix obtenues par la liste P.M et la liste Unir, qui n’auraient du en faire qu’une (hors les coups de force du P.M) dépasse les voix obtenues par la liste Vassal. En outre la dynamique d’une telle union, qui était à portée de main n’aurait pu qu’accroitre ce différentiel. On se serait retrouvé alors dans une situation bien simple, dans laquelle Vassal, en 3ème position, n’aurait pas manqué de retirer sa liste et d’appeler à voter pour la gauche et les abominables collectifs, histoire de faire barrage au RN, si en croyons les visions bisounours du P.M concernant la situation politique de ce pays en 2020… et donc l’affaire, la ville et le secteur étaient dans le sac!
    Et donc, après avoir commis de telles vilenies, à l’encontre de citoyens à qui l’ont reproche ensuite de ne pas voter avec assiduité et passion (!!!), on se retire, on essuie la poussière sur son costume, on proclame sa pureté dans le combat et son intransigeance envers l’extrême droite, et on va jouer ailleurs….
    Ce qui est absolument évident par contre, c’est qu’un tel scénario assurerait aux coupables de” la gauche Marseillaise” de buter très fortement dans l’avenir sur ” les quartiers nord”. Marsactu peut bien garder son titre, il serait promis à un bel avenir!

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire