En empruntant le Rhône, le port de Marseille-Fos veut se tailler une part de Lyon
Marseille capitale du Rhône. C'est en substance ce qu'a annoncé Emmanuel Macron lors de sa visite début septembre, voulant faire du GPMM un port fluvial d'envergure. Mais avant de voir des conteneurs prendre en masse les eaux intérieures, il faudra résoudre les obstacles de la gouvernance et de l'aménagement.
ZIF Zone Industrielle de Fos. Photo: Port de Marseille Fos
Six petits pourcents. Voilà la part de marchandises qui arrivent ou repartent en fret fluvial du grand port maritime de Marseille-Fos (GPMM) en 2019. Sur 1,5 million de conteneurs, cela en fait 85 000 qui empruntent le Rhône. Une situation qui n’a rien d’une spécificité locale, l’autre grand port français du Havre n’atteint pas les 10%, et qui ne s’arrange pas puisque ce report modal est en baisse depuis 2014 où 100 000 containers étaient comptabilisés. Des chiffres qui font petit joueur si l’on se compare aux grands concurrents d’Anvers et Rotterdam avec leur 36% minimum.
Ce grand écart n’échappe pas à l’État, comme en témoignent les mots d’Emmanuel Macron au Pharo début septembre. “Marseille doit devenir la tête de pont de l’axe Rhône-Saône”, glisse-t-il au milieu de sa pluie d’annonces plus au moins nouvelles (voir notre Macronscope ci-dessous). Pour y parvenir, le locataire de l’Élysée promet “des aménagements nouveaux et des investissements exceptionnels” mais aussi “la transformation du port maritime en un grand port fluvio-maritime allant de Marseille à Lyon et conservant son siège à Marseille”.
Des engagements aussi flous qu’inattendus. “Nous n’avons pas encore eu d’écho sur la volonté exacte par rapport à ce qui a été dit. Au sein de la place portuaire personne ne s’y attendait”, reconnaît Jean-François Suhas, président du conseil de développement du Port. “L’annonce est prématurée, on nous a parlé d’une lettre de mission qui n’est arrivée que la semaine dernière”, appuie Pascal Galéoté, représentant CGT au sein du GPMM et secrétaire général du comité social et économique. Un courrier qu’il précise ne pas avoir pu consulter.
Une gouvernance unique jusqu’à Lyon
Le port lui, refuse de répondre à nos questions et se contente d’un courriel dans lequel il “se félicite de cette ambition affichée par le Chef de l’État qui permettra de favoriser la massification et le report modal”. Le ton est mesuré mais l’idée n’est pas tout à fait étrangère à l’actuel président du directoire du grand port, Hervé Martel. Celui-ci a fait une grande partie de sa carrière sur l’axe fluvial entre la Seine et Le Havre, œuvrant au rapprochement désormais effectif de ces places portuaires.
Au sein des acteurs portuaires, on traduit dans les mots d’Emmanuel Macron une volonté de dupliquer à Marseille le modèle Haropa. Contraction de Havre-Rouen-Paris, il s’agit d’un groupement d’intérêt économique (GIE) né en juin dernier qui réunit les ports de ces trois villes. Chacun garde sa direction territoriale mais les questions financières et de développement sont gérées par le GIE. Ce dernier étant une entité unique, en théorie plus à même de gérer sa chaîne logistique jusqu’à sa zone de chalandise, appelée hinterland. Dans le monde maritime, ce sont bien la rapidité et la fiabilité des connexions à terre qui donnent des avantages aux ports aux yeux de leurs clients.
“Cela peut permettre au GPMM de se connecter plus loin avec son hinterland, d’un point de vue commercial cela revient à dire que l’entrée du port serait à Lyon”, résume Pascal Galéoté. Mais la création d’un “Mafoly” (pour Marseille-Fos-Lyon) sur l’axe Rhône-Saône n’apparaît pas non plus comme une formule magique. “Bien sûr qu’il faut développer le fluvial, mais je ne suis pas sûr qu’une gouvernance unique permette cela. Il faut plutôt mettre les moyens sur la manutention et mettre à disposition un terminal dédié”, tranche Jean-François Suhas.
Un sujet de prix et de fiabilité
La mise en œuvre elle-même du port maritime fluvial relève déjà du casse-tête. “D’un point de vue juridique, une gouvernance similaire à Haropa n’est pas possible à court terme car la gestion de certains ports a été concédée à la compagnie nationale du Rhône [détenue à près de 50% par Engie et l’autre moitié par la caisse des dépôts et des collectivités, NDLR]“, prévient Cécile Avezard, présidente de Medlink. Cette association créée en 2008 réunit les ports et gestionnaires d’infrastructures entre Marseille et Lyon pour promouvoir commercialement le fret fluvial.
En juillet, Medlink a rendu un rapport avec 60 préconisations (à lire ci-dessous) pour “dynamiser ce mode de transport” à la demande du ministère des Transports qui y voit une alternative écologique à la route. Car une barge peut accueillir environ 200 conteneurs, soit autant de poids lourds en moins sur le papier. Parmi les propositions de Medlink, deux mentionnent directement le GPMM. Il s’agit de changer la facturation et d’optimiser l’accès aux quais sur les terminaux à conteneurs.
Sur le premier point, Cécile Avezard explique que “les frais de manutention pour le camion ou le train sont de 200 euros alors que la barge présente un surcoût de 50 euros”. Un prix plus élevé qui est la conséquence d’une rupture de charge – le temps d’arrêt pour changer de mode de transport – supplémentaire. “Nous voulons gommer cet écart pour donner un avantage au fluvial”, avance la présidente de Medlink. Malgré ce tarif de base plus important le fluvial peut en effet être compétitif à condition de remplir les barges le plus possible, et si le centre logistique d’arrivée se trouve proche de l’eau. Car un trajet entre Fos et Lyon via le Rhône prend 32 heures.
En plus de ces contraintes, le fluvial se révèle peu fiable pour les transporteurs. “Nous sommes toujours très embêtés quand nous sommes au port de Fos”, tacle Julien Legrain, délégué des entreprises fluviales de France pour la région Rhône-Saône, qui pointe “les grèves et le fait que les barges ne soient pas prioritaires”. Car entre un navire – qui prend la mer – et un bateau – qui prend les eaux intérieures -, les dockers déchargent d’abord le premier qui rapporte plus. Par conséquent, cela allonge les délais et aggrave les retards. “Nous avons demandé une longueur réservée avec une grue pour tout type de chargement”, enchaîne-t-il. Cécile Avezard le confirme, “il manque du linéaire de quai pour servir tout le monde convenablement”.
Une concertation du GPMM est en cours
Aujourd’hui, l’accès des bateaux se réalise via le Rhône jusqu’au bac de Barcarin. À partir de ce point, une barge peut soit emprunter vers l’Est un canal qui débouche en darse 1 soit continuer à descendre un peu le fleuve pour rejoindre l’enceinte du GPMM par l’écluse de Port-Saint Louis. Dans les grandes lignes, les céréales vont au bassin des Tellines, les conteneurs en darse 2, les hydrocarbures à Lavera (Martigues) et – jusqu’à présent – le charbon au bout de la darse 1 en face de la darse Sud.
Le GPMM mène des études et une concertation sur une réorganisation de ses aménagements. “Nous rendrons compte des résultats des travaux dès qu’ils seront finalisés”, fait-il savoir. Des projets qui se dessinent sur du très long terme et nécessitent des financements importants. Dans les années 2010, le port envisageait de connecter la darse 1 avec le canal afin de gagner 1h30 de trajet. Un projet chiffré entre 39 et 75 millions d’euros qui n’a pas vu le jour : cela nécessitait de traverser une zone riche en biodiversité.
Une entité unique, réunissant tous les ports du fleuve, pour les gouverner tous permettrait-elle de flécher les investissements et réduire les coûts de manutention sur l’ensemble de l’axe ? “C’est possible, mais c’est comme quand on change de président. Il y a ce qui est dit et ce qui est fait“, conclut Julien Legrain. Pour l’instant, il n’y a que des promesses et beaucoup de chantiers.
Commentaires
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Voilà un exemple exemplaire si j’ose dire.
Cela fait des décennies et des décennies que ce projet de Marseille port de Lyon est en gestation et ne donne rien .Si l’Etat arrive à faire aboutir cette ambition, qu’elle démonstration de l’inutilité de cette décentralisation ou bien de celle de ses acteurs qui sont les mêmes depuis 25 années.
Pour Marseille cette activité est fondamentale ,non seulement vis à vis de Lyon ,mais aussi pour la Suisse.
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Remarque complémentaire, ce que nous pensons,les allemands et les néerlandais le font,eux.Et franchement ce n’est pas avec un ancien pilotin que le dossier va avancer. Chikaya disait le président,encore en bel exemple.
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Ancien administrateur du Port Autonome j’aimerais m’entretenir avec vous sur ce sujet. A votre disposition .
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Avec plaisir , mais je ne sais comment
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Petit rappel dans les années 50/60 le Rhône a été aménagé pour d’une part lutter contre les inondations , et oui il y avait déjà des inondations, et le rendre navigable pour des péniches à grand gabarit .
Ce qui a permis en plus la mise en place de centrale hydro électrique.
Cette mission avait été confié à la CNR qui depuis a été privatisée ce qui semble poser problème aujourd’hui.
En 2021 un président visionnaire veut utiliser le Rhône comme voie navigable !!
Quelle idée lumineuse et très strat-up nation nous vendre du vieux en nous faisant croire que c’est du neuf .
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Du vieux sûrement parceque rien n’a été fait dpuis le temps .Maise une partie de l’avenir du port est là et pas ailleurs.A conditions que nos amis les dockers ne s’en mêlent pas.
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Une histoire de barges.
Vers un plan « Pitalugue ».
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Tiens ! Il me semble que Fos a été créé dans les années 70, on parlait beaucoup de Rhin Rhône et du “Grand Delta”.
On y a même installé des industries.
Cinquante ans après, les dirigeants du port s’aperçoivent qu’il y a un fleuve à proximité, c’est génial.
C’est vrai que Marseille a 2600 ans, on a un peu de temps.
Mais Marseille n’est pas seule :
La direction des ports de France a tout réussi : aucun port français ne figure parmi les 10 premiers ports à conteneurs d’Europe.
L’Etat, que nous aimons tous, n’a pas voulu déléguer cette compétence.
Ainsi il a bien réussi à animer notre économie portuaire grâce à ses ingénieurs très compétents mais qui passent dans les ports “autonomes” qq années puis s’en vont ailleurs.
Rappelons que le port d’Anvers est dirigé par un conseiller municipal ; ceci explique peut être cela.
Les habitants d’Anvers sont peut être plus attentifs à leur économie locale que notre administration.
Pourquoi ne pas – enfin – donner la compétence à l’agglomération ; elle pourrait être utile à qq chose. Pourquoi ne la réclame t’elle pas ?
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