Emmanuel Macron et Marseille, l’amour sans retour

Décryptage
le 15 Avr 2022
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Emmanuel Macron tiendra un meeting ce samedi en début d'après-midi dans une ville dont il a voulu faire un "laboratoire". Pourtant, dans les urnes, les Marseillais ne lui ont pas vraiment rendu ses attentions.

Emmanuel Macron à Marseille lors de son discours du Pharo le 2 septembre 2021. (Photo : Benoît Gilles)
Emmanuel Macron à Marseille lors de son discours du Pharo le 2 septembre 2021. (Photo : Benoît Gilles)

Emmanuel Macron à Marseille lors de son discours du Pharo le 2 septembre 2021. (Photo : Benoît Gilles)

Il a donc choisi Marseille. Comme en septembre dernier pour annoncer son plan “Marseille en grand”, le candidat-président retrouvera un décor qu’il connaît bien pour son meeting d’entre-deux tours : la Méditerranée et le Vieux-Port. Personne ne sera surpris. Il l’a dit, répété, Marseille est “sa ville de cœur”. Emmanuel Macron vibre pour l’OM mais veut aussi faire de la deuxième ville de France un “laboratoire” de son programme et en réparer les fractures.

Le plan “Marseille en grand” n’est d’ailleurs pas qu’une promesse d’amour. Transports, écoles, emploi… Emmanuel Macron n’est pas “venu avec des oursins dans les poches”, comme avait l’habitude de dire Jean-Claude Gaudin au sujet des précédents chefs d’État. Le président a aligné près de deux milliards d’euros. Et comme si cela ne suffisait pas, il a, à de nombreuses reprises, envoyé ses ministres et secrétaires d’État en terre marseillaise pour suivre l’avancée des dossiers. Six fois en un an pour la seule ministre de la Ville. Lors de sa dernière visite début avril, celle-ci a même tenté une déclaration un peu désespérée. “Si le président n’est pas réélu, il n’y aura plus de Marseille en grand”, a prévenu Nadia Hai. Au lendemain du premier tour, Marseille s’est pourtant réveillée dans les bras d’un autre.

L’effet miroir

C’est en effet Jean-Luc Mélenchon qui arrive encore en tête au premier tour à Marseille avec 31,1 % des voix, soit une progression de six points par rapport à son score de 2017. Derrière lui, Emmanuel Macron récupère tout de même 22,6 % des voix, suivi de Marine Le Pen avec 20,9 %, puis d’Eric Zemmour (11 %). “Emmanuel Macron a progressé de manière globale par rapport à 2017. Il fait des scores intéressants vu le raz-de-marée Mélenchon”, préfère retenir Saïd Ahamada, député (LREM) de la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône. Le président-candidat gagne en effet deux points par rapport à la dernière présidentielle. Une progression à souligner pour un candidat sortant, mais qui reste inférieur à sa progression nationale, qui s’élève à près de quatre points supplémentaires.

En cinq ans, Emmanuel Macron a progressé de 4000 voix, quand Jean-Luc Mélenchon en a gagné 20 000.

En valeur absolue, la progression d’Emmanuel Macron à Marseille pèse quelque 4000 voix supplémentaires. Jean-Luc Mélenchon engrange lui 20 000 voix en plus à Marseille. Une réussite qui s’inscrit surtout dans les quartiers populaires de la ville. Là où, précisément, par un effet de miroir saisissant, Emmanuel Macron cède du terrain. “Dans le détail, c’est compliqué, j’espérais mieux”, concède Saïd Ahamada, dont la circonscription comprend une grande partie des quartiers pauvres du Nord de la ville.

En 2017, d’un point de vue géographique, Emmanuel Macron était un candidat “moyen”, avec des scores qui variaient assez peu, autour des 20 % sur toute la ville. Cinq ans de mandat et une deuxième campagne marquée par les ralliements multiples de la droite locale ont décanté les choses. Entre trois arrondissements du Nord et trois autres du Sud, l’écart est désormais du simple au double.

Message en attente

Cette tendance marquée socialement du vote Macron se retrouve au niveau national. Mais, localement, elle peut aussi correspondre à une dynamique politique de la gauche. “C’est un vote dans la lignée des élections locales, qui affirme l’importance des questions environnementales et sociales. Nous sommes un peu courts là-dessus et devons y passer plus de temps “, analyse Claire Pitollat, députée “soulagée” de la 2e circonscription qui comprend les 7e et 8e arrondissements de Marseille. Dans son secteur, celle qui était, il y a cinq ans issue de la société civile, a constaté “une dynamique associative très forte et beaucoup d’entrepreneurs qui ont entendu le message” d’Emmanuel Macron. Son candidat a en outre bénéficié de l’effondrement de LR, qui pesait 32 % en 2017.

On peut attendre des retours sur investissement, mais ils dépendent des délais de réalisation.

Claire Pitollat, députée LREM

Un message “d’émancipation” qui n’a pas été entendu dans les quartiers populaires. Selon les marcheurs, c’est parce qu’il met “plus de temps” à arriver dans les “quartiers difficiles”, où les bienfaits de ce “grand plan” ne sont “pas encore visibles”. Dans les zones mal desservies en transport en commun, par exemple. “Le grand plan est beaucoup sur ces quartiers. Mais on n’est pas sur le même ordre temporel. On peut attendre des retours sur investissement, mais ils dépendent des délais de réalisation”, justifie Claire Pitollat.

Saïd Ahamada voit aussi dans les résultats marseillais “un signal au président pour lui dire de plus s’occuper de l’écologie et du social”. Mais il veut croire que le programme de Macron englobe déjà ce dernier point. “La meilleure façon de faire du social c’est d’offrir des écoles et des transports de meilleure qualité”, défend-il. Encore faut-il que l’argent soit explicitement fléché vers les quartiers qui en ont le plus besoin. Ce qui n’est pas forcément le cas pour les transports par exemple.

Lui ou elle

Autre explication aux résultats décevants, la volonté des électeurs de combattre l’extrême-droite en choisissant Jean-Luc Mélenchon. La plupart “n’a pas voté pour lui mais contre Zemmour, estime Saïd Ahamada. Nous ne représentons pas assez la barrière contre l’extrême droite.”

“L’enjeu ça va être d’aller voir ces électeurs qui ne comptent pas voter au second tour et de leur expliquer que c’est un choix de société entre l’extrême droite et Emmanuel Macron, se motive Pascal Chamassian, responsable communication de la campagne dans les Bouches-du-Rhône et candidat aux législatives en 2017. Pour leur dire que sur les questions sociales, nous avons de vraies réponses.”

Un travail de terrain qui a été négligé auparavant ? “Dans certains secteurs, le message n’a pas été porté du tout”, regrette un soutien récent du président. Saïd Ahamada y voit plutôt le résultat “des campagnes anti-Macron” des autres candidats. Quoi qu’il en soit, les marcheurs marseillais en sont conscients, il va falloir aller convaincre dans les quartiers populaires. “Dès que je raccroche avec vous, je prépare le porte-à-porte à Air-Bel et la Rouguière”, promet Pascal Chamassian. Loin de la carte postale, vue depuis le Pharo.

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Commentaires

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  1. jasmin jasmin

    Il faut attendre une analyse beaucoup plus profonde après le deuxième tour.
    Les constats des députés LREM sont assez justes. Mais d’une manière générale, dans la tête du public, on est beaucoup plus dans des perceptions et images des candidats, que dans le concret de données factuelles. Il faut regarder si le report de voix important sur Mélenchon est dû à un vote plus massif et moins neutre dans les quartiers défavorisés, et si ce public a été sensible à l’image véhiculée de “dur et cruel riche” de Macron.

    Est ce que la rebellion classique des Marseillais, anti masque, anti vaccin, gouaille forte se reconnaît plus dans le caractère perçu de Mélenchon malgré ses gaffes sur l’accent qui lui sont pardonnées? Ses coups de gueule et poings lors des perquisitions ont dû être plus appréciés en pays de castagne. Il bénéficie aussi de la lancée du Printemps Marseillais qui réussit à montrer une image de victime des 25 ans, faible sans ressources mais courageux et au verbe haut comme le maire sait s’exprimer et être présent partout où il faut être vu.

    Je pense qu’il y a aussi des premières désillusions sur l’utilisation de l’apport massif financier de l’Etat sur le Plan Marseille. Les gens ont l’impression que cet argent s’engloutit parfois ailleurs, et qu’il n’est pas maîtrisé et utile pour tous. Peut etre qu’a ce stade, l’électorat de Macron a un peu atteint son sommet vu que tout cet argent ne leur profite pas vraiment et même les inquiète par une ouverture trop grande du “sas” vers les quartiers nord? Il y a peut-être plus de la marge chez ceux en-colère se sentant toujours les victimes du système et qui restaient plus souvent chez eux les jours d’élection? Affaire à analyser je pense quartier par quartier.

    Ce qui donnera vraiment l’explication en terme de vote “de gauche ou d’extreme gauche” sera le deuxième tour. Comment le report des voix pour Mélenchon va se faire vers Macron ou Le Pen? On y verra mieux si les électeurs de Mélenchon seront suffisamment écoeurés par les positions de Le Pen notamment sur les étrangers, Poutine, et l’isolement de la France au sein de l’Europe pour aller voter Macron ou pas.

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  2. Tarama Tarama

    Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour.

    Derrière les effets d’annonce, où sont les effets réels pour Marseille ?
    (Si ce n’est de faire des écoles publiques “à la carte” sur le modèle du privé, en leur faisant miroiter des financements).
    Nulle part.

    Ces politiciens sont aveugles, dans leurs palais.

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  3. Assedix Assedix

    Bien vu le coup de la métaphore amoureuse ! Macron qui allonge les billets (ou en tout cas les fait miroiter) et Marseille qui se réveille pourtant dans les bras d’un autre…
    En tirant un peu sur le fil on pourrait presque imaginer d’un côté la France, qui se réveille avec la gueule de bois et un peu mal au c*l après avoir revu un ex qu’elle s’était pourtant promis de ne jamais rappeler, et de l’autre Marseille, qui s’est laissée tenter par une jolie aventure, pas consommée en fin de compte, mais qui lui laisse quand même quelques étoiles dans les yeux et l’envie de recommencer.

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  4. Patafanari Patafanari

    Marseille, bouche de vieille. Eh déconne pas Manu
    Ça sert à rien la haine
    Une gonzesse de perdue
    C’est dix copains qui r’viennent.

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