Élue maire des 6/8 après la démission de Pierre Benarroche, “Fortin reprend la main”

Olivia Fortin, le jour de son élection à la mairie des 6/8. Photo Coralie Bonnefoy.

Au sortir de la mairie de Bagatelle, ce jeudi 13 avril, le maire Benoît Payan, prend quelques minutes pour évoquer l’événement du jour. Son adjointe chargée entre autres de la modernisation et du fonctionnement de lʼaction publique, Olivia Fortin, vient d’accéder au fauteuil de maire des 6e et 8e arrondissements de Marseille. “Fortin reprend la main et c’est normal”, dit-il après lui avoir passé l’écharpe tricolore. Il est, poursuit-il, convaincu qu’elle sera une “grande maire de secteur”, animée “par la force et la volonté de changer les choses”.

Quelques minutes auparavant, l’élue de 45 ans, cheville ouvrière citoyenne du Printemps marseillais via son collectif Mad Mars, a été officiellement élue maire des 6/8 (4e secteur). L’ambiance dans la salle des mariages du bel hôtel particulier du XVIIIe est singulière. De joie, de larmes et d’embarras mêlés. La joie, c’est celle des proches d’Olivia Fortin venus saluer ce qu’elle décrit elle-même comme une nouvelle page de sa carrière politique. En plus du maire, de nombreux élus – Michèle Rubirola, Samia Ghali, Joël Canicave,  Mathilde Chaboche, Fabien Pérez, Jean-Marc Coppola, Nadia Boulainseur, Anthony Krehmeier… – sont également présents, garants de toutes les couleurs et tendances de la majorité municipale.

Je n’ai pas de commentaire à faire, ce n’est pas la journée. J’aurai l’occasion de m’exprimer la semaine prochaine.

Olivia Fortin

Pourtant, sous les embrassades, la gêne affleure. Pierre Benarroche, maire en titre jusqu’à sa démission surprise le 7 avril denier n’est pas là, mais son nom court sur toutes les bouches. Benoît Payan ne veut pas évoquer le sujet plus avant. Il appelle, en ce moment où la ville vient d’être secouée par le drame de la rue Tivoli, “à la sobriété”. Olivia Fortin, dans son nouvel habit de maire du 4e secteur, est sur la même ligne : “Je n’ai pas de commentaire à faire, ce n’est pas la journée. J’aurai l’occasion de m’exprimer la semaine prochaine.” Elle souligne “une décision responsable” pour “protéger le collectif.” Dans un communiqué, le groupe d’opposition Une volonté pour Marseille s’agace, lui, d’une séquence politique maintenue malgré la catastrophe de la rue de Tivoli : “Il aurait été préférable de reporter cette élection”. De ce fait, la droite a fait le choix de ne pas siéger durant celle-ci.

Rumeurs connues à l’automne 2020

Les autres élus qui assistent à la cérémonie sont peu diserts, notamment lorsqu’il s’agit d’évoquer les raisons du départ de Pierre Bennaroche. Une membre du Printemps marseillais, élue dans un autre secteur, prévient : “Ces affaires, c’est comme un sparadrap. À un moment donné, il faudra qu’on dise ce qu’il y a à dire.” Ce jeudi, à Bagatelle, l’adjoint en charge des finances à la mairie centrale, Joël Canicave, est l’un des rares à s’y coller. Et à reconnaître que “des rumeurs ont couru après les élections, à l’automne 2020” sur les causes du licenciement de Pierre Benarroche. En 2017, alors qu’il est cadre au sein de Logirem, il est licencié pour faute grave, après une conciliation devant les prud’hommes. “Mais cela n’a pas donné lieu à des suites, notamment judiciaires”, plaide Joël Canicave. Toutefois, les “rumeurs” reprennent et enflent, il y a une quinzaine de jours. Ce licenciement, comme l’a révélé Marsactu, faisait suite à une enquête interne de Logirem pour des faits de comportements déplacés envers des collègues féminines.

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Vous êtes là pour ça. Bravo Marsactu même quand ça nous pique le cul !

UN élu de la majorité du 6/8

Mardi 4 avril, Pierre Benarroche a convié sa majorité à une réunion pour donner des éclaircissements sur le sujet. “On était dans l’attente qu’il nous parle”, concède Christine Juste, adjointe à l’environnement et élue du secteur. Le maire n’est finalement pas venu.  Beaucoup d’élus du 6/8 ont découvert les causes de son départ de Logirem dans nos colonnes. L’un d’eux souffle : “Vous êtes là pour ça. Bravo Marsactu même quand ça nous pique le cul !” L’homme se dit “surpris” par cette annonce comme par ses conséquences. Un autre, qui souhaite lui aussi rester anonyme, dit “être tombé de l’armoire” en apprenant ces faits et n’avoir “jamais vu Pierre Benarroche avoir un comportement répréhensible avec qui que ce soit.”

Un vote blanc

Il n’empêche, la majorité a un caillou dans la chaussure avec cette affaire. Il faudra bien, si elle veut l’en extirper, qu’elle communique avec transparence. Et réponde à ces questions : le Printemps marseillais était-il au courant des faits reprochés à Pierre Benarroche avant son élection ? Et après celle-ci, de quels éléments disposait-il concrètement ? Joël Canicave assure n’avoir pas su ce qui constituait le dossier. Au moment où apparaissent les dites rumeurs, l’ancien maire du 6/8 aurait-il dû officiellement parler des raisons de son licenciement ? “Ça aurait peut-être été mieux, convient l’adjoint. Mais il sortait d’une conciliation aux prud’hommes. Peut-être que cela ne lui est pas apparu comme important.” Bernard Marandat (RN), seul élu d’opposition présent, fustige une équipe municipale “qui a pris l’habitude de remplacer les uns par les autres”. S’il ne veut pas évoquer les causes de la démission de Pierre Benarroche “qui ne regardent que lui”, il pique : “avant d’accepter ce genre de responsabilités, on réfléchit.”

Les responsabilités, la nouvelle maire promet de les assumer “avec confiance et détermination” dans ce secteur qu’elle avait raflé à la droite en 2020 lorsqu’elle était tête de liste, et où une partie de sa famille puise ses origines. Ce jeudi matin, outre le vote blanc de l’élu d’extrême-droite, un autre suffrage a fait défaut à Olivia Fortin. Une défection issue de ses rangs. Qu’à cela ne tienne, l’élue se satisfait d’une majorité qu’elle décrit, à l’image de Marseille, “solidaire, fraternelle, unie et engagée”.

La campagne en ligne de mire

“Quel meilleur endroit qu’une mairie de secteur pour recoudre le lien entre les habitants et les élus ?”, cadre-t-elle encore. La néo-maire déroule, dans un discours bien troussé, les nombreux attraits de ces deux arrondissements et les chantiers “passionnants” qui l’y attendent. Mais son émotion pointe franchement lorsqu’elle revient sur ses trois ans passés à s’atteler à la transformation de l’administration municipale. Son cheval de bataille. Ce pourquoi elle est entrée en politique. “C’est un travail de fond, de longue haleine. Le chemin est tracé”, dit celle qui sait que cette tâche se poursuivra sans elle.

Olivia Fortin, comme le confirme Benoît Payan à Marsactu, ne devrait pas conserver sa délégation d’adjointe du fait de sa nouvelle mission. La maire du 4e secteur admet qu’elle se prépare là “à une transition pas évidente”. Elle aimerait “garder un pied à la mairie centrale” sur ces thématiques, soit une partie de son actuelle délégation. Mais rien n’est certain. Première femme élue maire de ce secteur –  sa voix tremble à la tribune quand elle le mentionne – l’ancienne cheffe d’entreprise dans l’événementiel n’ignore pas que son élection lance, en creux, la campagne pour les municipales de 2026. Dans ce qui fut la baronnie de la droite locale, où Jean-Claude Gaudin a été élu dès 1965, cette bataille s’annonce aussi rude que cruciale. Le départ précipité de Pierre Benarroche raconte aussi ce combat à venir.