Dialogue de sourds entre l’Etat et les opposants au projet de la Corderie

Actualité
le 1 Sep 2017
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Ce jeudi se tenait en préfecture une réunion qui a rassemblé les acteurs du chantier de la Corderie ainsi que les habitants et élus locaux. Alors que les uns ont tenté d'informer sur leur travail, les autres ont essayé de faire valoir leurs revendications. Tous sont repartis sans y être parvenus.

Dialogue de sourds entre l’Etat et les opposants au projet de la Corderie
Dialogue de sourds entre l’Etat et les opposants au projet de la Corderie

Dialogue de sourds entre l’Etat et les opposants au projet de la Corderie

“Mais laissez-nous ce site !”, s’égosille une habitante du quartier de la Corderie. Face à elle, les représentants de la Drac (direction régionale des affaires culturelles), de l’Inrap (Institut nationale de recherches archéologiques préventives), de l’État, de la mairie et du promoteur Vinci, la regardent d’un air circonspect. Ce jeudi 31 août s’est tenue la réunion dont le but était de rassembler en préfecture tous “les acteurs concernés” dans le dossier des vestiges de la Corderie, une carrière antique découverte dans le périmètre d’un futur projet immobilier du groupe Vinci. Le rendez-vous a finalement réuni une cinquantaine de personnes. D’un côté, les acteurs de ce chantier cités plus haut, et de l’autre, les habitants, associations et politiques locaux. Trois heures de concertation qui ont rapidement viré à une partie de ping-pong entre ces deux camps, sans véritable score final.

Pas de “frustration archéologique” pour l’Inrap

La réunion débute par une petite remise à niveau de la part de la Drac. “L’archéologie préventive n’a pas vocation à conserver les sites qu’elle étudie. Souvent les sites finissent désossés”, entame David Lavergne, chargé de la gestion patrimoniale. Une précision rapidement appuyée par le président de l’Inrap, l’institut qui a donc réalisé les fouilles préventives de la Corderie. Selon Dominique Garcia [Lire son interview sur Marsactu], “ces fouilles n’ont pas été difficiles à mener, l’ont été avec des moyens convenables et ne présentent aucune frustration archéologique”. Le scientifique affirme ainsi que toutes les informations pertinentes ont été récupérées et qu’un rapport sera bientôt rendu.

André Malrait pour la Ville, le préfet Stéphane Bouillon et Dominique Garcia de l’Inrap tentent de répondre aux questions. (crédit VA)

Archéologue également, même s’il n’est pas vraiment spécialiste de l’Antiquité, Alain Nicolas, le fondateur du musée d’histoire de Marseille tient à poser quelques questions à ses confrères. “Pourquoi le rapport de 2002 (une étude basée sur des forages réalisés par Vinci et publiée le même jour par La Provence, prouvant l’existence d’une carrière, sans toutefois la dater précisément, ndlr) n’a pas été transmis aux services archéologiques de l’Etat ? Pourquoi le service municipal de la mairie n’a pas été sollicité sur ce dossier? Pourquoi un coup, la Corderie est un site formidable et le lendemain, sans interêt ?” Des questions qui, sauf pour la dernière, ont trouvé leurs réponses. “Le rapport de 2002 aurait fait l’objet d’échange avec la Drac dès 2002 et les années qui ont suivi”, assure un représentant de la métropole, sans préciser toutefois la conclusion de ces échanges. Pour ce qui est du service archéologie de la mairie, “il n’est plus agréé pour l’archéologie préventive”, tranche le directeur régional de l’Inrap.

À leur côté, les représentants de la mairie de Marseille et de Vinci, deux acteurs pourtant cruciaux dans ce dossier, restent quasi muets. André Malrait, l’élu municipal en charge du patrimoine, ne prononce qu’une phrase pour se retrancher derrière la décision à venir de la ministre. Depuis le “tibia de Jules César” de Jean-Claude Gaudin la mairie de Marseille n’a donc plus pris position. Et pour ce qui est de Vinci, ses représentants sont rapidement interpelés par des habitants leur reprochant de “n’être là que pour faire de la figuration.”

“Un MacDo sur l’Acropole”

Les personnalités politiques locales, elles, ont bien essayé de sortir du débat scientifique. En l’absence de Jean-Luc Mélenchon, qui prenait la parole il y a une semaine sur le sujet lors d’une manifestation sur place, c’est Sophie Camard, sa suppléante qui porte la voix de la France insoumise. “Après la rencontre avec la ministre, nous pensions que le projet immobilier serait revu”, regrette-t-elle.

Installé au premier rang, Claire Pitollat, députée LREM de la 2e circonscription (qui comprend la Corderie) pose difficilement une question au sujet de la méthode de préservation de la surface, qu’elle soit de 600 mètres carrés, comme proposé par l’Inrap, ou plus grande. Plus loquace, Benoît Payan, chef de file de l’opposition socialiste à la mairie de Marseille, tente l’attaque frontale. “Si vous voyez autant de gens mobilisés ici, c’est parce qu’ils veulent conserver ce site. Vous devez comprendre cette émotion et arrêter de nous expliquer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes comme des marchands de sable. Peut-on espérer sortir d’ici avec la promesse que les tractopelles vont s’arrêter ?”. La réponse de Stéphane Bouillon, le préfet de région est brève : “C’est la ministre qui répondra”. Il n’en fallait pas moins pour échauder les habitants, qui n’attendent pas longtemps pour faire monter la tension dans la salle.

“A-t-on mis un MacDo sur l’Acropole ?” s’emporte l’un d’entre eux. Profitant de ce temps de parole laissé aux habitants et associations de défense du patrimoine, un autre riverain laisse éclater sa colère : “Je suis marseillais depuis quatre générations et je peux vous dire que les élus se sont toujours foutu de notre patrimoine.” Débutée par des explications techniques et scientifiques, la réunion qui devait avoir pour sujet unique le chantier de la Corderie glisse vers un débat beaucoup plus large : celui de la gestion du patrimoine marseillais par la Ville qui, selon ces opposants au projet immobilier de la Corderie, laisse trop souvent la mémoire de la ville aux mains des promoteurs. “Il ne s’agit pas d’une réunion de négociation mais d’information. Nous vous expliquons ce que nous faisons”, finit par réajuster fermement le préfet.

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Commentaires

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  1. LaPlaine _ LaPlaine _

    Les élus Marseillais toujours en pointe et brillants sur les sujets qui les concernent. Soit ils sortent des âneries soit ils se taisent.

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  2. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    C’est une erreur que de croire qu’il s’agit d’un débat archéologique ? A mon sens il s’agit plutôt d’un débat où l’urbanisme et l’écologie sont prédominants. Il s’agit également d’un débat culturel si l’on conçoit la culture comme une façon de vivre comme l’entendait Jacques Lacarrière ou Mircea Eliade. Et l’urbanisme et l’écologie font partie de la culture.

    Il y a quelques années, découvrant Marseille et me promenant à pied avenue de la Corderie j’avais été frappé agréablement surpris par cette ouverture sur le paysage urbain à cet endroit, ignorant tout des carrières qu’on allait y découvrir plus tard .

    La décision est bien sûr de la compétence de la ville de Marseille. Le ministère de la culture et le gouvernement dont il dépend sont à la solde des patrons et donc de Vinci, mais que fait donc Nicolas Hulot ? Je trouve qu’il est bien sage face à Vinci dans un débat qui concerne prioritairement à mon sens son ministère ?

    Par ailleurs l’aménagement du territoire urbain doit se concevoir à l’échelle de l’ensemble de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence afin d’éviter une concentration urbaine excessive qui va faire dépérir Marseille encore davantage.

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    • Court-Jus Court-Jus

      Plutôt d’accord avec vous … le problème c’est ici comme dans d’autres quartiers marseillais que le moindre mètre carré qui permettait aux habitants de respirer un peu leur est ôté pour construire toujours plus, et mal, sans véritable vue d’ensemble.
      L’archéologie est un prétexte ici , opportunément et très tardivement saisi par FI dont on ne sait pas trop ce qu’ils proposent à part se faire de la pub. Malheureusement le débat de fond n’a pas eu lieu lors des élections municipales, et n’aura pas lieu ici non plus.

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  3. Magnaval Magnaval

    Si on met le débat au niveau de la lutte contre le grand méchant capital, on ne va pas aller bien loin. Quand à mettre l’aménagement du territoire urbain au niveau de la Métropole, c’était prévu mais ceux qui s’y sont opposés avec le plus de vigueur sont justement ceux que l’on entend le plus sur ce sujet (communistes et guérinistes).
    Mais l’on comprend mieux les motivations des élus du secteur, toujours prêts à pratiquer leurs “coups d’Etat légaux” pour agiter le bocal et se faire mousser.

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  4. LaPlaine _ LaPlaine _

    Les élus de ce territoire par paresse historique et dévoiement “congénital” sont aux abois, d’une certaine manière, ne sachant plus comment gérer cette agglomération. Leur seule porte de sortie est de vendre, vendre et vendre encore pour laisser les acteurs économiques privés se substituer à leur incurie. Ils pensent logements “Csp+” pour faire rentrer de la fiscalité, demandent aux acteurs économiques ou créatifs de faire vivre la ville (Canebière), en fait tout ce qui se substitue à leur incapacité de construire la ville de demain comme l’on fait de nombreuses métropoles en France. Nous sommes, sans doute, confrontés ici, à la classe politique la plus médiocre (soyons gentils) du territoire national.

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  5. Jean Luc Jean Luc

    Au dela des aspects archeologique et culturel, cette vente de terrain aux promoteurs immobiliers prive les habitants d un espace de respiration, de détente au quotidien. Funeste preage pour le vivre ensemble…. De plus, les appartements dotés de parking contribueront a asphixier encore plus la circulation automobile deja saturée dans le quartier….
    Quand les interets a court terme supplantent la vie de la.cité…

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  6. ALAIN B ALAIN B

    Marseille a une histoire, et lorsque nous trouvons des vestiges il faut avoir le courage de les sauver, c’est nos enfants qui nous le reprocherons à juste raison, aujourd’hui c’est le tout béton et l’argent immédiat.
    Nous allons voir si HULOT a le pouvoir de préserver notre patrimoine contre le pouvoir de l’argent

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    • Lecteur Electeur Lecteur Electeur

      Dans ce cas avec Hulot il faut argumenter qualité de la ville, halte à la densification, répartition de l’habitat sur le territoire, proximité géographique emplois / logement.

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  7. Tarama Tarama

    Hulot n’est pas consulté. Même pour d’autres sujets qui relèvent de son ministère et qu’il a promu en tant que militant associatif, comme les états généraux de l’alimentation, il est mis de côté et le truc est dirigé par le ministre de l’agriculture, la FNSEA et la grande distribution.

    Le premier scandale de la corderie est la énième vente d’un terrain public à un vil prix à un promoteur. Le deuxième, que ce terrain public accueillait un jardin avec jardin d’enfant, dans un quartier et une ville qui en manque cruellement. OSEF dit la gaudinie, on va rajouter dix étages de béton.
    Le troisième est ce que nous vivons ces dernières semaines avec le bétonnage à venir des fouilles.
    Si Marseille grouillait de vestiges, on pourrait faire la fine bouche, mais nous sommes dans “la ville sans passer” donc il faut protéger tout ce que l’on trouve.

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  8. Tarama Tarama

    * “la ville sans passé”

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    • Lecteur Electeur Lecteur Electeur

      “la ville sans passé” est une ville sans avenir

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  9. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Si la Ville de Marseille fait semblant de ne pas prendre position sur la sauvegarde éventuelle de ce site, il y a au moins un autre cas où elle n’a pas hésité à bousculer les règles pour protéger efficacement une parcelle : https://twitter.com/vince13008/status/908053207510929408

    Évidemment, l’enjeu était autrement plus grave que la conservation de quelques cailloux : le confort d’une adjointe au maire n’a pas de prix.

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