Deux expulsions à Emmaüs Pointe-Rouge en plein confinement agitent la communauté
Fathi Bouaroua, coprésident démissionnaire d'Emmaüs Pointe Rouge dénonce "l'expulsion sèche" de deux compagnons de la communauté survenues en avril, en plein confinement. Les responsables salariés de la communauté considèrent que les personnes exclues mettaient en danger le groupe et affirment que des solutions ont été proposées pour les héberger à l'extérieur.
L'entrée de la communauté Emmaüs Pointe Rouge. Source : capture d'écran google street view.
“Ma lettre de démission part aujourd’hui !” Ce jeudi 11 juin, Fathi Bouaroua, le désormais ex co-président d’Emmaüs Pointe-Rouge claque la porte en rendant public deux exclusions de la communauté, qui se sont produites deux mois plus tôt, en plein confinement. Pour le militant, très mobilisé pour la solidarité envers les plus démunis durant la crise sanitaire, ces décisions prises par les responsables salariés de la communauté sont “antinomiques du nom même d’Emmaüs qui est un emblème contre l’exclusion. Ce n’est pas digne quand nous on dit à l’extérieur “il ne faut pas laisser des gens à la rue”, d’autant plus alors qu’il y a le coronavirus, ne décolère pas l’ancien délégué de la fondation Abbé Pierre Paca. Pour cette période, le préfet a interdit toute expulsion, même des squats en flagrance, et pendant ce temps, nous on fait quoi ? On expulse de manière expéditive sans droit !”
Le statut des compagnons d’EmmaüsLes communautés Emmaüs accueillent sans condition principalement des personnes en extrême difficulté sociale, avec un objectif d’insertion. Depuis 2010, les communautés Emmaüs sont régies par le statut d’organisme d’accueil communautaire et d’activité solidaire (OACAS), conforme au code de l’action sociale et des familles. Selon ce statut, les compagnons sont logés, nourris, blanchis et perçoivent une allocation communautaire de 355 euros mensuels minimum. La plupart des communautés Emmaüs trouvent leur économie dans la collecte, la réparation et la vente d’objets qui leur sont donnés. Une activité assurée par les compagnons.
“Expulsions sèches” ?
Les deux compagnons qui ont été bannis, racontent tous les deux des décisions brutales ayant conduit à leur exclusion immédiate sans autre forme de procès. “Le responsable m’a dit “viens dans mon bureau”. Là, il m’a dit “tu es viré”, raconte Danny*. J’avais bu quelques verres d’alcool. Je n’ai été violent avec personne.” L’alcool est proscrit dans la quasi totalité des communautés Emmaüs. Danny explique avoir dû quitter la communauté dans l’immédiat sans avoir pu récupérer toutes ses affaires : “j’ai pris mon passeport. J’ai pris des petits trucs comme ça, je n’avais pas le temps”.
Ce sont toujours les compagnons qui dénoncent et sont suspectés de se venger. J’espère que ma démission servira à améliorer le quotidien des compagnons.
Fathi Bouaroua, ex co-président
Le responsable Kamel Fassatoui donne une autre version. “Il était régulièrement alcoolisé. Il sortait dehors en pleine nuit, au risque de nous ramener des emmerdes, de nous ramener le virus.” Après son passage dans le bureau du responsable, Danny serait parti, selon Kamel Fassatoui, de son propre chef en disant : “laisse tomber, je sais où je vais aller”. Fathi Bouaroua décrit ce compagnon, originaire des Seychelles, comme “très fragile sur le plan psychologique et en situation irrégulière”. Il vit depuis à la rue.
La veille de ces évènements, un autre compagnon a été exclu. Yann* était depuis 12 ans à la communauté. Il est en attente d’une greffe de rein et dialysé deux fois par semaine. Au cours d’un différend, il a blessé avec un sabre un autre compagnon. “Il habitait à côté de moi, il faisait beaucoup de bruit. J’ai commencé par dire “monsieur, est-ce que vous pouvez arrêter le bruit?”“, raconte-t-il. Puis le conflit s’est envenimé. Selon Yann, un compagnon l’aurait mené en voiture à la recherche d’un hôtel. Trouvant portes closes, il l’aurait ensuite déposé au Rond-Point du Prado, sans solution avant que Fathi Bouaroua n’intervienne en lui trouvant un logement.
On nous fait passer pour des gens qui expulsent, qui ne respectent pas le droit, ce n’est pas acceptable.
Kamel Fassatoui, responsable de la communauté
Celui-ci dénonce des “expulsions sèches”. “Ce sont des pratiques d’un autre âge que les compagnons partout en France connaissent bien et appellent le PSG, pour pécule, sac et gare. On leur donne leur pécule, ils prennent leur sac et on les conduit à la gare”, dit-il. Et si le militant choisit de mettre cela sur la place publique aujourd’hui, c’est après avoir cherché des solutions en interne, dit-il. Par sa démission, il souhaite faire évoluer les pratiques au sein du mouvement : “ce sont toujours les compagnons qui dénoncent et sont suspectés de se venger. J’espère que ma démission servira à améliorer le quotidien des compagnons.”
Mise en danger
“On nous fait passer pour des gens qui expulsent, qui ne respectent pas le droit, ce n’est pas acceptable”, répond Kamel Fassatoui pour qui le PSG n’est plus d’actualité : “ça s’est amélioré depuis la fin des années 1990. Avant les responsables n’étaient pas forcément formés au social”, expose-t-il. Il réfute les accusations de Fathi Bouaroua selon lesquelles aucune solution n’aurait été recherchée pour les deux compagnons mis au ban.
Pour Yann, un hôtel meublé aurait d’abord été proposé avant que Fathi Bouaroua ne propose une autre solution. “On a déménagé ses affaires, on lui a donné des meubles. Ce n’était pas du tout une expulsion sèche, dit le responsable de la communauté. Fathi confond avec les expulsions locatives. La décision n’a pas été facile à prendre, mais quelqu’un qui met en danger le groupe, ce n’est pas possible de le maintenir. Il y a 60 compagnons dont des enfants.” Pour Fathi Bouaroua ces exclusions constituent de la “mise en danger de la vie d’autrui parce qu’on est en période de Covid. Emmaüs accueille des personnes cabossées par la vie et doit trouver, quoiqu’il arrive, des solutions pour les aider, même quand c’est compliqué.”
Un conflit interne plus ancien
En arrière-plan de cette divergence entre l’ex-coprésident et le responsable salarié – non par l’association locale mais par une structure nationale incluse dans le mouvement – subsiste un conflit sur l’action de solidarité de la communauté. Il est en particulier reproché à Fathi Bouaroua d’avoir agi seul au nom d’Emmaüs Pointe-Rouge pendant la période de confinement, notamment avec la création du Massalia couches system (lire notre reportage sur ce collectif de distribution de couches et de lait infantiles). “Fathi a outrepassé son rôle”, considère Kamel Fassatoui. “Je n’ai pas pris la décision seul. J’avais pris la décision avec les deux autres co-présidents. Kamel était au courant”, affirme Fathi Bouaroua à propos de son implication dans le Massilia couches system.
Fathi Bouaroua maintient sa dénonciation. “Je veux bien reconnaître que j’ai un grand égo, que j’aime être cité dans la presse. Qu’il y ait des luttes de pouvoir au sein d’une institution ce n’est pas nouveau… Mais ici ce n’est pas, e sujet. Ils vont chercher n’importe quoi pour se défendre parce que leur faute est gravissime”, appuie-t-il. Alerté à propos de ce conflit, Jean-François Maruszyczak le directeur général d’Emmaüs France, regrette “de devoir échanger avec Fathi par presse interposée. Les responsables m’affirment avoir proposé des solutions”. Lui préfère mettre en avant la réussite des communautés dans la gestion du confinement : “ça a été un relatif miracle que de faire vivre les compagnons en confinement, sans quasiment de cas de covid-19”. Une façon de voir le verre à moitié plein.
Commentaires
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Attention aux accords dans la relation de ces désaccords !
“On nous fait passer pour des gens qui expulseNT, qui ne respecteNT pas le droit,”
“Ce sont des pratiques d’un autre âge que les compagnons partout en France connaissent bien et appelleNT le PSG, pour pécule, sac et gare. On leur donne leur pécule, ils prennent leur sac et on les conduits à la gare” [pas de s à conduit]
Quant à la citation mise en exergue, je ne la comprends pas : “Ce sont toujours les compagnons qui dénoncent et sont suspectés de se venger.” Ce ne serait pas plutôt : “qui sont suspectés de se venger” ?
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S asseoir autour d un table eut été préférable ,a ce déballage de linge sale en public..
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Dommage d’étaler ça dans les médias…Dommage pour la solidarité. Fathi paye aussi sa grande g….
, son ego surdimensionné, ses prises de position trop engagées et unilatérales et son addiction à l’exposition aux médias.. si des règles existent à Emmaus elles doivent etre respectées
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Dommage !
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