Deux courses à la voile créent de la houle dans la rade de Marseille

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le 29 Juil 2014
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Crédit photo / Extreme sailing series /OC  sports
Crédit photo / Extreme sailing series /OC sports

Crédit photo / Extreme sailing series /OC sports

Le 24 juillet dernier, le site d'OC sports annonçait que la septième étape des Extreme sailing series aurait finalement lieu à Nice, les 4 et 5 octobre prochain. Cette nouvelle comprend un sous-texte souligné par le site sport.fr. Avant d'échouer à Nice, les organisateurs ont longtemps caressé l'idée d'installer leurs bouées dans la rade de Marseille, dans l'avant-port, juste devant le Mucem. Finalement, l'idée a échoué discrètement sur une question à 400 000 euros d'argent public.

C'est un fait politique d'une extrême rareté : en mai dernier, lors du conseil des 6e et 8e arrondissements auquel il assiste en qualité de simple conseiller d'arrondissement, Jean-Claude Gaudin a demandé le retrait d'un rapport soumis à l'approbation des élus. Quelques jours après ce conseil, le maire des 6/8, Yves Moraine, décrivait ainsi l'épisode : "Encore récemment, nous avons eu un dossier de subvention [en fait un contrat, ndlr] de 400 000 euros que le maire a retiré au dernier moment pour avoir davantage d'explications avant de le valider. L'affaire Guetta a modifié notre façon de travailler"

La régate façon Guetta

Il y a de quoi. Le rapport 72 que nous nous sommes procuré n'étayait qu'en des termes très succincts les raisons qui allaient amener la Ville à signer un marché de 400 000 euros avec la société OC Sports pour l'organisation de la septième étape des Extreme sailing series. Cette course par étapes consiste en une suite de huit régates de catamarans organisées dans des stades nautiques de grandes métropoles mondiales, de Muscat à Oman jusqu'à Sidney en Australie en passant par Qingdao en Chine ou Cardiff au Pays de Galles. Cette série de courses rassemble les grandes écuries de ces Formule 1 des mers avec quelques barreurs de renom dont Franck Cammas.

Mais, hormis ces quelques détails sportifs, le rapport ne fournit que peu d'éléments, si ce n'est un, crucial : 

Cet événement d'ampleur internationale, relayé par tous les médias régionaux et nationaux, s'inscrit dans la volonté municipale d'associer Marseille à toutes les grandes manifestations nautiques. En outre, cet événement aura lieu le week-end où sera reçu à Marseille le jury appelé à désigner la future capitale européenne du sport 2017.

Contrairement aux autres régates classiques, les Extreme sailing series ou Extreme 40 proposent des régates très rapides entre deux bouées dans un stade nautique, à proximité des côtes. Envisagée à l'entrée du Vieux-Port, la course aurait permis l'installation de gradins sur le J4. L'idéal pour populariser un sport souvent perçu comme élitiste et peu spectaculaire en raison de l'éloignement des lieux de course. Le cabinet du maire aurait donc étudié de près la possibilité d'accueillir cet événement lors de la venue du jury de l'association.

"Pas au courant de cette chose"

A l'issue du conseil d'arrondissement, Yves Moraine passe un coup de fil à Dominique Tian, premier adjoint et féru de nautisme. Celui-ci prend donc le temps de s'entretenir avec le maire pour lui fournir les explications demandées : "Il n'était pas au courant de cette chose. Je lui ai donc indiqué que ce n'était pas de la bonne politique. Surtout quand on a une des plus belles places nautiques de France avec des clubs très dynamiques." L'ancien maire des 6/8 n'est pas sans savoir que les subventions octroyées à ces derniers connaissent de sévères baisses ces dernières années. "Effectivement, dans ce contexte, ce n'était pas forcément bienvenu". Le premier adjoint a donc milité auprès du maire pour que le projet ne soit pas poursuivi. Au grand dam de Didier Réault, adjoint en charge du nautisme. C'est lui qui défendait l'idée d'accueillir l'Extreme 40 à Marseille. Et il a continué de chercher des solutions d'accueil même après le retrait du rapport concerné.

"Si nous avons l'ambition d'être capitale européenne du sport, d'entrer dans le Top 20 des villes européennes, alors il faut pouvoir accueillir ce type d'évènement qui crée de l'économie, de l'image et du spectacle, estime l'adjoint à la mer. Visiblement, Dominique Tian n'a pas bien compris. J'ai essayé de trouver d'autres solutions. En vain." Il reconnaît que le maire n'était pas forcément au courant de tous les détails de l'histoire "mais il a l'habitude de laisser ses adjoints fonctionner dans leur délégation. Jusque-là, je n'ai jamais eu de souci. J'ai dû mal expliquer". Même s'il ne le dira pas, Didier Réault a eu une franche explication avec Dominique Tian à l'issue de laquelle chacun est resté sur sa position. Mais dans cette régate entre le teissieriste et le gaudiniste, c'est le plus capé qui l'a emporté.

Quant aux organisateurs, ils ont choisi de rester à Nice, étape française depuis quatre ans. "Nous n'avons jamais communiqué sur cette étape marseillaise, explique-t-on chez OC Sports. Nous ne le faisons que quand le dossier avec la ville hôte est totalement ficelé." Longtemps, sur leur site, le lieu de l'avant-dernière étape était signalé par un évasif "ville méditerranéenne". "Mais nous continuons à travailler avec la Ville pour que cette étape ait lieu lors du circuit 2015", assure-t-on encore. Voilà qui confortera Didier Réault dans sa volonté de promouvoir Marseille comme une étape internationale des courses à la voile. Même si dans cette quête, les obstacles sont nombreux y compris dans le milieu des clubs nautiques. Surtout que l'annonce de la tenue d'une seconde course à la voile en septembre échauffe déjà les esprits.

Des bateaux qui volent

Organisé par la société Sirius Événements, Marseille One Design est inscrite à l'agenda de la Fédération française de voile pour la semaine du 8 au 14 septembre, sur le plan d'eau du Roucas Blanc. "Elle prévoit une course de monotypes et surtout une régate de bateaux à « foil », les GC 32 qui s'élèvent au-dessus de l'eau comme ceux que l'on voit pour la coupe de l'America", détaille Didier Réault.

Mais, là encore, elle ne provoque pas la joie des voileux locaux. "Cette régate a lieu au même date que la Baticup que nous organisons depuis dix ans, explique Raymond Lamberti. Il y aura entre 50 et 60 bateaux sur le plan d'eau. Cela risque de créer des interférences."  Le président de la SNIM assure que tous les clubs nautiques sont sur la même ligne de refus. Leurs présidents envisagent très sérieusement de relayer la grogne de leurs adhérents bénévoles et de boycotter l'évènement. "Ils sont déjà venus à Marseille en 2013 pour le mondial des J80 et nos bénévoles n'ont pas été très bien traités, estime Bernard Flory, président du Club nautique et touristique du Lacydon (CNTL). Quand vous avez des bénévoles, vous en prenez soin. Donc nous n'allons pas les inciter à faire des efforts pour une société privée."

Même La Pelle n'en veut pas

Même dans le très sélect club de La Pelle, on ne mâche pas ses mots : "Nous, on demande des subventions ridicules pour financer la vie du club de voile et on reçoit peanuts. Quand on voit arriver des gens de l'extérieur qui sollicitent un soutien bénévole et empochent des subventions publiques [à nouveau il s'agit d'un marché public, ndlr], cela énerve." Effectivement, Didier Réault confirme que la course fait l'objet d'un contrat exclusif avec la société Sirius "pour un montant situé en dessous des 200 000 euros. Je ne peux pas vous donner la somme exacte car elle dépend des avantages en nature consentis par la Ville. Mais oui, c'est cher. Mais ça les vaut".

Du côté de l'organisateur, le patron de Sirius Manfred Rampascher se refuse à évoquer les aspects financiers du dossier et surtout à polémiquer avec les clubs nautiques : "Il ne s'agit que de l'opinion que de quelques-uns. Il y a beaucoup de monde à Marseille qui est ravi que la Ville accueille un évènement international de haut niveau. On ne peut pas mettre sur le même plan ces événements organisés par des professionnels et ceux portés par les clubs." En septembre, au large du Roucas Blanc, lors des régates entre monotypes, deux bateaux – seuls inscrits pour l'heure – porteront les couleurs de la Ville de Marseille. On ne sait pas si Didier Réault et Dominique Tian feront partie des équipages.

 

Actualisation : Après parution, le premier adjoint Dominique Tian tient à apporter une ultime précision : "J'ai bien perçu que la dernière phrase de votre article était une touche d'humour. Néanmoins je tiens à préciser que jamais je ne participerai à un telle course, très coûteuse en argent public et ce sans que le conseil municipal n'ait pu délibérer." Il y a bien une régate en cours au sein de la majorité municipale.

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Commentaires

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  1. noëlle Duck noëlle Duck

    c’est malheureux mais on le sait depuis longtemps, mais les édiles Marseillais ne sont pas à la hauteur des atouts naturels que leur rade offre pour le sport nautique. On a les élus qu’on mérite!

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  2. Puig Puig

    Quel amateurisme… ça fait pitié.

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  3. Le doigt dans l'Oeil Le doigt dans l'Oeil

    Un stade à ne pas couvrir, c’est bête de ne pas saisir l’occasion …

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  4. Anonyme Anonyme

    ces organisateurs, a la facture bien salée comptent sur les benevoles marseillais des clubs pour s ‘en mettre plein la fouille . Perso aider mon club qui aide les enfants marseillais a longueur d ‘année, je le fais volontier mais faire le benevole pour une société privée non faut pas deconner ou 1000 euros par jour.

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  5. Anonyme Anonyme

    Ce Didier Réault ne vit que pour ses ambitions personnelles. Il aime se faire mousser çà le grandi. Avec notre pognon, c’est lamentable de la part d’un élu. Au mois Dominique Tian n’est pas tombé dans le piège. Il faut vraiment tout surveiller à Marseille

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  6. un voileux un voileux

    Ce qui est malheureux c’est le manque de cohérence d’ensemble. Ça ne dérange pas Gaydin et son équipe de projeter un méga-aquarium à l’Estaque, “pour le tourisme” nous dit-on. En parallèle, ils veulent pas financer 400 k€ (très cher je l’accorde) une des competitions de voile les plus mediatisées par les medias mondiaux de voile. Je pense pourtant que ça aurait été une très bonne communication pour le tourisme, peut-être plus particulièrement sur le tourisme de luxe tant visé par l’équipe Gaudin.
    Le sujet est tt de même très différent de l’affaire Guetta.

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  7. Pepont Pepont

    J’ai toujours considéré la rade de Marseille comme un des plus beaux plans d’eau de France et meme d’Europe, intéressant d’y régater car très tactique par tout type de vent. Et cette corniche offrant des gradins naturels digne d’un stade nautique… époustouflant!
    L’arrivée de The Race et des grans Multicoques, le Louis Vuitton Act des Class America, les departs de Snim, etc… Autant de moments où toute la magie de Marseille, de sa rade et de son port en coeur de ville ont opéré avec force et émotion.
    Tous les ingredients existent pour faire de Marseille un pole evenementiel international très prisé dans le nautisme. Ne manquent que de la lucidité pour en être conscient, du pragmatisme pour développer une structure efficace, et de la volonté commune qui dépasse les querelles politiques et les tactiques carriéristes. Je reste surpris de voir depuis tant d’années les élus de cette ville si peu tournés vers la mer, si peu conscients de la pépite d’or qu’ils ont entre les mains et qui n’ont jamais su saisir la chance et l’opportunité de faire de Marseille un plan d’eau de référence mondiale malgré ces belles operations qui auraient du leur ouvrir les yeux.
    Rudy Riciotti a pensé un des plus beaux site autour du Mucem, dont le plan d’eau intérieur pourrait être utilisé a des fins événementiels. Pourquoi ne pas completer ce cadre exceptionnel par des infrastructures pérennes et entièrement dédiées a l’évènementiel nautique : un veritable yacht club, ouvert, spacieux, accueillant, bien pensé et fonctionnel, avec du linéaire de quai disponible permettant (sans déménager tout le Vieux Port) l’accueil de bateaux de régate. Avec des competences organisationnelles et logistiques bien pensées et adaptées, les nombreuses classes internationales de bateaux se bousculeraient pour organiser leur événement phares, sans demander autre chose qu’une mise a disposition d’infrastructures et de logistique. Meme Monaco, avec son tout nouveau yacht club tout mirobolant qu’il est, ne pourrait prétendre a rivaliser faute d’un plan d’eau attractif et de conditions de vent adéquates.
    Alors, comme la Bonne Mere et son petit Jesus, tournons nous pour une fois vers la mer, saluons cette chance d’avoir un si beau plan d’eau, et réfléchissons comment exploiter au mieux ce potentiel d’evenementiel nautique par une démarche constructive, des investissement intelligents, et qui ne soit pas juste de l’effet mer… Thierry Peponnet, champion olympique Voile 1988

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  8. José 2014 José 2014

    Quand on voit à quel point galèrent entre autres le milieu de la culture ainsi que les association travaillant dans le champ social, on se dit que tout cela pue l’indécence budgétaire ! Est-ce vraiment sérieux que d’affirmer avec outrance qu’une régate nautique extérieure, ponctuelle, débarquant et repartant aussitôt et destinée à quelques privilégié(e) voulant se faire plaisir, créerait soit-disant de l’économie ? Il y a de quoi rire à gorge déployée, non ? Ou de l’art de tenter de justifier (argent public gaspillé inutilement…) ce qui ne peut l’être dans les réalités de la vie de la plupart des habitant(e)s de Marseille…

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  9. Seb Seb

    C’est effectivement bien triste de voir toutes ces subventions pour une activité qui ne profite pas aux marseillais ( de la pub pour la ville, quelle blague !).
    Alors qu’avec ces montants on pourrait agrandir le club municipal de voile et permettre à plus de jeunes marseillais de découvrir la voile.
    Au passage, interviewer les responsables du pseudo club de voile de la pelle ressemble à une belle blague, j’ai fait de nombreux stages au roucas blanc, et mis à part les tout petits en garderie-optimist, tout le monde bronzait autour de la piscine, pas besoin de subventions pour ça !

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  10. michel michel

    vous parlez d’une régate en cours au sein de la majorité municipale, quel euphémisme !!! les requins ont les dents longues et acérées,
    Didier Réault, politicard très local (WIKipedia:(Péjoratif) Professionnel de la politique. Politicien manœuvrier, sans scrupules.) Didier Réault c’est battu pour être président du parc national des Calanques (dont,comme par hasard, a été évacuée la rade de Marseille et le Frioul …) et il veut aujourd’hui faire cracher au bassiné le contribuable Marseillais à hauteur de 400 000 + 200 000 €, pour renforcer sont pouvoir politicard, il nous montre par la son vrai visage, prendre le pouvoir sur le parc des Calanques non pas pour la protection de la biodiversité et pour un espace nature de proximité pour tous les Marseillais, mais pour vendre un terrain de jeu pour de l’événementiel et du business mediatico-politicard et faire des Marseillais des spectateurs/financeur de ses turpitudes ???
    Oui il faut des subventions pour ouvrir la mer, le nautisme et la voile largement au Marseillais, mais pas pour regarder passer au loin les bateaux, en suçant des glaces des glaces à l’eau … je ne vous refais pas la chanson

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  11. pmo pmo

    Marseille dispose d’une rade exceptionnelle,avec les atouts qui vont avec et que nous envient bien des cités portuaires !!!Dommage que cet atout majeur d’une ville à la déshérence politique tout aussi exceptionnelle….ne pense que Stade Vélodrome, avec les conséquences financières prévisibles….Quel gâchis,aucune vision d’avenir cohérente !

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  12. Anonyme Anonyme

    Stupide de qualifier cet événement de régate à la getta. Non seulement elle rassemble le gratin international de la régate , notamment les équipes de la coupe de l’America qui s’en servent de support entre deux éditions de la Cup, mais elle est extrêmement (bien) médiatisée dans le monde entier. OC sport est un précurseur en matière de régate spectacle disputées dans des stades nautiques mis en forme pour l’occasion qui permet au public de voir les bateaux à quelques dizaines de mètres et aux entreprises locales d’organiser des opérations de RP. Si on regarde les autres villes d’accueil, on note sur Singapour, Oman, St petersburg, cardiff, sydney, Istambul. Il fautr savoir dans quelle court on veut jouer. C’est une idée apréciable de faire valider les gros budgets évenementiels par le CM, mais ce serait bien de les attribuer aux régates qui en valent vraiment la peine et sont reconnues sur le plan international et suivies dans le monde entier. De toutes façons il est prouvé par A+B depuis des années que M. Gaudin n’a ni la fibre maritime, ni nautique et qu’il faudra attendre son successeur pour espérer que cela puisse changer. Pour info, c’est le groupe de presse Le Telegramme (de Brest) qui vient de prendre la majorité dans OC sport, et il ne serait pas étonnant de voir l’étape française des Xtreme series filer en Bretagne l’année prochaine et sans doute pour longtemps. Encore une occasion manquée…

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