Deux bars du Vieux-Port pris en flagrant délit de discrimination par SOS racisme

Reportage
le 6 Mar 2023
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Vendredi soir, SOS Racisme menait des tests sur la discrimination au faciès à l’entrée de bars et boîtes de nuit marseillaises. Marsactu a pu suivre leur démarche. Au terme de l'expérimentation, l’association va porter plainte contre deux établissements.

Des bénévoles de SOS Racisme se préparent à une action de "testing" dans des bars marseillais. (Photo : LG)
Des bénévoles de SOS Racisme se préparent à une action de "testing" dans des bars marseillais. (Photo : LG)

Des bénévoles de SOS Racisme se préparent à une action de "testing" dans des bars marseillais. (Photo : LG)

“Ouvre bien ta veste, pour qu’on voie ta chemise.” À deux pas des bars les plus courus du Vieux-Port, une dizaine de bénévoles de SOS Racisme s’activent. Rien ne doit être laissé au hasard. Ce vendredi soir, l’association mène une campagne de tests de discrimination au faciès, dans cinq bars et boîtes de nuit marseillaises. Cette nuit-là, l’association va constater des faits de discrimination à l’entrée de deux établissements du 7e arrondissement : un bar, le Comptoir d’Endoume, et une boîte de nuit, le Trolleybus. Avec les témoignages des testeurs, l’association va porter plainte pour discrimination raciale contre chaque établissement.

“C’est déjà arrivé à plein de mes potes”

Se faire recaler arbitrairement à l’entrée d’une boite de nuit ? “C’est déjà arrivé à plein de mes potes,” assure Tidiane Tall, 18 ans. En première année de STAPS, le jeune membre de SOS Racisme participe à sa première soirée de test. L’association les organise depuis 2002 dans plusieurs grandes villes françaises. “Ça parait trivial par rapport au travail ou au logement, mais la discrimination dans les sorties, c’est un vrai sujet,” estime Saphia Aït-Ouarabi, vice-présidente de SOS Racisme. “Même en vacances, même dans le divertissement, on n’est pas épargnés.”

Elle ajoute : “La difficulté avec la discrimination, c’est qu’on n’a jamais de preuve quand on sent que ça arrive.” Pour tenter d’y remédier, l’organisation des tests est pensée de A à Z. Chaque groupe de bénévoles est composé de la même manière : trois personnes du même groupe ethnique, dont une jeune fille et deux jeunes hommes, car ces derniers sont plus visés par la discrimination dans les établissements de nuit. Pantalon ou jupe, chemise ou blazer, tout le monde doit être “bien habillé” : les photos des tenues seront intégrées au dossier juridique après la soirée. Enfin, chaque groupe se filme avant et pendant l’entrée dans le bar.

“Aujourd’hui, pour lutter contre les discriminations, on ne peut pas se contenter de sensibiliser les individus, il faut viser les institutions,” estime encore Saphia Aït-Ouarabi. “L’objectif, c’est le “name and shame” : dénoncer les établissements, ça permet de faire évoluer leurs pratiques, mais aussi de mettre une pression symbolique à tous les établissements.”

“Ce soir, il fallait réserver”

Quand vient le tour de tester le Comptoir d’Endoume, bar branché situé à proximité de Saint-Victor, les vigiles refusent l’entrée à un groupe de bénévoles noirs, puis de bénévoles nord-africains, arguant que ce soir, “il fallait réserver”. Quelques minutes plus tard, le dernier groupe, composé de bénévoles blancs, s’y présente. Il y entre sans objection. Au Trolleybus, rebelote. Le premier groupe s’est vu refuser l’entrée de la boîte du quai de Rive-neuve, pour le motif qu’il n’avait pas “réservé avant 20h”. Mais quand le dernier groupe s’est présenté, la règle avait visiblement changé. “Vous allez consommer ? Vous comptez prendre une bouteille ? Vous voulez une table ?”, leur a-t-on cette fois-ci demandé, avant de les laisser accéder à la piste de danse. Marsactu a été témoin de ces deux scènes.

Contacté, Yann Cloître, le gérant du Trolleybus nous a répondu par SMS que “la seule consigne, c’est de privilégier l’accès à toute personne ayant réservé”. Comme les deux précédents groupes, celui composé de personnes blanches n’avait pourtant pas pris cette précaution. Après parution de cet article, le gérant a souhaité prolonger sa réponse. “Je suis soucieux de tous les comportements et réactions du personnel de sécurité, indique-t-il auprès de Marsactu. Je remarque des refus sur tous types de clients et pas systématiquement, comme vous le laissez entendre sur une population désignée. Une photographie sur le court terme ne peut pas prouver une volonté délibérée de tri calculée.”

De son côté, le gérant du Comptoir d’Endoume, déclare “prendre au sérieux” le signalement et être prêt à rencontrer l’association. Dans les autres bars, aucune discrimination n’a été constatée lors des tests.

SOS Racisme compte sur des sanctions

L’association espère aussi une sanction des pouvoirs publics, par exemple une fermeture administrative des établissements par la préfecture, pendant quelques semaines. La mairie, quant à elle, “soutient moralement l’opération”, déclare Théo Challande-Névoret, l’adjoint au maire en charge de la lutte contre les discriminations. Présent pendant les tests, il se porte “témoin de moralité” pour les plaintes déposées à la fin de la nuit.

La loi, si elle est parfois difficile à faire appliquer, est en tout cas claire : “Lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.” Ces dossiers seront bientôt entre les mains de la justice.

Actualisation le 08/03/2023 à 16h : ajout des commentaires supplémentaires du gérant du Trolleybus.

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Commentaires

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  1. marseillais marseillais

    Gonflé le patron du Comptoir d’Endoume dont l’attitude de ses vigiles a été dénoncée maintes fois scandaleuse, raciste et refusant les jeunes à la couleur de leur peau. Bar banché à rejeter++++

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    • RML RML

      En plus c’est cher et pas bon

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  2. marseillais marseillais

    Bar branché à rejeter++++

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  3. mrmiolito mrmiolito

    Quand on voit que des lieux, en tout cas sous l’ancienne mandature, se faisaient régulièrement fermer administrativement 3 mois pour “simple” tapage nocturne…
    Il me semble qu’une fermeture administrative de 3 mois (QUE LE MAIRE PEUT PRENDRE, pour mémoire) ferait bien plus mal en terme de chiffre d’affaire à ces deux établissements, que les 75 000 € d’amende… Et ça pourrait même donner une belle opération de communication citoyenne à Marseille.
    Je dis ça je dis rien bien sûr, M. l’Adjoint au Maire…

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    • ALAIN B ALAIN B

      Fermeture pour tapage nocturne et fermeture pour discrimination cela est différent
      Je ne pense pas que la Mairie puisse fermer sans passer par la justice

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  4. Mistral Mistral

    Pour le comptoir d’Endoume il suffit d’aller voir les avis sur google pour savoir à qui on a à faire !

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    • Félix WEYGAND Félix WEYGAND

      Ouf ! Effectivement on se demande si eux-même les lisent !

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  5. Assedix Assedix

    Révélations consternantes.
    Juste une remarque géographico-sociologique, pour le comptoir d’Endoume et les établissements voisins, on dit plutôt les bars de la rue Sainte, que les bars du Vieux-Port.

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    • Assedix Assedix

      Et le trolleybus est une boîte de nuit, bien sûr.

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  6. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    La photal signée LG n’est pas sur le Vieux Port…non?

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    • Assedix Assedix

      Mais le titre ?

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