[Deux ans de Printemps] Grandes ambitions et financements flous
Benoît Payan et l'adjoint au bâti des écoles Pierre-Marie Ganozzi lors d'une visite de chantier en janvier 2022 à Saint-Louis. (Photo : JV)
Truelle et parpaing. Ce mercredi 6 juillet à 18 h, le maire de Marseille, Benoît Payan, posera la première pierre de la rénovation du stade Saint-Henri (16e). Lundi, c’est l’adjointe chargée des parcs et jardins, Nassera Benmarnia, qui ouvrait officiellement le parc urbain de la porte d’Aix. Si l’on remonte encore un peu le temps, en janvier dernier, l’équipe municipale faisait d’une visite de chantier, à l’école Saint-Louis gare, le symbole de son grand plan de rénovation des écoles délabrées de la ville.
L’heure est au satisfecit dans les rangs de la municipalité. Ces projets-là signent, disent ses élus, la capacité d’action d’une majorité “à l’œuvre”, quand bien même ces aboutissements trouvent leurs prémices dans les cartons de la dernière mandature Gaudin. Les réalisations portées par le Printemps marseillais ? Elles sont en gestation.
Pour ce bilan des deux ans de la majorité municipale, avoir pris le pouls des services municipaux et être monté sur le paquebot de l’administration volontiers décrit comme ingouvernable, Marsactu a plongé dans le “Plan d’investissement pour Marseille”. Voté en même temps que le budget lors du conseil municipal en avril, ce document liste les ambitions jusqu’à la fin du mandat. Il pose les bases d’une programmation pluriannuelle d’investissement (PPI) qui faisait jusqu’à lors défaut à la collectivité et devrait être officiellement présentée en décembre prochain.
Un “cap” pour dépasser “la mousse”
“C’est important de se donner un cap, sinon on fait de la mousse”, résume Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme et par ailleurs pilote de ce “plan quinquennal”. De la pose d’un défibrillateur pour 5000 euros dans un équipement municipal à la rénovation de la piscine de Luminy qui engagera plusieurs millions, la PPI dessine par petites ou grosses touches les ambitions municipales du mandat, dont Marsactu vous propose une illustration en infographie (survoler pour voir le détail) :
Le plan d’investissement dresse en huit thèmes – environnement, jeunesse, solidarité, sport, culture, sécurité, cadre de vie, modernisation de l’administration – l’ambition de la mandature en cours. Montant de ces aspirations ? 1,7 milliard d’euros. “C’est la traduction de notre programme. Notre volonté, c’est que tout soit engagé avant la fin du mandat. Et 2026, ce n’est pas dans 20 ans…”, note dans un demi-sourire Joël Canicave. L’adjoint délégué aux finances sait sans nul doute compter. Il se garde bien en revanche de comparer précisément avec le programme présenté en 2020, qui promettait par exemple sept bibliothèques supplémentaires pour atteindre le chiffre d’une par arrondissement non doté.
Pour élaborer ce que l’adjointe à l’urbanisme décrit comme une “feuille de route partagée avec les élus”, la majorité s’est d’abord livrée à un toilettage des projets déjà dans les cartons au moment de son arrivée. “Il y avait beaucoup d’autorisations de programme ‘fantômes’, sans dépenses engagées. Il y avait aussi par exemple un énorme budget sur les édifices cultuels. On s’est donné de l’air pour investir sur les sujets majeurs”, détaille-t-elle. Et ce, après avoir intégré les dépenses de base, du renouvellement des camions de pompiers à la mise en accessibilité des bâtiments communaux, imposée par la loi.
“Des” bibliothèques mais une seule d’ici à 2026
À partir de là, chaque adjoint a été sollicité. “On a dressé un état des lieux des besoins et on les a fait remonter, après ça a été tranché en concertation avec le maire et le cabinet”, prolonge Sébastien Jibrayel, l’adjoint au sport. “Chacun a fait sa liste de courses, a remis ses notes et après il y a eu des arbitrages pour façonner l’outil global”, résume Sébastien Barles, chargé de la transition écologique. L’élu du groupe écologiste et citoyen note tout de même que “la concertation et les échanges auraient peut-être pu être plus importants sur les arbitrages”.
De nombreux projets ne verront pas le jour durant le mandat actuel.
L’adjoint à la culture Jean-Marc Coppola salue, lui, un document “boussole”, “qui donne des perspectives”. À horizons variables. Lorsque Mathilde Chaboche détaille le contenu du plan, il est question du “réaménagement du Merlan, qui est un enjeu majeur, en terme d’équité sociale mais aussi par le potentiel qu’offre cet espace urbain”. Mais elle évoque aussi “trois nouvelles bibliothèques, dans le 3e, le 13e, et une dernière dans le 15e en lien avec Euroméditerranée 2”. Pour sa part, l’élu communiste fixe un but plus réduit : “Sortir de ce mandat avec une bibliothèque supplémentaire.” Une version plus conforme à la réalité des délibérations votées par le conseil municipal à ce jour : aucune. Certains projets, comme pour les piscines, enjamberont donc le mandat suivant.
Des grandes lignes, en attendant la rentrée
Ces subtilités sont pour l’instant inaccessibles aux élus d’opposition comme aux journalistes, sans parler des citoyens. Des 1300 lignes budgétaires qui composent ce plan, on ne dispose pour l’heure que de l’addition par grands thèmes. “Cela rend difficile, y compris de donner un avis, de voter ou pas, commente Pierre Robin, chef de file sur les questions financières au sein de la liste menée par Martine Vassal (divers droite). Je suis très content que la PPI existe, je pense que c’est un document fondamental et il est regrettable qu’il n’y en ait pas eu auparavant. Mais malgré mes demandes en commissions, je n’ai pas pu obtenir le détail”.
Des précisions qui pourraient lui permettre d’affûter ses premières critiques. “On a trouvé la ligne sécurité très basse, poursuit le conseiller municipal d’opposition. Mais on ne sait pas vraiment si la base Sud de la police municipale est intégrée quelque part dans une ligne. Et la Villa Valmer, est-ce qu’elle est dedans ? Si on veut donner de la crédibilité au propos, il faut l’inscrire, sinon ça veut dire qu’on la laisse en ruines jusqu’au mandat suivant.”
Cela pose une sorte de contrat avec les citoyens, c’est sur ça qu’on rendra des comptes.
Mathilde Chaboche
Pour la majorité municipale l’objectif affiché est pourtant bien de faire de ce plan “une forme d’engagement”, dixit l’adjoint aux finances. Même ton chez Mathilde Chaboche : “Cela pose une sorte de contrat avec les citoyens, c’est sur ça qu’on rendra des comptes. Cela permet y compris de répondre à l’impatience. On est en train de travailler pour la rentrée, afin de proposer un document transparent que les citoyens puissent suivre.”
Pour Pierre Robin, cette remise à plus tard arrange bien la majorité : “Ne pas donner le détail, ça évite de répondre aux questions. C’est comme pour les recrutements et l’absence de détail sur les effectifs, la transparence jouerait contre eux.” Joël Canicave plaide, lui, le retard. De lui-même, il signale d’ailleurs un manque majeur au début de notre entretien : “Nous n’avons pas été en mesure de préciser à temps les cofinancements, nous ne pouvons pas faire ressortir précisément combien restera à la charge de la Ville. L’objectif était de faire une PPI. Mais nous l’avons appelé “plan d’investissement pour Marseille” parce que ce n’est pas encore vraiment une PPI. “
Argent virtuel et grosses surprises
“Tout cet argent virtuel”, sourit un adjoint, en off, lorsqu’on le branche sur le plan. Personne ne conteste en effet que la Ville ne pourra tenir cette cadence inédite sur ses seuls fonds propres. “Nous essayons de faire passer l’idée au sein de la majorité et de l’administration que si l’on veut faire plus ou mieux, le cofinancement doit être notre obsession”, résume Mathilde Chaboche. Département, région, Europe… La délibération ne détaille pas combien est attendu de ces financeurs et sur quels projets. “Ce plan est ambitieux et réaliste”, martèle néanmoins Joël Canicave.
Pour certains élus, c’est même un outil pour aller toquer aux portes. “Il nous permet d’aller voir de nouveaux financeurs potentiels, comme nous l’avons fait avec l’agence nationale du sport (ANS), pour montrer nos ambitions et nos capacités à faire“, assure Sébastien Jibrayel. Le directeur de l’ANS sera justement présent ce mercredi au stade Saint-Henri, l’un des multiples investissements financés.
Ils ont tout mis dedans, ils n’ont pas dégagé leurs priorités alors qu’ils avaient déjà concentré beaucoup sur les écoles.
Pierre Robin, conseiller municipal d’opposition (DVD)
En attendant, l’opposition trouve là sa principale critique. “Ce plan est irréaliste, tranche Pierre Robin. Entre les orientations budgétaires et le vote, il a pris 400 millions d’euros en un mois, ça veut dire qu’ils ont tout mis dedans, qu’ils n’ont pas dégagé leurs priorités alors qu’ils avaient déjà concentré beaucoup sur les écoles.” Confronté à cette hausse surprise d’un tiers au dernier moment, Joël Canicave se retranche derrière le paravent, très en vogue, de l’administration, qui n’aurait pas transmis les bons montants.
Une deuxième version pour 2023
Pour Mathilde Chaboche, la PPI est aussi un outil de changement des manières de faire, pour les élus comme pour les services. “L’objectif était de disposer d’une feuille de route pour guider l’administration. Sans ça, on navigue à vue et il est difficile de resituer les arbitrages au cas par cas – est-ce qu’on valide tel ou tel chantier de crèche ? – dans une vision plus large. C’est un cadre qui sécurise et évite de se noyer dans des micro-sujets”, théorise l’élue.
Un “contrat”, un “cadre” : face au risque d’être pris au mot, les élus nuancent d’emblée la rigidité de ce plan. “La super idée ou le besoin nouveau, parce que la ville bouge, on saura l’intégrer”, assure encore Mathilde Chaboche. “Une PPI c’est vivant, mouvant”, abonde son alter ego aux finances. À commencer par l’effet de la réforme de la métropole, qui amènera à une deuxième version, plus complète, au 1er janvier 2023. “Si on récupère certaines compétences comme la voirie ou l’office du tourisme, forcément certains projets entreront dans ce plan.” Et d’autres risquent évidemment d’en sortir. Joël Canicave en convient : “Je ne signe pas ce papier en disant qu’on va tout faire”.
Bonjour Marsactu, le lien pour télécharger le document ne semble pas fonctionner. Dans le PPI, une ligne fait apparaître le Plan des écoles, or les sommes correspondent aux redevances (loyers) que la ville paiera à la SPEM (Société Publique des Écoles de Marseille), ces redevances ne seraient elles pas prises sur le budget de fonctionnement ? C’est tatillon mais à voir… budgétairement ça changerait beaucoup de choses…
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Bonjour,
je vous confirme que la ligne “Plan écoles” concerne le versement à la SPEM. Le budget affiché est donc réduit par rapport au total engagé sur cette période.
Quant à la question de la redevance, il me semble qu’elle sera prise sur le budget d’investissement, sauf la partie maintenance, très réduite au départ.
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Bonjour Marsactu. Ce serait bien que vous mettiez également en ligne le texte de la délibération qui accompagne le tableau de données. On y lit que le PIM prévoit 33 millions pour les bibliothèques alors que le tableau n’en annonce que 15 (mais 16 M pour un équipement dédié aux arts du cirque ?). La ville a-t-elle les moyens de financer l’APHM à hauteur de 25 M€ comme prévu dans le tableau ?
Un vrai débat citoyen s’impose sur ces choix stratégiques. Merci d’avoir contribué à le lancer.
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Bonjour,
nous avons fait remarquer cet écart aux élus (c’est même 36 millions). Il nous a été répondu qu’une part était comprise dans “équipements culturels”. Lisibilité toujours…
Concernant l’APHM, il s’agit de la subvention au plan de modernisation, soutenu par l’Etat et les autres collectivités (reconstruction de la maternité de la Timone, rénovation de l’hôpital Nord etc.)
La délibération est disponible sur le site de la Ville https://deliberations.e-mrs.fr/alfresco/s/api/node/content/workspace/SpacesStore/e86e32ae-9fcd-415d-bdd4-b0c753187f41/2022-0087.pdf?a=true&guest=true (contrairement au tableau, qui comme toutes les annexes n’est pas publié)
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Pour le réaménagement de la bibliothèque du Merlan, il faut être honnête : il existe 2 délibérations, votées en… 2019 !
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Bravo pour cette magnifique infographie.
Qui connait la “couleur” de ce Pierre Robin et de la liste “divers droite” (Une Volonté pour Marseille) nommée du nom de sa cheffe de file, Martine V. Sont-ce des soutiens de Renaissance (ex LREM) a qui beaucoup se sont ralliés très récemment, de LR dont beaucoup sont issus, de la Gaudinerie, où beaucoup ont prospéré très longtemps?
Il semble vouloir taper sur la sécurité, sujet toujours très porteur, et la Villa Valmer, infime détail de ce PPM sur 5 ans, mais très bon sujet de polémiques à venir.
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LR un jour, LR toujours. Soutien comme Vassal de Réault et Santelli aux législatives et pourfendeur en chef de la majorité municipale. Tweete sans autoriser les commentaires en retour. C’est vrai qu’en termes de “transparence” la gaudinie a des leçons à donner :p
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