Des réquisitions tout sauf low-cost pour Ryanair

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le 31 Mai 2013
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Des réquisitions tout sauf low-cost pour Ryanair
Des réquisitions tout sauf low-cost pour Ryanair

Des réquisitions tout sauf low-cost pour Ryanair

Durant la totalité du procès pour entrave au droit social français, la compagnie Ryanair n'a pas changé d'aiguillage. Sa ligne de défense a consisté à nier l'existence d'une base d'exploitation pérenne à l'aéroport Marseille-Provence entre 2007 et 2010, invoquant le respect du droit communautaire européen. Celui-là même que leur oppose les parties civiles dénonçant entre autres des faits de travail dissimulé. Me Claire Hocquet pour le syndicat national des pilotes de ligne a justement insisté : "On en demande pas à Ryanair de se soumettre à une loi française, mais bien à une loi européenne en conformité avec la loi française".

Le procès s'est ouvert jeudi sur les doléances de la présidente Véronique Imbert. "C'est dommage qu'il n'y ait aucun prévenu. Ryanair s'était engagée à ce qu'il y en ait au moins un présent !" L'arrogance des dirigeants de cette compagnie, et en particulier celle de Mickael O'Leary – menaçant de quitter la France sans jamais réellement mettre ses menaces à exécution – a souvent été rappelée par les parties civiles qui se sont longuement attardées sur les conditions de travail des salariés de Ryanair, jugées indignes. Pour justifier la quasi absence de témoins à la barre, un pilote d'Air France a évoqué le "fear management, la peur d'être sacqué, muté sur une autre base en représailles ou même simplement licencié en cas de fuites dans la presse ou ailleurs".

La plaidoirie de Me Roland Rappaport, collègue de Me Hocquet, a été remarquée, ainsi que ces interventions intempestives – "Ryanair, c'est Big Brother" – provoquant des murmures d'approbation du côté des parties civiles et un geste faussement agacé de la présidente. "Qu'il est bon de vivre dans un Etat de droit. Certes tout va très bien pour Ryanair dans cette société en crise. Mais de quoi sont faites ses recettes ? Elle bénéficie de subventions considérables."

Théorie du complot sur fond de xénophobie ?

A travers leurs plaidoiries, les avocats de la défense Me Luc Brossollet et Me Marc-Antoine Levy ont tenté d'invoquer "le procès du bouc-émissaire ou encore la théorie du complot", enjoignant le tribunal à se cantonner aux faits et à se départir "d'un tas de rumeurs. Une sorte de haine s'est cristallisée contre l'anglo-saxon qui fait voler ses avions en France en gagnant plus que nous." En effet, les bénéfices de Ryanair sont pour le moins importants.

Entre avril 2012 et avril 2013, la compagnie irlandaise a obtenu 569 millions d'euros de profits pour un chiffre d'affaires de 4,9 milliards d'euros. "Que Ryanair demeure l'excellence du low-cost, pas de problème. Mais vous faites valoir une prétendue liberté contractuelle avec les salariés alors que vous êtes dans une démarche de négation du salarié, parce que vous ne considérez pas le droit du travail", a plaidé Me Rachid Brihi pour l'Union des navigants de l'aviation civile.

"Ryanair voudrait faire valider par le tribunal l'idée que lorsque l'on vole dans les airs, on a le choix de la nationalité du contrat" a poursuivi l'avocat. Mais une enquête des gendarmes de l'Office central de lutte contre le travail illégal a révélé notamment que les salariés de Ryanair étaient domiciliés à Marseille, bénéficiaient de locaux et se référaient à deux responsables hiérarchiques sur place détenant un pouvoir disciplinaire. Faux, réplique Me Brossollet pour la défense, "le dénommé Thomas Collard a apporté les clés d'un local lors de la perquisition. C'est ça pour vous un responsable hiérarchique ? Et puis Ryanair ne dispose même pas de structure d'accueil pour le public. Elle n'a pas de base d'exploitation, sa responsabilité pénale ne peut pas être engagée."

Prière de payer en avions

Cela n'a visiblement pas convaincu le procureur Annie Battini, qui a démarré ses réquisitions d'une voix à peine audible et pourtant lourde d'accusations. "Ici, on n'a pas affaire à une justice low-cost." Et d'énumérer les faits retenus à charge pour la compagnie, autant d'éléments qui prouvent "le caractère stable, continu et habituel de l'activité de Ryanair", engageant sa responsabilité pénale. Pour elle, l'infraction de travail dissimulé est bien constituée. "Ryanair tente de jouer sur les termes de la loi au mépris des lois du pays d'accueil."

225 000 euros d'amende pour les faits de travail dissimulé ont été réclamés au cours du réquisitoire, la publication dans la presse de la condamnation et la confiscation des quatre avions de Ryanair – ou plus précisément la confiscation des "biens en valeurs", ce qui signifie que la compagnie devra verser une somme correspondante à la valeur des avions en l'état. Soit la coquette somme d'environ 50 millions d'euros par appareil… Cette amende ajoutée aux quelques 10 millions d'euros de dommages et intérêts réclamés par les parties civiles (dont 4,7 millions d'euros réclamés pour l'Urssaf), la note pourrait être salée. Pour l'instant, l'annonce du réquisitoire a peu impacté la valeur des titres de la société en bourse.

Des réquisitions sévères "mais à la hauteur des enjeux" a commenté Me Rachid Brihi, avocat de l'Unac (Union des navigants de l'aviation civile), mais aussi lourdes de sens : "Ces réquisitions exceptionnelles sont une réponse appropriée face à l'attitude de Ryanair qui a toujours persisté à affirmer qu'elle avait raison. Cela marque une vraie volonté de marquer un coup d'arrêt aux pratiques de Ryanair." Le tribunal rendra son délibéré le 25 septembre.

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Commentaires

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  1. Olympien Olympien

    Au tour de Corsica Ferry après

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  2. Olympien Olympien

    Au tour de Corsica Ferry après

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  3. ChevalierBlanc ChevalierBlanc

    Quand je pense que Jean-Claude Gaudin, qui comme d’autres s’était effrayé du chantage au retrait de Ryanair s’était dit “particulièrement choqué par les pressions exercées actuellement sur les dirigeants de la compagnie Ryanair”.
    Je constate que pour certains de nos élus prompts à dénoncer la délinquence le non respect de la législation du travail n’est pas un problème

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  4. José 2013 José 2013

    Corsica Ferries ? Regardons aussi du côté de la SNCM ? Le dumping économique faussé passe aussi par des avantages directs ou indirects indûment versés ? Notamment des subventions publiques ou semi-publiques ayant notamment pour conséquences concrètes d’avantager telle ou telle société ? Ne faisons pas semblant de l’oublier… ?

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