“Des arbitrages à faire” pour l’avenir du site archéologique de la Corderie
Militants pour la sauvegarde du site de la carrière antique de la Corderie quand ils étaient dans l'opposition, plusieurs figures du Printemps marseillais se retrouvent aujourd'hui à négocier avec l’État et Vinci pour trouver une issue à la protection et à la mise en valeur du site archéologique.
En face des immeubles construits par Vinci, la destinée des vestiges de la carrière antique de la Corderie n'est toujours pas connue. (Photo : Marsactu)
La série
Alors que la nouvelle majorité municipale promeut son "été marseillais", Marsactu lui soumet quelques travaux pratiques, sur des dossiers emblématiques et épineux.
26 siècles d’histoire urbaine et un point de départ. Pour les défenseurs des vestiges de la Corderie (7e), cette carrière grecque du Ve siècle avant J-C. est un site majeur. Un témoin de “l’acte de baptême” de Marseille confiait à Marsactu l’historien Jean-Noël Bévérini en 2017. À l’époque la mobilisation pour la sauvegarde du site, promis à la construction d’un immeuble par Vinci, faisait grand bruit. De rassemblement en rassemblement de quelques centaines de personnes, elle récolte le soutien de personnalités politiques de l’opposition : de Benoit Payan en chef de phalange socialiste à Jean-Luc Mélenchon en tribun insoumis.
Sophie Camard, suppléante à l’assemblée du député a été également de nombreuses manifestations. Tout comme le communiste Jean-Marc Coppola, qui considérait avec ses alliés le dossier comme emblématique de la politique d’urbanisme du maire LR Jean-Claude Gaudin, responsable de la vente du terrain et de la délivrance du permis de construire. “La politique de Jean-Claude Gaudin, c’est de vendre Marseille à la découpe à la spéculation”, nous glissait-il à l’époque. Au mépris du patrimoine et des habitants selon lui.
“Dossier important et en même temps complexe”
Trois ans plus tard, l’immeuble de Vinci est habité. À côté subsistent 635 m² du site archéologique, classé monument historique en septembre 2018. Malgré cela, sa conservation n’est pas assurée. Mal protégée sous des bâches géotextiles, la pierre calcaire subit les attaques de l’érosion, de laquelle elle était exemptée jusqu’à sa mise au jour par les archéologues de l’Inrap. Et désormais, après avoir fait campagne ensemble au sein du Printemps marseillais, Benoit Payan s’est installé comme premier adjoint de Michèle Rubirola, Sophie Camard a été élue maire des 1/7 et Jean-Marc Coppola est devenu adjoint à la culture.
Comment concrétiser cette volonté de conservation et de mise en valeur du site pour qu’il soit visible et expliqué au plus grande nombre ? “Je souhaite que ce soit un patrimoine que l’on puisse visiter. Et il ne faut pas simplement regarder le tourisme même si c’est un aspect qui ne se néglige pas. Il faut que les Marseillaises et les Marseillais se réapproprient leur patrimoine”, réaffirme Jean-Marc Coppola.
Mais la Ville n’est pas décisionnaire sur ce lieu qu’elle a vendu à Vinci et qui est sous la responsabilité de l’État en tant que monument historique. Même si le conservateur régional des monuments historiques, Robert Jourdan, a assuré récemment qu’il y aurait concertation, dans un entretien à La Marseillaise. De plus, les propres contraintes du site, tout comme celles de l’époque liées à la crise sanitaire, ouvrent une négociation compliquée pour les anciens opposants devenus ténors de la majorité. “C’est un dossier important, auquel on est sensibles mais qui est en même temps complexe”, nous confie d’emblée Jean-Marc Coppola.
“Monter une concertation pour voir ce qu’il est possible de faire”
Avant d’arriver au choix sur un des trois scenarii, on a une petite urgence à régler, celle de l’écoulement de l’eau.
Jean-Marc Coppola, adjoint délégué à la culture
L’avenir du site se dessine au choix de trois scenarii, proposés par François Botton, l’architecte en chef des monuments historiques, comme l’a révélé La Marseillaise mi-juin. Le moins onéreux consisterait à enfouir à nouveau les vestiges. Une solution que Sophie Camard veut éviter. Le plus ambitieux viserait à construire un toit pour protéger l’ensemble des intempéries. La solution intermédiaire proposerait de “sélectionner les zones les plus intéressantes à laisser à l’air tout en les protégeant”, explique François Botton.
Pour finaliser le choix, “il y aura une rencontre entre la Ville, l’État et nos “amis” de Vinci. Notre travail en ce moment c’est de monter cette concertation pour voir ce qu’il est possible de faire”, assure Sophie Camard. Cette table ronde devrait avoir lieu en septembre selon Jean-Marc Coppola. “Avant d’arriver au choix sur un des trois scenarii, on a une petite urgence à régler, celle de l’écoulement de l’eau”, pose l’adjoint à la culture. L’eau qui coule dans la pente stagne contre l’immeuble, aggravant les dommages. L’affaire serait en train d’être réglée. “Il va y avoir des pompes de relevage aux frais de Vinci”, avance l’élu.
Une première visite pour les journées du patrimoine ?
Pour une ouverture ponctuelle du site au public, il pense déjà à la plus proche échéance des journées européennes du patrimoine les 19 et 20 septembre prochains. C’est pour ce genre d’occasion que ses prédécesseurs avaient négocié avec Vinci une “servitude de passage” sur le terrain, à raison de quelques jours par an. Une clause qui n’avait pas été activée lors des deux éditions qui ont suivi, en 2018 et 2019. “Manifestement ce sera compliqué, encore que l’on peut y réfléchir”, nuance l’élu. Au mieux, Jean-Marc Coppola défend une “acceptabilité permanente” pour le futur, pour laquelle tout serait encore à définir. Il en cerne lui-même les potentielles limites. “Il faut que l’on pense la fréquentation, en réfléchissant aux gens qui y habitent [dans l’immeuble de Vinci]. Je reste prudent, suivant ce que l’on veut faire cela voudra dire de nouveaux travaux. Et qui dit nouveaux travaux dit nouvelles fouilles archéologiques…”
D’un point de vue des choix culturels à un niveau plus global, Jean-Marc Coppola affirme qu’il y aura des “arbitrages à faire”. Ceux-ci seront avant tout financiers. Pour l’heure, s’il est prématuré d’évaluer le montant nécessaire à la réalisation de chaque scénario, l’adjoint assure que la Ville contribuera. Mais tout dépendra de l’engagement financier des autres partenaires. Sur ce point, Jean-Marc Coppola souhaite que les autres collectivités – région, département, métropole – contribuent.
Les “arbitrages” porteront aussi en regard des autres domaines de sa délégation. Il fait le constat que les mesures de confinement et de distanciation physique mettent en péril beaucoup de structures culturelles, auxquelles il souhaite donc apporter un soutien spécifique. Sans oublier les engagements du Printemps marseillais pour résorber l’indignité des écoles et des logements. “On ne va pas non plus faire au détriment des urgences, même si l’on ne néglige pas la culture”, cadre Jean-Marc Coppola.
Pour l’heure, les défenseurs de la Corderie se montrent bienveillants avec la nouvelle majorité. Mais le temps presse. “Pour que la pierre ne soit pas trop détériorée, il ne faut pas un hiver de plus”, juge Sandrine Rolengo, correspondante de l’association Sites et monuments. Vous avez dit urgence.
Marseille toujours sans direction de l’archéologieMalgré son patrimoine multimillénaire, la Ville de Marseille ne dispose pas d’une direction de l’archéologie, qui emploierait ses propres scientifiques et établirait ses propres priorités. Alors que d’autres villes importantes du département en ont une, comme Aix, la nouvelle majorité issue du Printemps marseillais pourrait-elle en créer une ? “Ça peut faire partie des réflexions, répond l’adjoint à la culture Jean-Marc Coppola. Mais à ce jour je ne sais pas s’il en faut une ou pas. En terme d’efficacité, difficile de le faire sans alourdir l’administration et les finances au regard d’autres urgences pour lesquelles les services sont fragiles, comme l’habitat indigne.”
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
La ville a déjà un pôle archéologique rattaché au musée d Histoire mais il n’est pas agréé pour faire des fouilles préventives.
Se connecter pour écrire un commentaire.
la loi du 01 aout 2003 permet à l’aménageur de choisir l’entreprise publique ou privée qui fera les fouilles la Ville de Marseille à travers l’atelier du Patrimoine et ses archéologues est habilitée pour faire des fouilles préventives mais doit être choisie par l’Aménageur
Se connecter pour écrire un commentaire.
L’Atelier du Patrimoine n’existe plus depuis 2015. La division archéologie a perdu l’agrément pour des fouilles d’urgence mais non pour des fouilles programmées. Et un agrément peut de nouveau être demandé et octroyé si les conditions pour l’obtenir (autonomie budgétaire notamment moyens en personnels suffisants) sont remplis.
Se connecter pour écrire un commentaire.
La municipalité n’aurait jamais dû donner le permis de construire à cet endroit. Cela aurait fait un magnifique site à découvrir tout en assurant sa protection.
Qui plus est, la vue depuis les fenêtres de l’immeuble n’est pas “à couper le souffle”, loin de là. Devant les yeux : de la rocaille (qui fait penser à une mine à ciel ouvert abandonnée) fermée d’un grand mur… Quel gâchis…
Se connecter pour écrire un commentaire.
sauf erreur de ma part le terrain appartenait à la ville ( boulodrome) la zone étant constructible elle a vendu un terrain constructible donc difficile de refuser le permis après avoir encaissé l’argent
Se connecter pour écrire un commentaire.
bien sûr, il n’aurait jamais fallu vendre cet espace de respiration et de détente
mais pour l’ancienne municipalité, il fallait tout bétonner
Se connecter pour écrire un commentaire.
Les archéologues de l’ancien atelier du patrimoine font parti du pôle archéologique rattaché au musée. Ce service municipal a perdu son agrément depuis plusieurs années et ne l a pas redemandé.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Il y avait auparavant à Marseille un service d’archéologie avec des archéologues municipaux. Il depandait de l’Atelier du Patrimoine sous la direction de Daniel Drocourt, aujourd’hui décédé
Ce service a été dissous. Il y a bien une section Patrimoine à la direction générale des bâtiments communaux, avec des archis qui peuvent faire du bon travail si on leur en donne les moyens, mais plus d’archéologues!
Il paraît que JC Gaudin était prof d’histoire dans sa jeunesse . Il a dû oublier.
Charge à la nouvelle municipalité de rattraper le temps perdu, comme en beaucoup de domaines…
Se connecter pour écrire un commentaire.
Prof d’histoires et pas prof d’Histoire.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Franchement, je trouve que c’est hachement important ! Prioritaire ???
Se connecter pour écrire un commentaire.
Vous avez raison, avec Gaudin /Vassal rien n’était prioritaire et notamment l’école, les transports, la propreté. Lors de fouilles à la place Jules Verne le mur de l’un des premiers quais de Marseille avait ete découvert et enfoui, cela.
n’était pas prioritaire non plus
En
Se connecter pour écrire un commentaire.
Puisse que l’immeuble est habité, ne peut on pas (obliger) réunir aussi le syndic de l’immeuble?
Au fait Tian est-il habitant de cet immeuble?
Se connecter pour écrire un commentaire.
Vous avez raison, avec Gaudin /Vassal rien n’était prioritaire et notamment l’école, les transports, la propreté. Lors de fouilles à la place Jules Verne le mur de l’un des premiers quais de Marseille avait ete découvert et enfoui, cela.
n’était pas prioritaire non plus
En revanche ce qui l’était c’était faire plaisir aux collègues.
Cette mairie va peut-être parler du patrimoine de cette ville plutôt que des élus qui ne se sont occupé s que du leur
Se connecter pour écrire un commentaire.
Faisons confiance à Michèle Rubirola. Il lui appartient maintenant de décider et d’utiliser son équipe dynamique pour changer notre ville qui a été malmenée et défigurée. Plus de vert et moins de béton. La ville verte doit le demeurer. Nord et Sud sont une même ville même si les promoteurs règnent en maître. A quand une architecture, un urbanisme préservant l’homme avant l’argent.
Se connecter pour écrire un commentaire.
En fait on peut protéger le site sans porter atteinte aux vestiges et sans être obligé de faire des fouilles supplémentaires comme le craint l’adjoint à la culture.
Il existe des solutions légères et peu coûteuses qui ont fait leur preuves.
Il reste à savoir ce que poursuit la municipalité comme objectif : préservation, mise en valeur, poursuite des fouilles, jardin, tout en même temps.
Dès lors on fait les propositions correspondantes.
Se connecter pour écrire un commentaire.