Derrière les barreaux, le scrutin n'a pas de voix

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par Hugo Lara
le 25 Avr 2012
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Derrière les barreaux, le scrutin n'a pas de voix
Derrière les barreaux, le scrutin n'a pas de voix

Derrière les barreaux, le scrutin n'a pas de voix

Au centre d'accueil de la maison d'arrêt des Baumettes qui assiste 30% des familles des détenus, une seule demande de procuration a été soutenue pour le premier tour de l'élection présidentielle, dimanche 22 avril. Quatre jours après le scrutin, l'association ignorait toujours si cette demande avait pu être acceptée.

La plupart des détenus jouissent encore de leur droit de vote contrairement à ce que l'on pourrait croire de prime abord. Une condamnation n’implique pas forcément une privation des droits civiques. Seules les peines pour manquement au devoir de probité ou atteinte à l’administration publique (soustraction, corruption ou détournement de biens) ôtent le droit de vote. En théorie, la grande majorité de la population carcérale peut donc prétendre à exprimer sa voix. Mais si les textes l’autorisent, les prisonniers doivent en réalité faire face à d’importants obstacles administratifs avant d’avoir accès aux urnes.

Les détenus connaissent mal leurs droits

En 2007, près de 2700 détenus des prisons nationales ont pu voter au second tour des présidentielles, et un peu plus de 1400 au deuxième round des législatives. L'abstention avait atteint environ 95% de cette population carcérale composée de plus de 50 000 Français.

Détachement social, absence d'information, mauvaises volontés; les causes de cette abstention record sont multiples. Dans la région, la participation des personnes incarcérées aux élections ne semble pas être une préoccupation majeure. L'administration pénitentiaire n'a pas souhaité dévoiler les chiffres locaux, et malgré notre insistance, ni la direction de la maison d'arrêt des Baumettes, ni l'adjoint au maire Daniel Sperling en charge des questions de citoyenneté, n'ont jugé opportun de donner suite à nos appels lancés en début de semaine.

Seule l'association Génépi (groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées) est venue en aide aux détenus dans leurs démarches. Camille Varin, la déléguée régionale de l'organisation estime à "5 ou 6" le nombre de prisonniers ayant probablement pu obtenir une permission de sortie dimanche 22. "L'administration pénitentiaire se contente d'afficher les modalités du vote, mais ça ne va pas plus loin" dénonce la responsable. L'association affirme avoir reçu deux demandes de procurations et 41 souhaits d'inscriptions sur les listes électorales des détenus de la maison d'arrêt de Salon-de-Provence, mais dit n'avoir "aucune visibilité" sur l'aboutissement de ces requêtes.

Se battre pour aller aux urnes

Dans les geôles, le flou est constant. Les prisonniers ne sont pas tous au courant qu'ils jouissent de leur droit de vote, ni des modalités qui leur permettent d'aller aux urnes. Et quand bien même l'inscription sur les listes électorales est validée, la démarche reste compliquée. "L'administration pénitentiaire refuse que les associations reçoivent les procurations de détenus" explique Camille Varin. S'il ne peut transmettre sa procuration à un proche, le condamné doit alors se rapprocher des partis politiques pour porter sa voix par l'intermédiaire du Génépi.

La solution ne serait-elle pas d'installer des bureaux de vote dans les maisons d'arrêt qui sont des établissements publics ? Le Génépi affirme avoir déposé des demandes auprès de la préfecture, conformément à la loi. Mais l'autorité les a refusées, prétextant vouloir conserver le secret de vote, qui imposerait l'installation d'un bureau pour au moins 300 inscrits. Un argument difficile à entendre quand on sait que les petits villages, très peu peuplés, conservent un bureau de vote. Quoiqu'il en soit, la préfecture préférerait privilégier les permissions de sortie, mais rares sont les prisonniers pouvant bénéficier de ce genre de faveur.

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Commentaires

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  1. Vers la réinsertion civique Vers la réinsertion civique

    Intéressant cet article ! J’ignorais que les détenus avaient le droit de vote. Soutenir ce droit pourrait être un vrai levier d’accompagnement vers la réinsertion sociale mais surtout civique.

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  2. GENEPI GENEPI

    Pour précision, des procurations du centre de détention de Salon de Provence ont finalement été faites auprès des visiteurs de prisons pour les détenus qui ne connaissaient personnes pour prendre leur procuration. Cette décision va à l’encontre d’une circulaire de l’administration pénitentiaire qui précisait que les personnes ayant accès à la détention ne pouvaient pas porter les procurations. Cela ne doit concerner cependant pas plus de 2 ou 3 personnes.

    Quant à la démarche faite pour demander des isoloirs, le problème du secret du vote n’était qu’un élément parmi d’autres évoqués par les préfets dans leur réponse.

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