Depuis trois ans, l’incinérateur brûle les euros par millions

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le 12 Déc 2013
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Depuis trois ans, l’incinérateur brûle les euros par millions
Depuis trois ans, l’incinérateur brûle les euros par millions

Depuis trois ans, l’incinérateur brûle les euros par millions

On pourrait penser que le sort s’acharne sur l’incinérateur de Fos-sur-Mer. Ou bien que son exploitant Everé fait preuve d’une gestion particulièrement hasardeuse. En tout cas, après l’incendie qui a ravagé une partie des installations début novembre, un rapport met en lumière les soucis industriels et financiers de la société. Ce document est présenté ce vendredi au conseil de la communauté urbaine, la collectivité qui lui a confié la gestion du traitement de ses déchets via une délégation du service public (DSP). Ce rapport fait notamment apparaître un déficit chronique de plus de 20 millions d’euros par an.

Cette somme hallucinante correspond à quasiment la moitié du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Une situation financière qui remet en question la pérennité de l’équipement puisqu’elle repose en partie sur des difficultés du process industriel.

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Première explication : comme l’avait déjà souligné Marsactu, les divers équipements (tri, méthanisation, valorisation énergétique) fonctionnent mal. Ainsi, le rapport relève que “sur 385 965 tonnes d’ordures ménagères résiduelles réceptionnées en 2011”, seulement 61% sont passées par l’étape du tri. Depuis, tout en s’en rapprochant progressivement pour l’année 2012, “ce pourcentage reste en deçà des 98,8% attendus par MPM dans le cadre de la DSP et des 90% fixés comme objectif par les services de l’Etat”.

Les déchets rentrent, pas l’argent

Autrement dit, Everé ne respecte pas ses obligations. “Par ailleurs, la valorisation matière est elle aussi, bien en dessous des tonnages correspondant aux objectifs de base.” Cela se ressent dans les comptes, puisque cette “valorisation matière” correspond à des métaux, plastiques ou verre qui sont censés être vendus après avoir été extraits des poubelles des habitants des 18 communes. Or, à côté de la contribution significative versée par Marseille Provence métropole (MPM) – près de 40 millions d’euros par an – l’installation a besoin de ces rentrées d’argent pour équilibrer ses comptes.

Les résultats ne sont pas meilleurs en ce qui concerne les mâchefers, ces résidus d’incinération qui peuvent notamment être réutilisés pour la construction de route : “10 642 tonnes de mâchefers ont été valorisés sur 72 305 tonnes produites”, note le rapport. L’année 2012 a été bien plus juteuse de ce point de vue avec 44 000 tonnes valorisées. La litanie des insuffisances se poursuit avec le compost – “81,39% n’ont pas été valorisés” – et le biogaz – “62% de la production annoncée dans le bilan matière [prévu en] 2007 dans la DSP”.

Le centre a aussi connu des incidents techniques récurrents, comme avec le groupe turbo-alternateur, qui permet de produire de l’électricité à partir de la chaleur dégagée par l’incinération. Endommagé en octobre 2012, il est à nouveau tombé en panne en février 2013, pour un impact financier qui se chiffre en millions d’euros.

“Croissance exponentielle des effectifs”

Mais d’autres éléments pourraient rentrer en ligne de compte, comme un nombre de salarié plus élevé qu’annoncé. Dans le compte prévisionnel 2012, “les effectifs étaient établis à 100 ETP [équivalent temps plein]. Ils atteignent au 31 décembre 2012 182 ETP. Le délégataire refuse de fournir la justification à la croissance exponentielle des effectifs”. Le délégataire, c’est-à-dire la société Everé, ne semble d’ailleurs pas d’une grande transparence vis-à-vis de son donneur d’ordre public. Elle a ainsi changé ses actionnaires – par un jeu interne au groupe espagnol Urbaser dont elle dépend – sans en référer à MPM, tout comme elle ne l’a pas averti de difficultés financières conséquentes. Cela vaut également pour les comptes, qui n’ont même pas pu être validés l’année dernière :

Le compte rendu financier du délégataire présenté pour l’exercice 2011 étant incomplet, il a été impossible de le soumettre à la validation du conseil de Communauté. Les informations manquantes concernaient l’état du personnel, le détail des provisions et des reprises “Gros Entretien et Réparations”, l’inventaire valorisé du patrimoine ainsi que la nature juridique des biens. Des pénalités sont appliquées jusqu’à délivrance des documents exigibles par le contrat.

C’est parce que le millésime 2012 s’est amélioré, même s’il “reste pour partie incomplet”, qu’il est présenté ce vendredi au conseil. Outre les résultats insuffisants, on y lit que “l’absence de respect du plan de renouvellement des matériels concédés porte un risque de vétusté aggravé”. Un timing on ne peut plus mauvais pour la société, dont le sérieux a été mis en doute après l’incendie, notamment par le maire de Fos. Sur ce point, elle a cependant indiqué mercredi soir qu’elle déposait plainte contre X pour incendie volontaire sur la base du rapport de l’expert mandaté par l’assurance.

Une nouvelle réclamation de 14 M€

On l’a dit, côté financier, les nuages sont tout aussi noirs. Après un déficit de 24,4 millions d’euros en 2011, la société a redressé la barre en 2012 à -4,6 M€. Mais cela “résulte non pas d’une amélioration de l’exploitation, mais de l’enregistrement en produits exceptionnels de 19M€ correspondant à un abandon de compte courant de la part des actionnaires”. En terme comptable, cela signifie que les actionnaires ont renoncé à se faire rembourser l’apport de cash qu’ils avaient pu faire par le passé. Ce renflouement par la maison-mère passé, l’année 2013 s’annonce de nouveau “très inquiétante” avec une perte estimée de 22 M€. MPM ajoute un peu de sel sur la plaie : “La fiabilité et la sincérité du compte d’exploitation prévisionnel 2013 ne sont pas assurées”.

Un signe que les relations entre la collectivité publique et son partenaire privé ne sont pas près de revenir au beau fixe. Ces dernières années, Everé a multiplié les demandes d’indemnisation : 107 millions d’euros en 2010 – dont 8,7 ont été réglés par MPM sur décision de justice, sans que l’affaire soit définitivement soldée – puis 43 millions en 2012. Un troisième recours a été déposé, apprend-on dans le rapport. Il s’agit d’une note de 14 M€ déposée en mars 2013 devant le tribunal administratif. A ce compte-là, on vous fait grâce du détail des 3 millions réclamés à divers moments. Si la délibération proposée au vote se contente de “prendre acte” du rapport soumis par Evéré, nul doute que certains élus iront au-delà. Dans les rangs du groupe Europe Ecologie-Les Verts, on compte réclamer des sanctions à l’égard d’Everé, non sans souligner que “ce dossier miné” a été légué à l’exécutif de gauche par Jean-Claude Gaudin, président de la communauté urbaine jusqu’en 2008.

Le rapport de synthèse :

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Commentaires

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  1. loulouvert loulouvert

    Je ne comprend pas pourquoi la DSP n’est pas annulé car le délégataire ne respecte pas les termes du contrat. A moins que ce soit un sac de vipère et que le contrat a été baclé et est peu exigeant envers EVERE …
    Ca va faire tâche dans le rapport DD de MPM.
    Et en plus MPM apparait comme incapable de faire respecter des demandes normales et légitime …
    Encore un procès que B Candon gagnera sans trop de difficultés …
    Ou alors on nous cache tout !!

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  2. JL41 JL41

    On est des champions pour brûler les millions, l’incinérateur sur terre et la SNCM en mer. On peut ajouter le Vélodrome et la L2 pour les dettes à long terme.

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  3. anonyme anonyme

    Tout ca est scandaleux. Que fait MPM? Pourquoi Caselli n’exige pas plus de transparence et de suivi dans la gestion de son délégataire? Pourquoi a-t-on laissé faire? A ce rythme, quelle va être la situation dans 3 ou 5 ans? le laisser-faire constaté depuis la mise en service de l’incinérateur ( 3 ans!) est scandaleux et immoral. Caselli portera une responsabilité lourde dans la gestion de ce dossier et dans son manque d’autorité et d’exigence envers son délégataire. Au regard de ce que vous dites, aujourd’hui la situation semble irrécupérable. quelle honte!

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  4. Anonyme Anonyme

    C est de l irresponsabilité pure! Qu est ce qu on fait si éveré met la clé sous la porte? Comment on traite les déchets? Qui va payer l ardoise? On se prepare encore un beau scandale. Qu on mette tous ces imcompétents dehors une bonne fois pour toute.

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  5. Anonyme Anonyme

    L’incinérateur est une méthode dépassée et les possibilités beaucoup plus en ligne avec les contraintes environnementales et économiques sont disponibles. Pendant une décennie, les Marseillais ont – en vain – tenté de trouver sur leur territoire un site d’implantation d’une unité d’incinération des ordures ménagères. C’est alors que leur maire – à l’époque aussi président (UMP) de la Communauté urbaine -, Jean-Claude Gaudin, a eu une idée : puisque les Marseillais ne voulaient pas d’incinérateur sous leurs fenêtres, il n’y avait qu’à en construire un hors de leur vue !Ce qui fut fait : propriétaire de la gigantesque zone industrielle de Fos-sur-Mer, le Port autonome de Marseille (PAM) était tout disposé à céder un terrain à MPM pour que celle-ci puisse y implanter son incinérateur… à 60 km du Vieux Port. Il a fallu renoncer à une vente, car la commune de Fos aurait pu faire jouer son droit de préemption. C’est donc un bail à construction d’une durée de soixante-dix ans qui a été conclu, en 2005
    Le traitement des déchets est un problème complexe et pluridisciplinaire dont la gestion par MPM accuse uns sérieux retard. Et que dire des conditions financières te le montant des investissements. Incroyable. Crédit-bail – cette usine sera payée trois fois. De plus, les paramètres techniques de fonctionnement promis par Urbaser n’ont pas été atteints. Un jour il faudra faire des comptes et désigner le responsable. Voici une preuve de plus que ce genre de choix ne doit pas être confier aux amateurs.

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  6. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Une autre question à laquelle il faudrait répondre : comment l’exploitant de l’incinérateur parvient-il à perdre autant d’argent alors que le coût d’élimination des ordures facturé aux Marseillais est l’un des plus élevés en France ? Deux fois plus élevé qu’à Lyon… : http://www.lefigaro.fr/impots/2011/10/20/05003-20111020ARTFIG00591-cout-des-ordures-menageres-de-fortes-disparites-locales.php

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  7. MJB13 MJB13

    MPM et l’exploitant de l’incinérateur ne remplissent pas leurs missions
    Il est grand temps de passer à la réquisition citoyenne

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  8. MG MG

    On vous avait pourtant prévenu !!!
    On vous l’avait dit que cette usine maudite allait vous coûter très cher, mais vous n’avez pas voulu écouter les voix de la raison !! Vous n’avez pas voulu assumer vos propres déchets, vous avez préféré vous en débarrasser chez vos voisins, et maintenant que le contrat est signé (pour 20 ans renouvelables !), et blindé de garanties pour l’industriel, (merci Gaudin et Caselli), vous n’avez pas fini de payer !!! Encore une exemple de gabegie marseillaise qui justifie une fois de plus que la métropole ne doit pas se faire…

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  9. zaqsa zaqsa

    Un enfumage de première classe !!!Jusqu’à quand les autorités compétentes vont-elles tolérer ce détournement avéré de fonds publics….

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  10. MG MG

    On vous avait pourtant prévenu, mais vous avez préféré ne pas écouter les voix de la raison !! Vous avez refusé d’ASSUMER vos poubelles en les déversant chez vos voisins, et maintenant que le contrat est signé et blindé de garanties pour l’industriel, vous en avez pour 20 ans (renouvelables) de factures !…
    Une preuve de plus de la gabegie marseillaise qui ne doit surtout pas être étendu aux autres collectivités !!!

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  11. Anonyme Anonyme

    Comme d’habitude on s’achemine vers la nationalisation des pertes faute d’avoir été capable de privatiser les profits avec ce système pourri qu’est le partenariat public privé Tant que certains “spécialistes des ordures” (dans tous les sens du terme n’auront pas couché aux Baumettes puis à Luynes il n’y a pas de raison pour que la gabegie cesse

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  12. Anonyme Anonyme

    MPM n’est pas clair dans l’affaire.

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  13. Anonyme Anonyme

    Et, Qu’est-ce qu’il fait MPM?

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