Déchets : le conseil général veut des quotas d'importation
Pour beaucoup, il a déjà un mérite principal : celui d'exister. À la fin du mois, le conseil général soumettra à enquête publique son projet de "plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux" (PPGDND). Ce document est censé dessiner des objectifs et une politique jusqu'en 2026, avec un point d'étape en 2020. Si le conseil général n'aura ensuite aucune compétence en la matière, les collectivités comme le préfet seront tenus de respecter ses orientations. "On donne un cadre, on n'est pas là pour faire le gendarme", résume Michel Bourrelly, directeur adjoint de l'environnement au CG13.
Pour l'heure, ce cadre était absent, la faute à un pataquès politico-juridico-administratif. Une première mouture, concoctée par le préfet en 1999, est annulée par la justice en juin 2003. Rebelote avec la version adoptée par le conseil général en 2006. Celui-ci s'était saisi du dossier en vertu d'une loi de décentralisation, mais n'avait pas intégré l'incinérateur projeté par la communauté urbaine de Marseille et autorisé par le préfet. Or, un plan doit coordonner les politiques des collectivités, pas leur imposer des choix. Attaqué au tribunal administratif par Everé, l'exploitant de l'incinérateur de Fos-sur-Mer, le document tombe en octobre 2007.
Un an plus tard, les élections municipales passées, le préfet se saisit de la situation et demande au président du conseil général Jean-Noël Guérini de remettre l'ouvrage sur le métier, avec pour objectif d'aboutir en neuf mois. En apparence, le chantier est lancé dès le mois suivant. Mais il faut attendre avril 2009 pour que se mette seulement en place la commission consultative chargée de son élaboration. La première réunion présidée par le maire de Vitrolles et conseiller général Loïc Gachon (PS) a lieu en… juillet 2012. Contacté en 2011, un des membres de cette commission parlait de "sommeil relatif". En janvier 2013, en aparté, le préfet Parant avouait être dans le brouillard quant à l'avancée de son élaboration.
En catimini et a minima
Pour expliquer ce blanc de trois ans, Michel Bourrely le Grenelle de l'environnement. "Début 2010, le bureau d'étude que nous avions mandaté nous a demandé l'interruption de la mission. Au moment où on se relançait doucement avec un état des lieux basé sur des données 2007, le Grenelle imposait de nouvelles méthodes de calcul. Par ailleurs, nous avions du mal à récupérer les projets des intercommunalités. Nous sommes repartis en janvier 2012 avec des données 2010 et en demandant l'aide du préfet qui a écrit aux intercos." On pourrait aussi citer l'incertitude autour du démarrage de l'incinérateur, qui a finalement eu lieu en novembre 2010, et les affaires judiciaires entourant les déchets…
Après un travail en catimini – les conseillers généraux l'ont même adopté en commission permanente, qui se tient à huis clos – le document sort enfin au grand jour pour un mois d'enquête publique. Au final, ce long processus aura accouché d'un plan "pas flamboyant mais dans les clous du Grenelle et des directives européennes", commente Jean Gonella, de l'association Fare Sud, qui l'a approuvé en commission. "Ce plan acte l'existence de l'incinérateur, il ne peut pas faire autrement", ajoute cet opposant de longue date qui insiste cependant sur "l'absence de base juridique" qui entoure désormais l'installation. Pour le reste, hormis quelques prolongations d'exploitation de décharge, le plan se contente de prendre acte des projets de réouverture de la décharge du Mentaure et d'un centre de "tri-mécano-biologique" sur le territoire du SAN Ouest Provence. Projet qui, si l'on en croit le président de l'intercommunalité René Raimondi (divers gauche), est au point mort.
On est loin de la politique de rupture prônée par le plan de 2006, avec une division par deux des tonnages envoyés à la décharge grâce à quatre unités de tri-méthanisation-compostage. "On a fait un plan qui tient aussi compte de la réalité. Nous sommes un département qui part de loin, il va falloir le faire. Cette technique du petit pas n'est pas si mal que ça", avance Michel Bourrely. Mais face à des objectifs limités (en 2026 les Bouches-du-Rhône rattraperaient les performances nationales de 2010), les services de l'État ont d'ores et déjà demandé de prévoir une révision à la hausse dès 2020.
Cadrer les importations de déchets
En commission, Loïc Gachon a donné une autre explication à cet aspect timoré : "Si ce Plan n’est pas ambitieux, il n’est que le reflet des politiques des EPCI [établissements publics de coopération intercommunale, ndlr] qui peuvent être considérées comme insuffisamment ambitieuses. (…) C’est à ces collectivités de prendre en compte des objectifs, d’être performantes, de faire des propositions innovantes en matière de traitement, d’élimination, de recyclage des déchets non dangereux. Le Plan ne peut que prendre acte des politiques que ces EPCI mettent en place, choisissent, délibèrent. C’est la position qui a été prise par le Conseil Général par sécurité juridique."
Cette prudence, échaudée par les annulations précédentes vient "des importations de déchets ménagers venues des Alpes-Maritimes, du Var, de Corse, qui viennent non seulement aggraver le trafic routier aujourd’hui mais également obérer les capacités de stockage pour les besoins du Département sur le moyen et le long terme. Seul le Plan peut permettre d’apporter un cadre contraignant pour tout le monde, y compris pour le Préfet qui donne des autorisations. C’est la raison principale pour laquelle le Conseil Général a souhaité accélérer la mise en place d’un Plan le plus pragmatique et administratif possible."
Environ 250 000 tonnes ont été importées en 2008, 2009 et 2010, soit la capacité de la plus grosse décharge du département (Septèmes-les-Vallons). Réalisé en 2011, ce décompte a motivé un arrêté du préfet conditionnant ces transferts à l'autorisation d'une commission de suivi. Par ailleurs, il prévoyait à partir de l'année prochaine que les décharges ne pourraient pas accueillir plus de 25% du tonnage total provenant d'autres départements. "C'est parce qu'il n'y avait pas de plan que cet arrêté a dû être pris", illustre Michel Bourrely.
Or, le maire de Septèmes André Molino (PCF) goûte très peu les ballets de camions venus des Alpes-Maritimes ou du Var qui passent dans sa commune. Celui de Fos, René Raimondi (divers gauche) est déjà énervé par les trains de Marseille qui débouchent dans la sienne. Largement soutenue dans la commission consultative, la politique préconisée par le plan du conseil général est donc bien plus restrictive avec l'importation de déchets. Le document évoque ainsi "un ajustement annuel progressif des capacités de stockage et d’incinération" qui ne laisse que peu de place aux déchets extérieurs une fois les besoins du territoire couverts. Aucun chiffre précis n'est avancé mais si on en croit le graphique ci-dessous (en bleu hachuré), cela représenterait moins de 100 000 tonnes pas an.
Dans cette optique, les quatre décharges (Aix-en-Provence, Septèmes-les-Vallons, La Fare-les-Oliviers, Les Pennes-Mirabeau) qui devaient être remplies en 2022 pourraient tenir quatre ans de plus. Reste à savoir si ce graphique fera foi. "Toutes les intercommunalités et le préfet devront en tenir compte", assure Michel Bourrely. Mais du côté de Jean Gonella, on s'inquiétait déjà en commission d'"arrêtés exceptionnels ou provisoires mais qui – en fait – durent" pouvant être pris "sous la pression des Alpes-Maritimes". "J'attends de voir", confirme René Raimondi, pour le préfet de région a souvent l'ascendant sur le préfet du département, même s'il s'agit du même homme.
L'état des lieux brossé par le représentant du ministère de l'Écologie n'avait pas de quoi rassurer : il parlait pour ce département d'un retour "dans les meilleurs délais en situation plus favorable, probablement à l’horizon 2017". Les Bouches-du-Rhône n'échapperont pour autant pas à une autocritique. Les services du ministère de l'Écologie pointent notamment la mauvaise connaissance de ses déchets issus des entreprises, du BTP ou des bio-déchets, qui "semblent jouer un rôle significatif dans les mauvais ratios du département". Les premiers sont censés passer par des filières spécifiques et non être pris en charge par la collectivité, tandis que les seconds n'ont rien à faire en décharge. Pas plus que les déchets des Cannois.
Commentaires
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…Enième demonstration de l’incurie française, TOUS DES NULS, que ce soit les politiques ou les bureaucrates (qui sont souvent les mêmes, alternant de gamelle au gré des élections) : on vote des lois pour faire les barbots alors même que sur le terrain la filière économique est inexistante…Et après on s’étonne que tout celà fasse le miel des affairistes et autres lobbys…(Sans même parler des élus qui confient à leur famille la gestion des décharges, comme à Naples, il suffit de songer à l’exemple d’ECO-EMBALLAGE, censé favoriser le tri et le recyclage, et qui est en fait un regroupement de fabricants d’emballages, on comprend pourquoi le bouzin n’avance pas…conflit d’intérêts, vous avez dit conflit ? Comme c’est étrange…)
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Si l’ on ne veut plus de déchets d’autres départements dans le 13 ou en limiter les tonnages il faut aussi trouver une solution pour les déchets toxiques qui vont à Bellegarde dans le Gard car notre département n ‘a pas de site classé pour ce type de déchets.
Il faut aussi demander et accepter des industriels investisseurs pour créer des papeteries, des usines de valorisation pour les bois, et de régénération pour les plastiques issus du tri des déchets ménagers.
Notre département exporte tout çà messieurs du CG.
Le 13 est loin d’être autonome dans le domaine.
Certains centres de tri chez nous commence à savoir faire “du C.S.R” (combustible solide de récupération) avec des déchets, il vient(ce CSR) en substitution d’énergie fossile dans les fours industriels, il va falloir trouver des débuchés départementaux pour ce nouveau produit valorisé et pour rester cohérents et courageux. Car il faut du courage pour dire aux voisins:
“là on va bruler du CSR et remplacer ainsi du pétrole ou de la cooke”
le décharge n’est plus et de loin le seul axe de traitement final pour les déchets.
Il existe chez nous(chez nous dans le 13) bien d’autres solutions,elles sont appliquées pragmatiquement en respectant les équations économiques et de distances.
Arrêtez de polluer les esprits avec les décharges et facilitez le reste.
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Vous me direz… Ça sera toujours mieux que la station de déchet “Alexandre” qui jetait les déchets triés dans une seule et même benne !
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Ce Plan “a minima” illustre la gestion catastrophique des déchets, non seulement dans notre département, mais dans la région toute entière !
– D’un coté, les habitants du 06, par exemple, qui ne supportent plus la décharge de la Glacière à Villeneuve-Loubet (voir le film Supertrash pour les images choc), qui la font fermer, mais qui ne font RIEN pour trier/réduire le contenu de leurs poubelles, qui finissent à Septèmes, ce qui ne les offusque en rien ! Tout l’art du syndrôme NIMBY sous couvert d’écologie, ou justifier le fait de prendre le territoire des voisins pour une poubelle (l’incinérateur des marseillais à Fos, par exemple…)
Quand les habitants de PACA accepteront-ils enfin d’assumer LEURS poubelles sur LEUR territoire ??
– Bien que ce soit une obligation légale, le fait d’acter l’existence de l’incinérateur des marseillais à Fos, justement, implanté ILLEGALEMENT (merci à la justice française pour avoir mis plus de 10 ans pour trancher la question !) dans une zone où l’on respirait déjà l’air le plus pollué de France, est un scandale à part entière, une capitulation de nos élus devant le fait accompli… N’attendons pas que la population marseillaise, déjà la plus incivique du monde, modifie un tant soit peu ses comportements pour favoriser le tri et la réduction à la source si le site de traitement se trouve à 50km de leurs fenêtres (la plupart ne savent même pas où finissent leurs déchets !). Même crainte pour les populations du golfe de Fos, qui ne comprendront pas pourquoi trier/réduire si c’est pour in fine s’en prendre plein les poumons avec les fumées d’incinération issues des poubelles marseillaises !!
– La prolongation des décharges semble constituer une fuite en avant vers un mur qu’on ne pourra pas indéfiniment reculer. La réduction des apports est impérative pour espérer une gestion plus durable dans un département lanterne rouge nationale dans ce domaine !
@Anonyme : quelques observations :
– la décharge de Bellegarde est à ma connaissance le SEUL site d’enfouissement pour déchets toxiques du sud de la France, et c’est là-bas que finissent entre autres les cendres toxiques (mâchefers et refioms) de l’incinérateur des marseillais ! Et la seule solution pour ne plus déverser nos déchets toxiques (ceux-là ou d’autres) de l’autre coté du Rhône passe donc par une fermeture pure et simple de l’incinérateur…
– “Il faut aussi demander et accepter des industriels investisseurs pour créer des papeteries, des usines de valorisation pour les bois, et de régénération pour les plastiques issus du tri des déchets ménagers.”… Mais pour cela, il faudrait déjà que les gens TRIENT, justement ! Il y avait les papeteries Etienne en Arles qui faisaient du recyclage à hauteur de 200 kt/an, mais faute de gisement local correctement trié, elle a du fermer ses portes ! Pourtant, la filière tri/recyclage pourrait créer au moins 2000 emplois dans le département (soit un emploi pour 1000 habitants qui trient !)… Mais à la place, les élus marseillais n’ont pas voulu combattre l’incivisme de leurs électeurs et “déplacer” le problème constitué par la décharge de la Crau, sous la forme de deux fours à poubelles à Fos/Mer (pour un total de 150 emplois !)…
– Quant aux CSR, c’est le même problème : rien n’est possible sans tri ! Car là aussi la filière aval est en passe de voir le jour : la future centrale biomasse de Meyreuil !
Pour info, j’ai “dépassé” depuis un moment le simple geste du tri pour adopter un comportement “anti-gaspillage” via la réduction à la source ! Ma production perso de déchets ménagers est actuellement de 100 kg/an, dont les 2/3 partent au tri sélectif ! Si tous les habitants du 13 suivaient cette conduite ne répondant qu’au bon sens de nos anciens, nous n’aurions plus que 70 000 t/an de déchets résiduels à prendre en charge sur tout le département, soit la capacité de la plus petite de nos décharges !!!
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Dans mon quartier, en haut du vallon des Auffes, nous avions des poubelles pour le tri qui ont brûlé il y a des lustres et qui n’ont toujours pas été remplacées…Le plan B pour les trieurs, c’est d’autres poubelles de tri, bd Cieussa, près du Super-U et du jeu de boules. Le problème, c’est que la poubelle papiers-plastiques est très souvent pleine. Impossible même d’y mettre une feuille de papier à cigarette ! ça déborde bien, bien. Nous sommes souvent plusieurs trieuses (pas plus tard que hier) à constater cet état de fait navrant. Difficile d’abandonner ses papiers-plastiques en bas de la poubelle ad hoc, alors que la météo a prévu un gros mistral. Il n’y a plus qu’à les rapporter chez soi… Alors, ne mettons pas les problèmes sur le dos des Marseillais-es qui ne seraient pas de bon-ne-s citoyen-ne-s…Le laisser-aller vient de nos édiles et des entreprises qu’ils ne contrôlent pas, pas des citoyens ! Papy Gaudin, en tant que citoyen d’honneur de FO, Teissier, Bernasconi et autres Guérinis devraient donner l’exemple en apprenant à balayer devant leurs propres portes !
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cher MG,
le premier problème c est de s’assumer, assumer son rythme de vie et donc ses déchets.
en suite il faut assumer de voir une décharge dans son village, sa ville ou son paysage pour traiter sa propre production d ordures.
Si ce n’est pas une décharge ou un incinérateur c est un centre de tri avec ses envols, ses odeurs, sa circulation (double, celle qui est issue des livraisons de déchets et celles qui est issue des expéditions des matières triées).
Dans tous les cas il est temps que l’état impose et que le politique assume notre manière de vivre et de consommer.
Il faut du courage et en suite du bon sens.
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