Dans ses bastions au bord de l’étang de Berre, le RN tente de réveiller ses électeurs

Reportage
le 24 Juin 2021
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À Rognac et à Vitrolles, Marsactu a suivi des candidats qualifiés pour le second tour des élections régionales et départementales dimanche, entre crainte du rejet de leur parti et mobilisation tous azimuts.

Laurence Lamarque et Philippe Sanchez, candidats RN, en campagne à Vitrolles. Photo JML
Laurence Lamarque et Philippe Sanchez, candidats RN, en campagne à Vitrolles. Photo JML

Laurence Lamarque et Philippe Sanchez, candidats RN, en campagne à Vitrolles. Photo JML

Pierre*, 73 ans, vit à Vitrolles depuis toujours ou presque. Depuis son pavillon provençal du quartier de la gare, ce petit village coupé du centre urbain et coincé entre l’autoroute A7 et l’étang de Berre, il observe la ville changer et pas forcément en bien. Il se dit d’extrême-droite depuis le 10 mai 1981 et l’élection de François Mitterrand, “quand j’ai compris que Mitterrand ne ferait rien”. Sous Bruno Mégret, l’ancien maire FN, il a soutenu l’édile et n’a “jamais eu à [se] plaindre” de son action. Une belle aubaine pour Philippe Sanchez et Laurence Lamarque, un binôme Rassemblement national aux départementales, qui frappent aux portes du quartier pour distribuer leur profession de foi ce mercredi matin.

Les deux candidats trouvent facilement à s’entendre avec le septuagénaire : ils évoquent les hectares gagnés par la zone industrielle qui jouxte désormais le lotissement, les incivilités grandissantes. Alors qu’ils s’éloignent, nous posons la question à Pierre de son vote dominical : “Je n’ai pas voté dimanche. Je ne suis plus d’accord avec rien, j’en ai ras-le-bol. Mais dimanche prochain, j’y vais. Quand je vois les résultats, je  me dis que les gens sont cons.”

Conseiller municipal du cru, aussi candidat aux régionales, Philippe Sanchez a choisi de tracter dans ce quartier traditionnellement favorable à son parti. “Il faut d’abord convaincre ceux qui votent pour nous”, assure-t-il. Si les scores restent bons autour de l’étang, le nombre d’électeurs qui se déplacent est faible, nuisant au résultat global du parti.

Dans son approche, il privilégie les départementales, qu’il juge “plus proche des réalités quotidiennes des gens”.Le département apporte de l’aide aux communes. Comme il y a eu une forte abstention, notre maire Loïc Gachon n’est pas au second tour. Il faut un Vitrollais pour nous représenter et que la commune soit bien traitée”, explique-t-il à travers les portails. Lui voudrait “faire de l’étang de Berre l’étang de Thau”, sa binôme aux départementales, Laurence Lamarque, insiste sur l’importance de la préservation et de la création d’emplois locaux.

“La flamme peut-être bloquante”

Dans leur discours, Thierry Mariani et leur parti sont en retrait. Philippe Sanchez, 15 ans de carte au FN puis au RN, s’excuserait presque de son appartenance partisane. À une voisine, salariée du département, qui discute volontiers avec les candidats, il lâche : “Je ne sais pas si c’est un avantage ou un inconvénient, on est ça !” En désignant le logo de son parti, sa main cache les visages de Thierry Mariani et Marine Le Pen. “Au deuxième tour les gens ont parfois peur”, lui répond-elle. “Nous on ne fait jamais d’alliance, si on n’est jamais passé, c’est qu’on a cette honnêteté”, tente de convaincre Laurence Lamarque, qui s’est engagée en politique dans la foulée de son mari, conseiller municipal d’opposition à Saint-Victoret.

Au portail suivant, Philippe Sanchez poursuit sur le même registre : “Le problème qu’on a, nous sommes soutenus par le Rassemblement national. Il y a le parti qui parfois est porteur mais la flamme peut être bloquante. Nous, c’est surtout local.” Et pourtant, face à un autre, il se presse pour défendre la municipalité Mégret, “un polytechnicien qui a un cerveau”, quand une critique émerge.

“Certains ne savent pas qu’il y a une élection”

“Cinq minutes pour aller voter, ça change la vie pendant six ans !” À quelques kilomètres de là, sur le marché de Rognac, l’ambiance est tout autre : Antoine Baudino, attaché parlementaire du sénateur Stéphane Ravier et candidat aux deux élections de dimanche, joue les bateleurs, “un truc pour vaincre la timidité”, glisse-t-il. Il a respecté “la demande de la police” de ne pas tracter sur le marché où l’on déambule encore masqué et reste donc à l’entrée. Le trentenaire a fait le choix inverse de Philippe Sanchez et Laurence Lamarque. Tout sur Mariani. “Nous on est là, ils nous voient, ça suffit !”, estime Marjorie Schneider, qui se présente à ses côtés aux départementales. La Rognacaise a vu avec plaisir 49 % des suffrages exprimés se porter sur son nom dimanche dernier dans sa commune.

Sur le marché, constate amèrement Antoine Baudino, “tout le monde a voté le week-end dernier”. Mariage, peur du Covid, passage à l’hôpital : il y a aussi ceux qui ont leur excuse. Ici, on a encore moins voté qu’ailleurs dans la région. Avec 71 % d’abstention, Rognac incarne ces communes favorables au RN où l’on a boudé les urnes. Alors Marjorie Schneider en rajoute : “Vous votez vous et vous faites venir vos amis”, insiste-t-elle. Le duo trouve un client avec Alain. Le retraité en a “marre de Macron, marre des islamistes”, il votera RN et repart avec quelques tracts “pour les glisser dans les boîtes aux lettres de mes voisins, certains ne savent pas qu’il y a une élection”.

Antoine Baudino sur le marché de Rognac. Photo JML

Carole*, elle, ne changera plus d’avis : il ne faut pas compter sur elle dimanche. Pour, elle la pandémie et le confinement ont servi de déclic. “Avec tout ce qu’on a passé ces deux dernières années, on se dit que ça vaut plus la peine. Ça fait trop longtemps que je ne vote plus pour quelqu’un mais contre quelqu’un.” “Je crois qu’elle ne vote pas pour nous”, commente Antoine Baudino. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à mobiliser : “Votez déjà, et si vous ne savez pas pour qui, votez pour nous !” L’après-midi, il se rendra dans un quartier de Velaux où l’affluence au bureau de vote serait bienvenue dimanche pour son camp. Avec 37 % des voix au premier tour, son binôme est le mieux placé hors de Marseille. En triangulaire en 2015, ses prédécesseurs l’avaient emporté. Une défaite dimanche serait une douche froide pour son parti.

*Les prénoms ont été changés.

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