Dans le sillage de Louis Fouché, la sphère complotiste candidate aux régionales

Capture d'écran vidéo Youtube.

Ils s’appellent Gilbert Chabrolles, Sylvie Lebre, Marylin Comte ou encore Jean-Marc Fortané. Tous, une cinquantaine au total, portent des noms inconnus ou presque dans la politique locale mais figurent actuellement sur une liste déposée dans les Bouches-du-Rhône pour les élections régionales. Avec leurs 84 homologues des autres départements de la région, ils sont les candidats du mouvement “Un nôtre monde”, qui revendique “des valeurs démocratiques, citoyennes, pour donner la parole à chacun, en dehors de tous partis politiques”. Ils prônent “la paix, la liberté, l’écologie et la transparence.” Tout un programme, porté notamment par le collectif Fédération citoyenne et étiqueté “listes divers” par le ministère de l’Intérieur. Mais derrière lequel se cachent des figures proches de la “complosphère”, voire de l’extrême droite.

Le mouvement Un nôtre monde a déposé des listes dans quatre régions : Grand Est, Bretagne, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. À l’origine de ce projet politique qui se veut national, on retrouve trois hommes. L’un d’entre eux a une notoriété locale et prend la lumière sur les plateaux télé depuis le début de la crise. Il s’agit de Louis Fouché, médecin anesthésiste à l’AP-HM dont Marsactu a tiré le portrait en janvier dernier.

Figures de la complosphère et d’extrême-droite

Des élections forcément truquées (…) Mais pour casser le système, il faut rentrer dedans.

Louis Fouché dans une vidéo

L’homme de 41 ans a notamment diffusé de nombreuses vidéos sur internet dans lesquelles il défend ses idées radicales, complotistes, et propage parfois des contre-vérités sur la crise sanitaire. Certaines comptabilisent des milliers de vues. Louis Fouché est également à l’initiative du site Réinfo Covid, qui regroupe selon lui un collectif de plusieurs centaines de personnes dans toute la France. Pour ce projet politique, il s’est associé à Hayssam Hoballah, “coach bien-être santé holistique”. Cet autre vidéaste complotiste, indique le journal l’Alsace qui s’est penché sur la liste Un nôtre monde dans le Grand Est, est un proche d’Éric Fiorile, figure de la comploshère qui a déjà appelé à des manifestations violentes pour renverser le gouvernement. Éric Fiorile a également été interpellé dans le cadre d’une enquête sur des groupes d’extrême-droite.

Hayssam Hoballah, lui, n’hésite pas a repartager sur ses réseaux des éléments issus du site relais de l’ultra-droite trumpiste et du mouvement QAnon QActus.fr. Mais ce dernier, comme Louis Fouché, ne figure sur aucune liste Un nôtre monde. Ils ne sont là, explique Louis Fouché dans une vidéo diffusée sur Youtube, que “pour fournir un support, un soutien, une aide” aux citoyens qui souhaiteraient prendre part à ce “jeu” que constituent les élections régionales. “Des élections forcément truquées, ajoute le médecin réanimateur qui endosse cette fois-ci le rôle de l’expert en politique. Mais pour casser le système, il faut rentrer dedans.”

Dans cette vidéo vue près de 28 000 fois, tous deux invitent donc les internautes à remplir un formulaire via un site spécialement conçu pour candidater sur ces “listes citoyennes”. Le choix des candidats devant ensuite être fait par tirage au sort.

Aux côtés de Louis Fouché et d’Hayssam Hoballah dans cette vidéo, on retrouve un certain Jean-Marc Fortané. Contrairement à ses comparses, lui figure sur une liste. En l’occurrence, celle déposée en PACA pour les Bouches-du-Rhône. L’homme n’est pas tête de liste mais a sûrement le plus grand rayonnement politique dans cette liste. En 2017, il s’est ainsi présenté aux élections législatives dans la circonscription de Châteaurenard, d’où il est originaire. Ce vétérinaire de formation est alors candidat sans étiquette et rassemble moins de 2 % des voix au premier tour. Pas de quoi le décourager pour viser la présidentielle avec la volonté de changer la France.

Un candidat à la présidentielle

Fervent défenseur de la démocratie participative, il organise en février 2017 “des rencontres entre les candidats déclarés à l’élection présidentielle” pour “éviter que des prétendants ne soient exclus des débats publics des grands médias”. Ses amitiés et ses interventions le classent très clairement à droite de l’échiquier. Parmi les autres organisateurs de ces débats en 2017, on retrouve Didier Bonneaud, maire de Saint-Étienne-des-Sorts (Gard) qui n’a pas hésité à négocier avec le Rassemblement national aux dernières élections municipales. Parmi les idées de Jean-Marc Fortané, on retrouve également des thèmes marqués à droite et à l’extrême-droite, notamment en terme de sécurité comme la restauration du service militaire. Mais aussi des discours qui virent facilement à la théorie du complot. “J’ai compris que des financiers occultes aux manettes de grosses entreprises multinationales ont pris tous les pouvoirs en installant à la tête du pays des marionnettes politiques et qu’ils manipulent l’opinion publique grâce à des médias qu’ils ont acheté”, écrit-il dans un billet de blog.

Finalement recalé pour manque de parrainages à la présidentielle, Jean-Marc Fortané se remet donc en selle pour les élections régionales. Contacté, ce dernier nous a redirigés vers des vidéos postées sur son compte Facebook où l’on peut le voir organiser le dépôt de la liste à Châteaurenard. Mais le candidat n’a pas accepté de répondre directement à nos questions. Immédiatement derrière lui sur la liste, il côtoie deux candidats à l’engagement d’apparence opposé. Il s’agit de Siham Touchani et Joseph Torres. Tous deux sont également candidats en binômes aux départementales dans un canton marseillais, dans les quartiers Nord, à l’origine avec le soutien du Parti pirate. Le parti aux valeurs plutôt issues de la gauche s’est finalement désolidarisé de ces candidatures. “Ces personnes […] ont fait un choix qui n’est pas dans la ligne de notre parti. Nous avons donc effectué un vote de retrait de soutien de ces deux cantons dès que nous avons eu connaissance de leur inscription sur cette liste pour les régionales”, écrit à Marsactu Florie Marie, chargée des relations publiques du Parti pirate.*

Silence radio et post Facebook

Comme dans les autres régions, la communication avec les candidats semble difficile, comme verrouillée.

Quant à Mikael Vincenzi, candidat tête de liste, nous n’avons pas pu l’interroger de vive voix. L’une de ses colistières (qui n’a pas non plus accepté de répondre à Marsactu) nous a transmis l’adresse mail de ce développeur web reconverti dans la naturopathie. Aucun retour à ce jour. Sans compter les dizaines de sollicitations lancées aux autres colistiers via les réseaux sociaux. Dans les autres régions, la communication des candidats des listes Un nôtre monde ne semble pas plus aisée. “Qu’en pense donc Jean-Philippe Golly [tête de liste dans le Grand Est, ndlr] ? Voilà, entre autres choses, ce qu’on aimerait bien savoir, s’il finit par rappeler”, écrit l’Alsace. “Contactés par Le Monde, les organisateurs n’ont pas apporté de réponses à ces questions, à l’heure où nous publions.”, peut-on encore lire dans un article du journal sur ces listes. Les vidéos, post et partages sur les réseaux de ces candidats sont donc les seuls éléments qui permettent de les cerner.

Ainsi, Marie-Claude Lainé, colistière dans les Bouches-du-Rhône, semble être une fervente défenseure du mouvement des Gilets jaunes. Opposée au test PCR, au vaccin et au masque elle est aussi fan du sociologue ultra réac Michel Maffesoli. Gilbert Chabrolles partage lui volontiers les posts d’Évolution citoyenne, un mouvement qui se veut “citoyen et ambitieux” mais qui porte surtout des idéaux proches de l’extrême-droite, comme sur les question d’immigration par exemple. Dans des vidéos diffusées sur ses réseaux, il va jusqu’à parler de “quatrième reich” au sujet de la situation de crise actuelle.

Célia Genefort, elle, habite Pélissane et est également naturopathe. Sur son compte Facebook, on peut voir des publications de Réaction 19, une “association qui met en œuvre des moyens juridiques dans les actions ayant un lien avec les mesures prises par les autorités françaises, de l’Union Européenne et du monde, pour lutter contre la “pandémie” de la COVID19.” Une association qui se veut clairement anti-vaccin, anti-test, anti-restrictions. Quant au programme porté par ces candidats sur les compétences du conseil régional ? Ou encore sur le financement ? Contacté, Louis Fouché, initiateur de ces listes a fait rappeler Marsactu par sa femme pour indiquer qu’il ne répondrait pas favorablement à notre demande d’interview. Nous n’avons donc pas pu poser ces questions et n’avons pas non plus trouvé de réponses sur les réseaux sociaux… Comme une nouvelle absence de réalisme.

*Précision sur la position du Parti pirate apportée le 26 mai à 11 h 15 nos excuses aux intéressés et à nos lecteurs