Dans le canton du 13e arrondissement de Marseille, le front républicain a cédé

Décryptage
le 30 Juin 2021
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Dimanche, le binôme de gauche a perdu son duel face au RN dans le canton de Marseille-6. Pourtant, dans l'élection régionale qui se déroulait en parallèle, Renaud Muselier a devancé Thierry Mariani. Ces scrutins miroirs, que nous avons décortiqués bureau par bureau, offrent un éclairage rare sur la porosité des électorats et les limites du front républicain.

Dans le canton du 13e arrondissement de Marseille, le front républicain a cédé
Dans le canton du 13e arrondissement de Marseille, le front républicain a cédé

Dans le canton du 13e arrondissement de Marseille, le front républicain a cédé

Le Rassemblement national est de retour dans le 13e arrondissement de Marseille. L’ex-maire de secteur Sandrine D’Angio associé à Cédric Dudieuzère a offert à son parti son seul canton dans les Bouches-du-Rhône. Une première depuis 1997 dans une victoire en duel. De législatives en cantonales et encore aux municipales de juin 2020, le RN s’est heurté à plusieurs reprises à un front républicain lors de ces face-à-face. En 2014, c’est à la faveur d’une triangulaire que le FN de Stéphane Ravier avait conquis les 13/14. Même chose à Berre, pour la dernière victoire aux cantonales en 2015.

La même année, dans le canton Marseille-6, il n’avait toutefois manqué que 101 voix au parti de Marine Le Pen pour battre Christophe Masse et Geneviève Tranchida. Cette fois-ci, dans ce même canton, Sandrine D’Angio et Cédric Dudieuzère devancent de près de 1000 voix le binôme de gauche qualifié pour le second tour, soit un score de 54 %. “C’est une preuve supplémentaire que le plafond de verre qu’on nous décrit, que le front républicain, peut céder. Une victoire en duel est toujours possible”, se félicite Franck Allisio, délégué départemental du RN.

Muselier bat Mariani dans le canton

Faut-il y voir une démobilisation de l’électorat de gauche face au retrait de Jean-Laurent Félizia aux régionales ? Sans doute en partie. Mais les résultats de cette élection parallèle permettent d’avancer une autre piste : le front républicain n’a pas joué à plein dans le canton Marseille-6. En effet, dans les 37 bureaux de vote qui le composent, la liste de Thierry Mariani (RN) est battue par celle de Renaud Muselier (LR). En toute logique, si l’ensemble des électeurs de cette dernière avaient également fait barrage au RN dans l’élection départementale, Hassen Hammou et Muriel Jardon auraient été élus.

Or, au moins 851 de ces voix ont fait défaut au binôme. Cet écart est d’autant plus notable qu’un autre s’observe en miroir chez les candidats du RN. Aux départementales, Sandrine D’Angio réussit l’exploit de faire 734 voix de plus que la liste Mariani… où son nom figurait pourtant en tête du bulletin. Difficile dès lors d’imaginer qu’un bataillon d’électeur RN ait fait le déplacement pour voter D’Angio aux départementales tout en refusant de voter D’Angio aux régionales.

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Pour y voir plus net, nous sommes descendus au niveau des bureaux de vote, pour voir si le paysage global était contredit par le détail. Voici par exemple les résultats dans un bureau du nord de l’arrondissement.

 

 

Des pertes pour Hammou/Jardon qui correspondent peu ou prou aux gains de D’Angio/Dudieuzère : ce schéma se reproduit sur la plupart des 37 bureaux, avec des pics à Château-Gombert et aux Olives.

“Cela fait six ans que le RN est sur ce terrain”

“Des digues ont sauté et ce n’est pas seulement moi qui le dis, on le constate dans les discours ambiants, réagit Hassen Hammou. La mairie de secteur, la droite l’a eue parce qu’on a pris nos responsabilités. Si leurs valeurs se trouvent chez Ravier, qu’ils le disent.” Du côté de la maire de secteur LR Marion Bareille, on met en avant un appel net à “faire barrage à l’extrême droite sur le canton 6”, des candidats Jean-Maurice Saal et Cécilia Roure-Scognamiglio comme d’elle-même. “Je suis entrée en politique pour me battre contre les extrêmes, insiste-t-elle. Mais les électeurs sont libres.”

Pour elle, “Sandrine D’Angio et Cédric Dudieuzère ont profité de la notoriété qu’ils ont eu à la mairie des 13/14, cela fait six ans qu’ils sont sur ce terrain. En arrivant, j’ai critiqué le fait qu’elle était focalisée sur le 13e, Château-Gombert et les noyaux villageois, et était absente sur le 14e. Les candidats de la gauche n’ont pas eu cette notoriété et ont pu subir un vote sanction d’électeurs déçus du Printemps marseillais, notamment vis-à-vis de l’élection de Benoît Payan.”

Colère contre l’ambiguïté de Masse

Quant à voter RN après avoir voté Rubirola, il semble y avoir un pas, moins ample lorsqu’on vient de la droite. Mais c’est surtout vers le sortant Christophe Masse, ancien socialiste bénéficiant de l’investiture LREM, qu’Hassen Hammou nourrit ses critiques. “Il n’a pas donné d’indication nette et précise. Quand on vient de la gauche, comment peut-on arriver à ne pas faire de déclaration claire face au RN ?”, peste-t-il.

Le communiqué publié le 20 juin au soir de sa défaite est effectivement loin d’un appel à faire gagner la gauche : “Nous demandons bien entendu à toutes et à tous de rester mobilisés pour dimanche prochain afin, avec d’autres, d’infléchir la courbe de l’abstention. (…) Votez dimanche prochain dans ce canton comme de partout ailleurs afin de vous faire entendre et ne rien regretter demain.”

Face aux multiples relances à gauche, cet héritier d’une famille socialiste se justifie quatre jours plus tard : “Évoquer une consigne de vote est un manque de respect envers les électeurs mais notre vote dimanche ne se portera évidemment pas sur le RN”, écrit-il. “Dans l’entre-deux tours, les électeurs de Masse ont été nombreux à nous dire qu’ils allaient voter pour nous”, assure a contrario Cédric Dudieuzère. Nous n’avons pas réussi à joindre l’ancien conseiller départemental dans le temps imparti à la publication de cet article.

L’histoire électorale fournit de nombreux indices de cette porosité entre électorats dans un contexte de duel entre le RN et la gauche. La double élection du canton 6 en est une illustration flagrante. “Je peux comprendre les gens qui votent RN parce qu’ils sont déçus. Notre travail à tous, c’est de leur montrer que ce n’est pas la solution, se battre pour changer ces quartiers et faire en sorte qu’on n’ait pas ces duels et ces fronts républicains à chaque élection”, avance Marion Bareille. En espérant pour elle qu’en cas de nouveau duel LR/RN les électeurs de gauche continuent de remplir leur part du front républicain.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Démonstration implacable. Merci pour ce travail minutieux.

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  2. Richard Mouren Richard Mouren

    https://twitter.com/C_Masse13/status/1406748122664030212/photo/1
    “Notre positionnement de sortants, de “Candidats du Territoire”, coincé entre l’extrème droite, la droite traditionnelle et la gauche plurielle, n’a pas pleinement réussi.” (sic)
    La lecture du communiqué de CM montre l’extrême ambiguïté de la posture politique de cet héritier dit de gauche qui aurait aimé recevoir l’investiture LREM aux dernières législatives.

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Ne rêvons pas : le front républicain est de plus en plus fissuré, entre les électeurs de gauche fatigués d’avoir à voter pour une droite qui, par ailleurs, les méprise, et les électeurs de droite de plus en plus nombreux à se voir des convergences avec le RN.

    Il va falloir trouver autre chose pour tenir les voyous d’extrême-droite à l’écart du pouvoir. Quelques pistes : arrêter de mentir, se préoccuper de la vie quotidienne des électeurs, cesser de ramener toutes les élections à une répétition de l’élection présidentielle, dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit, rendre des comptes régulièrement…

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    • MarsKaa MarsKaa

      Ah si seulement…
      je désespère qu’un jour émergent suffisamment de personnes prêtes à relever le défi de la politique (au sens noble) dans cet état d’esprit.

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  4. Danièle Jeammet Danièle Jeammet

    donc pour que la dite gauche gagne il faudrait que la droite extrême vote pour la dite gauche laquelle n’a pas su mobiliser ses électeurs . . C’est ce que ne dit pas l’article ….

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  5. barbapapa barbapapa

    L’analyse est fine, mais il manque l’essentiel à mon avis : c’est très dommage, c’est révoltant, mais dans ces quartiers, une partie non négligeable des électeurs n’est pas prête et est même hostile à élire un candidat pas très connu ou reconnu se prénommant Hassen

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  6. Alceste. Alceste.

    Cher 8e , ne soyez pas aussi sectaire en terme de voyoucratie, ,droite et gauches ne sont pas mal aussi. En revanche que l’idéologie FN soit détestable,tout à fait d’accord.

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  7. vékiya vékiya

    peut être que la gauche va arrêter ses conneries avec “le front républicain”. Ne souhaitant pas voter pour muselier et je ne me suis aussi pas déplacé pour le département. Muselier ne serait pas passé lors d’une triangulaire ?

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  8. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Avec de tels niveaux d’abstention toute analyse est vaine, je dis çà, je dis rien; 🙂

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