Dans l’Arbois, la maire de Cabriès déclare “la guerre” à Bouygues immobilier
Un projet immobilier en pleine garrigue crée le débat depuis plusieurs années à Cabriès. Alors que la nouvelle maire écologiste en a annulé le permis de construire, les terrains ont tout de même été défrichés par le propriétaire pendant les fêtes. Au milieu de bois classés et à proximité de lignes très haute tension, Bouygues immobilier prévoyait d'y installer une centaine de logements.
Le terrain défriché dans le quartier Saint-Victor à Cabriès. Sur la gauche, la garrigue intact sur un autre terrain. Photo : PID.
“Il n’y a pas de trêve des confiseurs avec eux.” Derrière son bureau de maire et son masque aux motifs fleuris, Amapola Ventron ne cache pas son exaspération et dénonce le défrichement de plusieurs hectares de garrigues réalisé durant les fêtes de fin d’année. Situé au sud de l’Arbois, entre un énorme transformateur électrique et le centre d’entraînement de la société hippique de Marseille, le terrain devait être urbanisé par un programme de Bouygues immobilier. Comme l’a raconté La Provence le 13 janvier, la maire a annulé le permis de construire cet été, après sa prise de fonction. Il avait été accordé par son prédécesseur le 13 mars 2020, soit deux jours avant le premier tour des municipales. Un précédent permis avait été annulé par la justice administrative, saisie par des riverains. Aujourd’hui, la décision d’Amapola Ventron fait l’objet d’une contestation par Bouygues devant la justice administrative et le dossier est donc en suspens.
Pourtant, les terrains viennent de subir d’importantes transformations. Une autorisation préfectorale de défrichement datant de 2016 a été affichée sur la clôture. Derrière celle-ci il ne reste plus aucun arbre, pas même un arbuste. Les plantes au sol ont également été broyées. “Ils ont passé le terrain au rabot”, grince Jean Sansone des associations Cabriès défense développement et Anticor 13, qui vit à un kilomètre de là. Initialement, 133 logements devaient y voir le jour sous forme d’immeubles d’un ou deux étages et de villas. La nouvelle municipalité refusant de céder un terrain, l’envergure a été réduite à une centaine de logements.
Je ne peux pas accepter de déséquilibrer la commune au profit d’intérêts financiers.
Amapola Ventron, maire (GE) de Cabriès.
Les parcelles sont la propriété de la SCI Malaya 290, société de la famille Ammar, connue pour ses affaires immobilières à Marseille. Une promesse de vente lie la SCI à Bouygues. “Je n’achèterai le terrain que si j’ai l’autorisation définitive pour faire les travaux”, affirme toutefois Patrick Alary le directeur général régional de Bouygues immobilier. En attendant il dispose d’un mandat pour les démarches administratives. De ce fait, l’autorisation de défrichement est au nom de Bouygues immobilier. Mais ce n’est pas le promoteur qui a fait venir les bucherons. “C’est le propriétaire qui l’a fait. Il ne m’a pas tenu informé”, soutient Patrick Alary. Contacté par le biais de son avocat, Alex Ammar, gestionnaire de la SCI n’a pas souhaité s’exprimer.
“On ne construit plus dans des modèles comme ça”
Le projet, fortement soutenu par l’ancien maire LR défait, Hervé Fabre-Aubrespy, a déjà plus d’une décennie. Contesté par plusieurs associations sur ses aspects environnementaux, il a fait partie des sujets sensibles de la campagne des dernières municipales. “J’avais trouvé complétement culotté de vouloir construire là. On était dans un cadre à l’environnement choyé”, considère la nouvelle maire Génération écologie. Alors qu’elle était encore candidate qualifiée pour le second tour, Amapola Ventron a été elle-même fondatrice d’un collectif intitulé “Sauvons le site de Saint-Victor”, du nom du quartier concerné.
La maire rappelle les risques sanitaires relatifs au champ magnétique des lignes à très haute tension (THT) présentes à proximité. “Je ne mettrais pas mes enfants là”, commente-t-elle. Entourés de vastes espaces appartenant au massif forestier de l’Arbois, les terrains en question devraient être eux-mêmes classés en zone naturelle dans les documents d’urbanisme, défend Amapola Ventron. “On ne construit plus dans des modèles comme ça, loin des deux villages de Cabriès et de Calas. Je ne peux pas accepter de déséquilibrer la commune au profit d’intérêts financiers”, poursuit-elle. Les services de l’État et des routes du département ont de leur côté rendu des avis défavorables au sujet de l’urbanisation en discontinuité et de l’accès routier.
Avec l’ancien maire ils étaient sûrs d’avoir leur permis. Mais les possibilités de recours sont intégrées dans leur plan.
Jean Sansone, association Cabriès défense développement.
Patrick Alary défend quant à lui l’utilité sociale de son projet. “Je ne comprends pas, alors que la commune est carencée en logements sociaux et que tous les ans elle paye une amende. Nous, on propose 30 % de logements sociaux”, détaille-t-il. En outre le projet prévoit “325 arbres”. “C’est un niveau de plantation qui naturalise l’opération”, affirme le directeur régional. Concernant les risques de la THT, il répond succinctement : “On a fait faire une étude par un cabinet spécialisé, il n’y en a pas.” L’agence régionale de santé avait pourtant alerté sur le même sujet.
Une nouvelle demande de permis a été déposée en décembre dernier. “Les services vont instruire, ils ont obligation de le faire”, indique la maire. Pour sa part, elle a écrit au préfet et fait un signalement au procureur concernant le défrichement. “On a des gens déterminés en face et qui n’ont pas de valeurs environnementales et humaines. La guerre commence, prévient Amapola Ventron. Le temps joue en ma faveur. C’est acté entre mes services et la métropole pour le futur PLUi [Plan local d’urbanisme intercommunal], dans un an et demi ça va redevenir zone naturelle. On ne pourra plus construire.”
Pour Jean Sansone, de longues procédures ne devraient pas décourager les promoteurs : “Avec Fabre-Aubrespy ils étaient sûrs d’avoir leur permis. Mais les possibilités de recours sont intégrées dans leur plan”, analyse-t-il. Le conflit autour de ce dossier promet bien des rebondissements.
Actualisation le 14 janvier : ajout de la référence à un article de La Provence à ce sujet.
Commentaires
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Sauf erreur, il s’agit de l’Opération d’Aménagement Programmé n°6 au PLU de 2017 (désignée par « Saint-Victor » car ces terres appartenaient à l’abbaye de St Victor à Marseille). Mme la Maire, il va être difficile de faire annuler un permis délivré par M. le Maire il y a plus de 3 mois (délai règlementaire).
On remarque quand même qu’on veut bien faire des logements sociaux mais le plus loin possible du reste (plus de 3 km du village). Coincés entre le poste source Edf, les chevaux et la ligne TGV, il y a peu de chance que la mixité sociale se produise (même Google n’y a pas mis ses caméras). C’est peut-être le seul argument qui pourrait convaincre un juge d’annuler le permis du 13 mars.
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3 jours avant l’élection municipale,
Fabre dAubespy a fait passer le permis… malgré tous les avis négatifs. Quel était donc son intérêt propre dans l’affaire ? aurait il bénéficier de qlqchose ?
( Vous le saurez dans la saison 12 de la série “Elus sous le soleil de Provence” …)
Quant à l’argument de Bouygues Immo sur l’habitat social, quel cynisme…
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Des fois on se dit que la résistance pendant 50 ans à Notre-Dame des Landes avait du bon. Si Bouygues Immobilier enfreint l’annulation du permis par la municipalité et rase le terrain, la municipalité n’a qu’a lui mettre un procès et les virer du terrain manu militari. Malheureusement la population n’a pas assez d’écolos comme à Notre Dame des Landes pour faire du sitting. C’est affligeant.
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La quoi? la densification urbaine? Non ça ne me dit rien…
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Indépendemment du permis de construire, comme les terrains n’appartiennent pas encore à Bouygues Immobilier, la maire ne peut-elle pas utiliser le droit de préemption pour bloquer le projet ? Soutien à la maire de Cabriès et honte sur les bétonneurs de garrigue. Quand à l’argument plus qu’éculé du logement social, ça commence à bien faire de prendre les gens pour des c… La loi SRU ne doit pas être utilisée comme prétexte pour autoriser n’importe quoi en matière de promotion immobilière.
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la mairie n’a pas intérêt à préempter un terrain à un prix exortbitant. Et peut être que les notaires avaient déjà purgé la DIA (qui permet la préemption). Non, ce qui aurait du être fait c’est le dépot d’un recours dans les 3 mois suivant la délivrance du permis ! l’article ne dit pas si ça a été fait !
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