Dans l'anse du Pharo, le Gyptis prend forme

Dans l'anse du Pharo, le Gyptis prend forme

Une odeur de bois fraîchement coupé, de pin d'Alep et de chêne. Installés temporairement dans les locaux d'une ancienne menuiserie à côté du chantier naval Borg, dans l'anse du Pharo, quatre menuisiers tiennent une longue planche qui doit se courber sous la chaleur. La technique date de l'Antiquité mais ils l'ont légèrement réinventée en utilisant des serviettes brûlantes pour éviter d'attendre des heures à la différence de nos ancêtres.

Derrière eux, on devine – grâce au rameau d'olivier qui l'orne – la proue du futur navire. Il s'agit d'un bateau de pêche d'une dizaine de mètres abandonné à l'endroit de l'actuelle place Jules Verne. Ses restes ont été découverts en 1993, ainsi que ceux d'un autre bateau – le Protis – plus grand qui donne son nom au projet. Lui aussi devait être reconstruit à l'identique mais faute de financement, ce n'est finalement que le plus petit qui renaîtra. Pour l'anecdote, les deux épaves font parties de celles qui posaient problème pour leur entrée au musée.

"Réapprendre leurs techniques"

Pour reproduire ce navire du VIe siècle avant JC, il a fallu étudier ce qu'il restait de l'épave pour reconstituer les plans. "Il nous a fallu réapprendre les techniques qu'ils ont utilisé à l'époque", explique Pierre Poveda, coordinateur du projet. En effet, le montage de la charpente met en oeuvre une technique spécifique qui n'est plus utilisée depuis des siècles en France mais qui l'est encore en Inde.

Sur l'épave du bateau à voile carrée et à rames, les chercheurs ont identifié les bois. "Nous essayons de travailler avec des matériaux locaux, détaille Pierre Poveda, le pin d'Alep et le chêne utilisés viennent de la forêt de Gémenos et de Cadarache". Le lin est également très présent, dans la voile mais aussi parce que certaines pièces en bois sont cousues entre elles et recouvertes d'un bourrelet. L'étanchéité sera assurée par une mélange de cire et de résine. "Sur les techniques, on triche un peu mais c'est pour gagner du temps", admet Pierre Poveda, bien que beaucoup de gestes des menuisiers soient les mêmes que ceux utilisés par leurs prédécesseurs de l'antiquité.

Objectif navigation en septembre

Après de nombreux essais de techniques sur de plus petites échelles, la construction du navire a commencé il y a deux semaines. Leur objectif est d'être prêt pour pouvoir participer à la grande parade maritime de Marseille Provence 2013 en septembre. Le projet a plusieurs casquettes puisqu'il vise à reproduire une certaine culture de la mer mais il s'agit aussi d'un projet archéologique mené par Aix-Marseille Université, le CNRS et le centre Camille Jullian. Pour le financement, c'est finalement la région qui l'assume au trois-quart, le reste étant apporté par la communauté urbaine.

Pour quelques jours encore, le chantier n'est pas accessible au public mais il le sera très prochainement. Une petite exposition retraçant l'historique du projet ainsi que les techniques utilisées a été imaginée pour accueillir le public mais aussi les scolaires qui pourront voir les menuisiers travailler. Pour ce qui est de la labellisation par Marseille Provence 2013, elle ne concerne que la partie navigation du projet. Car, comme le rappelle son coordinateur : "Le but c'est de le construire mais aussi de le voir naviguer, de comprendre comment il se comporte sur l'eau". De septembre à décembre, le Gyptis devrait donc naviguer fièrement dans la rade mais, en 2013, son odyssée sera cantonnée aux rivages du territoire de la capitale culturelle.