Crise dans la distribution de la presse : Marseille toujours sans papier
Depuis plusieurs mois, la majeure partie de la presse nationale n'est plus distribuée à Marseille. En cause, la faillite de la société locale de distribution de presse. Les anciens salariés soutenus par la CGT espèrent reprendre l'activité sous forme coopérative. Mais les kiosquiers ne voient pas d'issue au bras de fer engagé entre les salariés locaux et l'ancienne maison mère, reprise par des groupes de presse nationaux.
Crise dans la distribution de la presse : Marseille toujours sans papier
A côté des cartes postales et des souvenirs provençaux, des portants à demi-vides, chichement emplis de titres locaux et de quelques magazines. Le long de la Canebière, les étals des kiosques encore ouverts sont vides depuis plus de trois mois. Sur plus de 2500 titres, moins d’une trentaine sont désormais présents. Depuis mai dernier, les Marseillais sont privés des principaux titres nationaux de la presse quotidienne et magazine.
En cause, la faillite de l’entreprise de distribution locale de presse, la SAD. Cette filiale de Presstalis, principale messagerie de presse, n’a pas fait partie du plan de reprise du groupe porté par des quotidiens nationaux sous le nom de France messagerie. Dans la plupart des régions, des solutions ont été trouvées pour assurer la distribution, sauf à Marseille, où la filiale locale n’a pas été reprise.
Distribution bloquée
Dans ce contexte, plusieurs éditeurs ont tenté des distributions parallèles, sans franc succès. Les Messageries lyonnaises de presse, le deuxième acteur du secteur, acheminent sporadiquement quelques titres. Un certains nombres de distributions ont été bloquées par les ex salariés de la SAD, syndiqués CGT. Déjà fragilisés par la crise du coronavirus, les diffuseurs de presse en Provence Alpes Côte d’Azur n’ont toujours pas repris une activité normale. Le gouvernement vient d’annoncer une aide exceptionnelle pour les aider à tenir.
Richard, kiosquier depuis plus de 20 ans et installé sur la Canebière est las. “On a sauvé toute la France sauf Marseille, ça veut dire quoi, qu’on est rayé de la carte ? L’aide de 3000 euros de l’État c’est bien, mais en attendant j’ai toujours moins de 30% de remplissage ici et j’ai perdu plus de 25 % de mon chiffre d’affaires”. Pessimiste quant à une prochaine relance de l’activité, il envisage de se reconvertir. “L’année prochaine, en plus de la presse, je vendrai des boissons et des glaces. Ça ira pour moi, mais qui fera quelque chose pour les petites structures qui n’en ont pas les moyens ?”
“Beaucoup de clients ne reviennent plus”
L’histoire se répète dans le kiosque de l’angle de la Canebière et du Boulevard d’Athènes. Le marchand de journaux affirme avoir perdu 50% de son chiffre d’affaires : “La clientèle est toujours là mais il n’y a pas ce qu’il faut, alors beaucoup ne reviennent même plus. Je suis tout seul à travailler ici alors je reste ouvert mais même avec l’aide de l’État ce sera dur de s’en sortir”.
Excédés par un dialogue qui n’avance pas, les représentants du collectif des diffuseurs de presse ont adressé des courriers aux ministres de la culture et de l’économie, restés lettre morte. Porte-parole d’un collectif de diffuseurs de presse, Michel Brunet se fait le relais des revendications de ses confrères. Il demande, pétition à l’appui, “une exonération des charges patronales et salariales pour l’année 2020 ainsi qu’une participation de l’État aux commissions de l’année précédente”.
“Un grenelle de la presse”
D’ordinaire exclus des discussions, les diffuseurs appellent à une refonte du système de la distribution qui inclut le dernier maillon, les marchands de presse. “Il est temps qu’il y ait un Grenelle de la presse”, revendique Michel Brunet. Afin de faire remonter les revendications des kiosquiers au niveau national, une réunion du collectif est prévue ce jeudi avec la Préfecture des Bouches-du-Rhône. “Jamais la diffusion de presse n’avait été bloquée pendant si longtemps et sans espoir de reprise. La province a totalement été évincée de la reprise de Presstalis et le mouvement social de la CGT n’aide en rien”, rapporte Michel Brunet.
Depuis la liquidation des filiales locales de Presstalis, les salariés amenés par la CGT tentent de construire un projet de reprise via la création d’une société coopérative d’intérêt collectif. Mais le montage est long et suppose de négocier avec France Messagerie qui a pris la place de Presstalis et qui pourrait concurrencer la future société bâtie par les salariés. Eux aussi multiplient les réunions en préfecture pour tenter de sortir de l’impasse.
Conflits de zone
Malgré les critiques et le renvoi de balle incessant, Nicolas Guglielmacci, représentant de la CGT SAD se dit prêt à redémarrer “au plus vite” et rejette toute responsabilité. Une des raisons du blocage, le refus de France Messagerie de léguer à l’ex SAD les zones de distribution sur lesquelles elle rayonnait auparavant : Marseille, Fréjus, Toulon et Avignon. Les anciens salariés travaillent donc en parallèle sur deux plans de reprise avec deux zones différentes et un nombre de salariés adapté. Mais ce n’est pas le seul problème.
“Pour redémarrer et s’installer en SCIC, il nous faut des locaux, reprend le cégétiste. Or l’ex Presstalis doit beaucoup d’argent au propriétaire des locaux de l’ex SAD. Il est prêt à nous accorder un bail précaire jusqu’en janvier 2021, mais avec la garantie d’un accord durable avec France Messagerie. Le projet traîne car le distributeur refuse de s’engager”.
Un climat de tension
Depuis 1947 et la promulgation de la loi Bichet sur la distribution de presse écrite en France, une telle discontinuité n’avait jamais été observée dans la région. Pour la CGT, l’enjeu est aussi celui d’une distribution pluraliste des titres de presse qu’assurait la loi née des grands principes du conseil de la Résistance. Une dimension politique que les diffuseurs de presse sont loin de reprendre à leur compte.
“Depuis des mois, la CGT SAD bloque tout le système dans la région PACA pour s’organiser en SCIC, un projet qui n’avance d’ailleurs pas. Ils cherchent la confrontation avec tout le monde et ils l’ont. Quand on connaît la situation des collègues kiosquiers, ce n’est pas facile de dialoguer avec eux” se désole Michel Brunet, qui regrette ce qu’il estime être un manque de collaboration. Ce qu’il espère à terme, ce sont des concessions afin de faire repartir l’activité, “Leur action de blocage est suicidaire, pour nous et pour eux. Sans compromis, je ne vois pas comment la situation pourrait se débloquer”.
“La société SAD a été liquidée le 15 mai, sans solution alternative pour les salariés ou pour les diffuseurs de presse, se défend Nicolas Guglielmacci. Alors oui on bloque quelques titres pour faire pression mais les méchants c’est pas nous”. Kiosquiers comme anciens salariés de la SAD pointent un abandon de l’État, accusés de ne pas s’engager suffisamment dans une résolution de la crise. “J’en suis certain, la situation ne se débloquera pas avant octobre, se désole Richard, depuis son kiosque de la Canebière. La rentrée va être difficile”.
Commentaires
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Quelle honte ! La liberté d’informer ne devrait pas être un vain mot dans la deuxième ville de France. Affaiblir les kiosquiers et les titres de presse non distribués, ce n’est certainement pas une manière de préserver cette liberté.
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Ce nouvel épisode de la guéguerre des médias est révélateur du déclin progressif et régulier de la presse papier. Faut dire que pour obtenir quelques infos généralement peu développées il faut se farcir une avalanche de publicités plus agressives les unes que les autres. Autant zapper entre TF1 et BFM en essayant de tomber sur un des rares moments où le proprio n’a pas encore mis sa censure. Sur le service public, elle est permanente et probablement “autogérée”.
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La Provence et le Figaro sont toujours distribués semble-t-il ? Tout baigne alors ?
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Enfin un article marsactu qui explique ce qui se passe. Merci
Dans mon quartier non seulement les rayons sont vides mais en plus les petites presses ferment definitivement .( Marseille 13e palama )
Pourquoi à marseille est-ce toujours si compliqué de faire fonctionner des fonctions/systemes si fondamentaux ?
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Après la liquidation des activités portuaires, voici le tour de la presse papier. L’absence de compromis conduira à la disparition d’un système d’égalité d’accès à l’information. Tout cela finira entre les mains d’un monopole capitaliste qui fera payer son prix. Quant à le gestion passée de Presstalis, j’avais vu un article sur les frasques dépensières de sa présidente…
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Aix est aussi concernée ; disette identique qu’ à Marseille. Resultat: on s’abonne par internet ou par porteur (possible dans mon quartier pour Libé et le Monde) et mon kiosquier qui fait aussi débit de tabac et brasserie va abandonner la distribution de la presse dès que possible
Michel
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