La (trop) belle villa de la directrice de cabinet de François Bernardini
Le tribunal administratif a annulé la décision du SAN Ouest Provence de vendre à une collaboratrice du maire d'Istres plusieurs terrains lui appartenant. Un accroc dans la belle aventure foncière de cette proche du maire qui avait déjà acquis sa maison auprès de la collectivité en 2007 et qui depuis a pris ses aises dans la campagne istréenne.
"Le mas de Saint-Véran"
La directrice de cabinet du maire d’Istres François Bernardini (divers gauche) va-t-elle devoir renoncer à sa belle villa avec piscine ? On n’y est pas encore mais le tribunal administratif vient sérieusement d’handicaper ses affaires. Comme le mentionne le Ravi dans son numéro de mai, celui-ci a annulé le 19 avril la vente d’une série de terrains jouxtant son “mas de Saint-Véran” en plein milieu de la campagne istréenne. Jouxtant et même empiétant puisque la maison de Marlène Prospéri-Picon ne se limite pas à la seule parcelle qu’elle avait précédemment acquise auprès du même propriétaire.
C’est le SAN Ouest Provence, l’ancienne intercommunalité aujourd’hui fondue dans la métropole, qui décide de vendre ces terrains attenants le 11 juin dernier. Le vote a lieu en bureau, une instance composée d’élus gérant les affaires courantes d’une intercommunalité. François Bernardini, qui n’a pas donné suite à nos demandes d’interview, est alors le 2e vice-président du SAN et à ce titre membre de son bureau mais il s’est fait excuser le jour de cette décision. Malgré cette absence, la situation de conflit d’intérêts est évidente. Sur la délibération, la mention de la SCI “Les écureuils” ne laisse en effet pas présager de l’identité de la bénéficiaire, comme l’a noté la justice administrative. “Information incomplète”, a jugé le tribunal.
La maison empiète sur le terrain voisin
Alors qu’il tenait là un motif d’annulation, celui-ci a tout de même pris soin de signaler la très délicate situation foncière de la collaboratrice de François Bernardini, qui nous a indiqué en retour ne vouloir faire “aucun commentaire”. Il a ainsi pu constater ce que le cadastre souligne de manière implacable. Le mas de Marlène Prospéri-Picon est à cheval sur deux parcelles de terrain alors qu’elle n’en possède qu’une avant la fameuse décision de l’intercommunalité. La délibération qui lui permet d’acquérir le bout de terrain manquant et les terres alentours – 6496 mètres carrés tout de même – ressemble donc à une sympathique mise au norme.
Le prix retenu par le SAN Ouest Provence – dont le président de l’époque René Raimondi (divers gauche) s’est refusé à tout commentaire – est celui estimé par France domaine, le service de l’État dédié à l’évaluation des terrains publics : 72 000 euros. A l’époque, témoigne un proche du dossier au SAN, l’estimation est jugée “certes assez basse mais qui assure la régularité de l’opération”. Mais peut-être France domaine n’a-t-il pas toutes les données lui non plus. “Le projet de délibération n’indique pas le motif de la vente, les caractéristiques de l’opération immobilière en cours et notamment l’existence sur les parcelles initialement vendues d’un bâtiment d’habitation reconstruit qui grâce à la vente en cause allait bénéficier d’un grand terrain viabilisé, qui n’était plus enclavé”, s’émeut le juge administratif. En interne, le dossier est alors présenté comme une simple “régularisation” d’une vieille affaire.
Mise en vente à 1,15 million d’euros
À la même époque, la demeure est en effet mise en vente sur un site d’annonces immobilières pour le montant coquet d’1,15 million d’euros, comme le relèvent alors le Ravi et des élus d’opposition. Belle carrière pour une ancienne ferme qui est devenue une magnifique villa bordée d’oliviers au prix de beaux chantiers.
Faites glisser la poignée pour passer de 2007 à 2015
C’est en effet un corps de ferme que rachètent entre 2006 et 2007 Marlène Picon-Prospéri, à l’époque déjà employée au cabinet du maire d’Istres (1) et son mari. Ils l’acquièrent là encore auprès du SAN Ouest Provence, alors présidé par Bernard Granié qui sera condamné pour corruption et déchu de ses mandats quelques années plus tard. La bâtisse, guère utilisée par la collectivité, est alors squattée après avoir rempli divers rôles d’utilité publique dont celui de résidence d’artistes. Le montant est fixé à 147 000 euros, soit celui proposé par France domaine… arrivé opportunément six jours avant la signature de l’acte notarié le 5 avril 2007 et bien après la délibération des élus en date du 28 juillet 2006.
Officiellement, les acquéreurs entendent conserver le caractère agricole du lieu situé dans une zone inconstructible. Très vite pourtant, de réhabilitations en reconstructions accordées par la mairie, les lieux ne vont plus voir les roues boueuses d’un tracteur et être considérablement modifiés.
La villa de celle que certaines mauvaises langues surnomment “la comtesse” couvre à l’arrivée quelque 410 mètres carrés, bien au-delà de la parcelle initialement vendue. L’annonce diffusée en 2014 – puis retirée – lors de la mise en vente par l’agence Solvimmo affiche des prestations haut de gamme. “Un séjour de 100 mètres carrés”, “une immense terrasse offrant une vue dégagée”, “piscine”, “pool house”, “dépendance” et même “deux appartements indépendants” pour “des revenus locatifs possibles de 1350 euros”. Pas mal pour un terrain classé inconstructible dans le plan local d’urbanisme.
C’est donc un beau projet et une belle plus-value potentielle qu’est venu contrecarrer le tribunal administratif saisi par l’ancien conseiller communautaire frontiste Adrien Mexis. De sources concordantes, la délibération de vente des terrains n’a pour l’heure pas abouti à une cession effective des parcelles entourant le terrain acheté à l’origine. La villa déborde donc toujours sur des terrains qui ne lui appartiennent pas. La métropole qui a aspiré le SAN Ouest Provence et dont François Bernardini est vice-président a désormais le dossier en main. C’est à elle de décider si elle fait appel de la décision du tribunal administratif, si elle reprend une nouvelle délibération pour autoriser la vente ou si elle s’y refuse. Marlène Prospéri-Picon a quant à elle la possibilité de faire appel. Une chose est sûre : sauf procédure spécifique, la belle aventure foncière de “la comtesse” pourrait se poursuivre.
(1) A la fin de l’année 2006, Michel Caillat, qui a pris la suite d’un Bernardini déclaré inéligible, est renversé à l’initiative de ce dernier. Nicole Joulia lui succède avant de laisser la place à Bernardini après les municipales de 2008. Marlène Prospéri-Picon est de tous les cabinets.
Commentaires
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Où va-t-on si, en Provence, on commence à exiger le respect des lois et des règlements, et si les élus et leurs proches ne peuvent même plus tremper dans de petits conflits d’intérêts ? Et la “tradition” alors ?
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Ce genre de pratique semble monnaie courante, on finit par trouver ça “normal”, “banal”… cette affaire est vraiment scandaleuse. Petits arrangements entre amis… et après on fait des leçons de morale au “petit peuple”… ce qui est fort regrettable c’est que le lièvre ait été soulevé par, si j’ai bien compris, (d’après l’article) un élu frontiste… personne d’autre s’en est inquiété ?
(mais il n’y a pas qu’ici que ça se passe, dans le 92 ils sont champion aussi…pour ne citer que ce département..)
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Peut importe qui soulève l’affaire au tribunal administratif, l’essentiel, c’est de mettre au grand jour l’information !
Qui je rappelle au passage, seul MARSACTU a eu le courage de le faire !
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