Couac à l’AP-HM : sept euros de l’heure pour des renforts infirmiers en réanimation
Un groupe d'infirmiers libéraux, volontaires pour prêter main forte à leurs anciens collègues en réanimation se sont vu proposer un niveau de rémunération "insultant" : 87 euros la vacation de 12 heures, en dessous du SMIC. La direction de l'AP-HM plaide la maladresse et minimise l'incident.
Une infirmière dans une unité de réanimation à la Timone - (Photo d'illustration : Emilio Guzman)
L’histoire pourrait paraître anecdotique mais elle illustre à la fois la grande tension à laquelle sont soumis les services de réanimation en temps de Covid-19 et la grande misère -un peu bureaucratique- des hôpitaux publics. Depuis mars dernier, un collectif informel d’infirmiers libéraux, constitués d’anciens de l’AP-HM avec une expérience en réanimation, se sont portés volontaires pour donner un coup de main à leurs anciens collègues et patrons alors que les hôpitaux marseillais doivent résister sur la longueur aux vagues successives de la pandémie.
“Dans un premier temps, ils n’ont pas fait appel à nous, ni en mars, ni en novembre, raconte Philippe* qui a longtemps exercé dans le service de Laurent Papazian à l’hôpital Nord, avant de quitter le public en 2017 pour des raisons de salaire. Ils sont revenus vers nous récemment parce que les collègues de réa n’en peuvent plus”.
“7,25 euros de l’heure”
Le sujet des rémunérations est vite arrivé sur la table. “C’est là qu’on a découvert qu’ils nous proposaient 87 euros la vacation de 12 heures, soit 7,25 euros de l’heure, enchaîne Léa*, elle aussi infirmière libérale et ancienne de la réa. Un tarif qui ne correspond à rien et qui se situe largement en dessous du SMIC horaire [8,11 euros, ndlr].”
Aussitôt, la vingtaine d’infirmiers s’enflamme sur la boucle Whatsapp où ils et elles avaient l’habitude d’échanger. “Si au moins ils nous avaient proposé du bénévolat, j’aurais compris. Avec une lettre de remerciement du directeur, cela passait, reprend Philippe. Mais, là nous payer aussi peu, c’est insultant.”
“À moins de 15 euros, ma femme de ménage ne se déplace pas”
“Si on a répondu présent c’est parce qu’on connaît la charge de travail que doivent assumer nos collègues, s’exclame une autre infirmière, elle aussi volontaire. Comme je l’ai expliqué à mon interlocutrice à l’AP-HM, il n’y a pas de sot métier. J’ai fait des ménages, de la garde d’enfants. Mais à moins de 15 euros de l’heure, ma femme de ménage ne se déplace pas”.
D’après les informations que nous avons pu recueillir, la direction des ressources humaines de l’AP-HM se trouvant devant une situation inédite, s’est livrée à un calcul acrobatique pour construire une base financière pour ce “coup de main”. En l’occurrence, elle a pris l’échelon le plus haut de la grille indiciaire des infirmiers et a divisé la rémunération mensuelle par 30 pour obtenir le montant d’une vacation de 12 heures : soit une paie nette de 87 euros.
Se rendant compte de la maladresse d’une proposition financière en dehors de tout cadre légal, le service des ressources humaines a fini par rétropédaler. Serait finalement ajoutée une part variable qui puisse faire correspondre le tarif à des montants – certes modestes – mais plus conformes à la réalité des rémunérations dans le secteur hospitalier.
427 renforts d’ores et déjà présents
Le secrétaire général de l’AP-HM, Pierre Pinzelli tient à remettre l’incident dans un contexte plus large : “En équivalent temps plein, nous avons 427 personnels en renfort dans les hôpitaux marseillais dont les deux tiers sont des personnels de soins et notamment des infirmières. Et dans la situation actuelle, tous les renforts sont les bienvenus.” La plupart de ces renforts sont payés à temps plein ou à temps partiel. “Ça on sait faire”, reconnaît-il. Et on applique la grille indiciaire la plus élevée.”
En revanche, pour des renforts plus ponctuels de un à trois jours comme cela semble être le cas pour le groupe d’infirmiers visé, le calcul est plus aléatoire. “Il faut replacer les choses dans une juste proportion, insiste encore Pierre Pinzelli. Cela correspond à cinq personnes qui ensemble vont assurer l’équivalent d’un temps plein.”
Il reconnaît “une projection mécanique” qui ne correspond à aucune base de rémunération effective. En lien avec le Trésor public, une nouvelle proposition, conforme à ce qui se fait dans la fonction publique hospitalière est en cours d’élaboration.
Il y a urgence car les services de réanimations sont au bord de la rupture avec un recours systématique aux heures supplémentaires et le spectre d’un passage en niveau cinq du plan blanc par l’agence régionale de santé. “Nous les accueillerons avec grand plaisir”, rassure le haut fonctionnaire. “Encore heureux, grince une infirmière volontaire. Je ne vais pas me mettre en danger et faire courir des risques à ma patientèle pour être payée des clopinettes.”
Commentaires
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Il y a qui a la DRH ?? j adore le calcul en divisant l indice par 30 jours. Ils devraient déjà diviser par 21, qui sont les 21 jours de travail mensuel!
Bon après, je voudrais bien dénombrer les femmes de ménage qui ont la chance d etre payées déclarées plus de 15 euros de l heure!
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Juste un commentaire sur l’exemple souvent brandi du salaire de la femme de ménage.
Une femme/homme de ménage qui va travailler deux heures chez un particulier est souvent payée largement au-dessus du smic. Il faut dire qu’elle a souvent pas mal de transport pour aller chez ce particulier, qu’elle bloque une matinée ou après-midi pour lui (elle ne pourra pas enchaîner 2 ménage ce matin-là pour ces raisons logistiques). 2 h le matin, 2 h l’après-midi, ça fait un salaire brut de 60 euros. moins que le smic.
Donc elle travaille aussi au petit matin et la nuit, dans les entreprises par exemple.
Mais vous avez raison, RML, plein d’autres femmes gagnent moins. Ma voisine fait 1 h de trajet X 4 pour nettoyer des bureaux pour une société très tôt le matin et en fin d’après-midi: entre les deux, elle gère sa maison et franchement, à 50 ans, elle a l’air d’en avoir 70.
Il me semble que la pénibilité de ce travail (tout ceux qui l’ont fait le savent) vaut largement ce salaire.
Et les infirmiers méritent plus que 7 euros de l’heure!!!
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d’accord avec calamity J. En effet les horaires de travail atypiques, morcelés ont des conséquences aussi sur la five familiale et sociale et sur la santé. Par ailleurs, ce sont des personnes en souffrance née de l’absence de reconnaissance de la valeur des métiers du nettoyage
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d’accord avec calamity J. En effet les horaires de travail atypiques, morcelés ont des conséquences aussi sur la five familiale et sociale et sur la santé. Par ailleurs, ce sont des personnes en souffrance née de l’absence de reconnaissance de la valeur des métiers du nettoyage
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Article intéressant car il éclaire la prise en charge des situations d’urgence par l’hopital public. J’aimerais bien savoir comment cela est géré dans d’autres grandes villes ou pays avec la pression du covid. C’est étonnant que la DRH ne sache pas payer au meme tarif que ses infirmiers classiques des infirmiers supplémentaires, et qu’il soit obligé d’entrer dans des tractations pendant des mois voire une année avec le Tresor Public pour rémunérer les gens au dessus ou égal au SMIC!!! Il n’existe pas un fonds d’urgence, un fonds de roulement à l’hopital pour prendre en charge des frais imprévus? Ils ne peuvent pas payer les temps partiels supplémentaires sur ce fonds, et faire une procédure d’urgence de discussion avec le trésor public ou la sécu? Leur DRH ne peuvent pas prendre leurs telephones et appeler celui de Mulhouse ou de Nice pour voir comment ils font? Franchement, ce n’est pas étonnant que les gens résistent à aller aider les collègues en surcharge et qu’ils cherchent plutôt à fuir ce souk.
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Il éclaire surtout une impréparation, une absence de cadre global au niveau du pays. Comme d’habitude avec ce système, chacun fait comme il veut, ou plutôt comme il peut en négociant les prises en charges financières avec le Trésor public qui réagit le plus souvent en fonction des directives du ministre au regard de la médiatisation des affaires. Tout est géré par la com. D’ailleurs, si la plupart rejettent ce qui se dit sur les réseaux sociaux, ils serrent quand même les fesses quand ça commence à prendre de l’ampleur.
Il éclaire également le fait que le secteur privé de la santé ne semble pas souffrir de la même surcharge d’activité que dans le public.
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une honte, les infirmier-e-s liberaux deux fois moins payés que les personnels de menage . ils sont deja sous payés dans leurs actes a domiciles alors qu’il ssont la clef des maintiens a domicile.
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Justement, à propos du maintien à domicile, les aides à domicile (souvent peu diplômées – il n’y a quasiment que des femmes-) et qui font dans leurs tâches bien au delà de leur métier, sont payées au smic, et leurs heures de transport ne sont pas comptabilisées dans le temps de travail. Alors, à moins de travail au noir, faut m’expliquer qu’elle est la bo^te qui paye 15 euros de l’heure pour faire du ménage. Du jamais vu.
Sinon, l’Education Nationale est pas mal non plus dans les rétributions lors des jurys des examens : temps de lecture des travaux + réunions préparatoires + plus examens + harmonisation et validation = 2.85€/heure sur les 15 jours de travail. Pas mal non ?
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