Contrats de l’eau : le point sur l’enquête après le big bang des gardes à vue

Enquête
le 23 Juin 2017
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Garde à vue pour Martine Vassal et le patron de la SEM, Loïc Fauchon, audition de Jean-Claude Gaudin. L'affaire des contrats de l'eau a rebondi de manière spectaculaire ce jeudi. Décryptage.

Eugène Caselli, Jean-Claude Gaudin, Loïc Fauchon (de gauche à droite) et Martine Vassal lors de la clôture du Forum mondial de l
Eugène Caselli, Jean-Claude Gaudin, Loïc Fauchon (de gauche à droite) et Martine Vassal lors de la clôture du Forum mondial de l'eau en 2012. Crédit : 6th Water World Forum / Christophe Taamourte

Eugène Caselli, Jean-Claude Gaudin, Loïc Fauchon (de gauche à droite) et Martine Vassal lors de la clôture du Forum mondial de l'eau en 2012. Crédit : 6th Water World Forum / Christophe Taamourte

Voir dans la même journée la présidente du département et le maire de Marseille rendre visite à la brigade financière n’a rien d’anodin. Ce jeudi, les enquêteurs ont visé au plus haut dans les exécutifs des collectivités locales et réveillé une affaire que certains juraient endormie. Non, le parquet national financier n’a pas abandonné ce dossier ouvert pour favoritisme, prise illégale d’intérêts et trafic d’influence concernant les contrats de l’eau à trois milliards conclus par Marseille Provence métropole en 2013.

Restée 15 heures en garde à vue dans les locaux du 8e arrondissement, la présidente du conseil départemental Martine Vassal est la première visée dans ce dossier. Le conflit d’intérêts présumé qui intéresse les enquêteurs tient en deux postes occupée par l’élue marseillaise à cette époque. D’un côté, il y a sa présence comme trésorière au sein du Conseil mondial de l’eau, association internationale basée à Marseille regroupant associatifs, élus et représentants des multinationales du secteur, présidée à l’époque du contrat par le patron de la SEM, Loïc Fauchon. De l’autre, il y a son statut d’élue au sein de la communauté urbaine au moment de la conclusion des contrats de l’eau : présidente de la commission compétente sur ces sujets et membre du quatuor devant mener les négociations sous l’autorité du président socialiste Eugène Caselli, déjà entendu lui aussi.

Vassal : “J’étais simple conseillère communautaire”

Cette situation fait partie des points importants de l’enquête. “La prise illégale d’intérêts, vous n’avez pas besoin d’avoir un intérêt financier dans l’affaire mais seulement un intérêt personnel qui peut être un intérêt politique”, rappelle une source proche du dossier. Au lendemain de sa garde à vue, Martine Vassal s’est efforcée de minimiser son rôle dans l’appareil décisionnel de MPM. “Je suis parfaitement satisfaite d’avoir donné mon point de vue, en saisissant cette occasion de remettre cette affaire dans son contexte, a-t-elle déclaré dans un communiqué. En effet, j’étais à cette époque simple conseillère communautaire d’opposition à MPM et 12e adjointe au maire de la Ville de Marseille”, a-t-elle expliqué. N’étant pas présidente de MPM, je ne disposais d’aucun pouvoir de décision et encore moins d’un pouvoir de signature.”

Selon un connaisseur du dossier, entendre Jean-Claude Gaudin – en audition libre, une garde à vue aurait nécessité la levée de son immunité parlementaire – rentrait dans une suite logique : “Est-ce que Martine Vassal agissait de manière autonome ou sous les ordres de Gaudin ?” Les liens de proximité entre le maire de Marseille et le patron de la SEM sont connus et c’est en partie là-dessus qu’il a été interrogé. ils ont même parfois voyagé ensemble. Longtemps, une clause dans les statuts de la SEM stipulait qu’il revenait au maire de Marseille de donner son aval quant au choix du président.

Gaudin : “Je n’ai été associé à rien”

A l’époque, les pouvoirs d’Eugène Caselli était limité par la gouvernance partagée établie avec les maires de MPM à la suite de son élection surprise. Au premier rang desquels le maire de Marseille, mentor politique de Martine Vassal. Jean-Claude Gaudin était-il alors en position d’exercer une influence, direct ou indirect, sur l’attribution du contrat par la commission d’appel d’offres ? “Je me suis arrêté de présider en 2008 et le nouveau contrat a été réalisé en 2013. […] Les élus qui ont fait ce travail l’ont fait très attentivement et très objectivement et je pense que même si je n’ai été associé à rien, que cela a été fait dans les règles”, a-t-il réagi auprès de La Provence

Depuis l’ouverture de l’enquête, les policiers marseillais de la brigade financière ont entendu plusieurs dizaines de personnes : entrepreneurs déçus, élus, cabinets de conseil ont été appelés à témoigner. “La base reste le rapport de la chambre régionale des comptes”, explique-t-on de source proche de l’enquête. Celle-ci avait relevé toute une série de points techniques pouvant laisser penser à une manipulation de l’appel d’offres et c’est ce qui avait motivé la transmission à un procureur des éléments les plus saillants de ses investigations.

“Pas de surprise sur les sujets abordés”

Cette base, dont l’essentiel est contenu dans l’avis rendu public en 2014, est aussi connue de ceux qui étaient entendus hier et de leurs avocats. C’était d’ailleurs leur seule matière puisqu’en enquête préliminaire, l’accès au dossier est réservé au procureur et aux enquêteurs. “Nous n’avons pas eu de surprise sur les sujets abordés”, admettent Rémy Lorrain et Christophe Ingrain, les défenseurs du patron de la Société des eaux de Marseille, Loïc Fauchon, lui aussi entendu sous le régime de la garde à vue. Celui-ci, ressorti un peu plus tôt, vers 20 heures, n’a pas été confronté à Martine Vassal ce jeudi. “Les enquêteurs attendaient des explications. Nous avons eu l’impression que les réponses de monsieur Fauchon les satisfaisaient”, avancent ses conseils qui balaient tout biais dans la procédure de concurrence ayant abouti à la désignation de la SEM.

Après une tel défilé dans les bureaux de la police, reste à connaître la suite de l’enquête. De bonne source, on indique que celle-ci tirerait plutôt vers la fin et le parquet national financier (PNF), qui nomme rarement des juges d’instruction, devrait cette fois encore s’en passer, indique-t-on de bonne source. A l’issue de son enquête, le PNF aurait alors une alternative face à lui : classer le dossier ou renvoyer directement certains protagonistes devant le tribunal correctionnel.

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Commentaires

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  1. Happy Happy

    Bonjour Marsactu, merci de nous aider à suivre le fil de cette affaire un peu compliquée. Une question qui n’a pas à voir directement avec le fond de l’affaire : Martine Vassal est restée pendant 15 heures en garde à vue dans les locaux de la police, ça me semble très long et en même temps habituel dans ce type d’enquête. Qu’est-ce qui justifie dans la procédure de garde à vue de telles durées, forcément très éprouvantes pour la personne (présumée innocente) qui doit répondre ? Pourquoi ne pas convoquer la personne deux journées d’affilée ? En plus j’imagine que l’interrogatoire ne dure pas effectivement 15 heures ? (ou alors c’est de la pression mentale, pour ne pas dire plus) Il y a sans doute la motivation d’empêcher le prévenu de se concerter avec d’autres témoins ou co-prévenus, mais de toutes façons Mme Vassal savait qu’elle serait entendue, elle avait le temps de préparer sa version de l’histoire avec d’autres, non ?
    La démocratie a besoin de la probité des élus mais aussi de procédures policières respectueuses des citoyens, quel que soit leur statut.

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