Construction de logements : Marseille veut rattraper son retard mais ne dit pas comment

Décryptage
le 20 Oct 2023
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La Ville a mis à l'ordre du jour du conseil municipal plusieurs dossiers liés à l'habitat. Une façon d'afficher son volontarisme alors que le risque d'une carence due au non-respect de la loi SRU s'éloigne. Mais, pour l'heure, nul ne sait où seront construits les 4500 logements inscrits dans le plan local de l'habitat.

Vue sur les toits de Marseille. Image : RB.
Vue sur les toits de Marseille. Image : RB.

Vue sur les toits de Marseille. Image : RB.

Attention, séquence logement. Ce vendredi, au conseil municipal, la Ville de Marseille pose en ouverture une série de délibérations touchant à la question de l’habitat dans toutes ses dimensions. Les neuf rapports “très techniques” selon les mots de Patrick Amico, sont censés traduire “l’engagement fort de la municipalité à mi-mandat”, de la politique foncière à la régulation des locations touristiques de courte durée, en passant par le financement du logement social et la lutte contre l’insalubrité.

Derrière les éléments de langage et l’affichage politique, une oreille attentive percevra un “ouf” de soulagement. La séquence politique – les délibérations placées en début de conseil, une conférence de presse en début de semaine – est censée tourner la page moins glorieuse du printemps. Ce que le nouveau conseiller délégué à l’urbanisme, Éric Méry, appelle pudiquement “les difficultés de mai”.

Le risque de constat de carence s’éloigne

L’adjointe à l’urbanisme, Mathilde Chaboche, était alors poussée à la démission dans la foulée de la révélation par La Marseillaise d’un courrier du préfet, menaçant la Ville d’un “constat de carence”. Faisant le bilan des objectifs fixés en logements sociaux sur les trois dernières années, le représentant de l’État estimait que la Ville n’avait pas fait les efforts nécessaires pour atteindre les 25% de HLM imposés par la loi SRU. Avec le risque, à terme, de sanctionner la Ville, notamment en reprenant en main les permis de construire.

Ce risque s’éloigne. Pour l’heure, l’avis écrit de la commission nationale présidée par Thierry Repentin n’est pas parvenu jusqu’à la préfecture. Mais, selon nos informations, Marseille ne serait pas dans la liste des villes dites “carencées” dans la région, même si l’arrêté officiel n’est pas attendu avant la fin de l’année.

Le chemin tortueux de la loi SRU
Tous les trois ans, les préfets dressent le bilan de l’effort de construction dans chaque territoire concerné par l’article 55 de la loi de solidarité et de renouvellement urbain, qui impose 25% de logement social dans les communes de plus de 5000 habitants. Chaque préfecture établit donc un bilan triennal dans lequel il évalue l’effort des territoires à tenir leurs engagements. Il fait ensuite remonter ces bilans à la commission nationale SRU qui donne un avis, favorable ou défavorable, à la fois aux exemptions à la loi, et aux propositions de carencement. Cet avis écrit donne lieu à la rédaction d’arrêtés de carence qui sont soumis en dernier lieu au comité régional de l’habitat et de l’hébergement qui donne un avis. Prévue le 16 octobre dernier, la réunion du comité régional est reportée au 7 décembre. Les arrêtés seront pris dans la foulée.

D’ici là, il s’agit donc de faire bonne figure en donnant les gages d’un changement de rythme, fidèle à la réponse formulée par la Ville en mai dernier. “Désormais, la métropole a arrêté un plan local de l’habitat. Le dernier datait de 2016. Il nous permet d’envisager la construction de 4500 logements par an, se défend Patrick Amico l’adjoint au logement (GRS). Surtout, la prochaine modification du plan local d’urbanisme met en place une servitude de logement social avec une obligation dans tout programme de 30 logements. Cela va nous permettre un rattrapage de production“.

Une production qui repart ?

Le nouvel élu à l’urbanisme, Éric Méry, veut, lui aussi, donner des gages d’une “reprise en main de la question de l’urbanisme et du logement“. Il affirme ainsi que la plupart des promoteurs ont anticipé cette règle de servitude sociale qui devrait entrer en vigueur au premier semestre 2024. “Sur les 2000 logements dont le permis de construire est en cours d’instruction, 40% sont du logement social“, affirme-t-il. Et sur les 3700 logements encore au stade de la demande de faisabilité, le taux serait de 32%. Ceci étant dit, il reconnaît que même avec des projets dans les tuyaux, l’objectif fixé de 4500 logements, dont 2300 logements dits “abordables”, ne sera pas atteint en 2023, ni l’an prochain.

Cela ne dépend pas que de nous. Aujourd’hui, le plan local d’urbanisme ne permet pas de faire plus de 3400 logements.

Patrick Amico, adjoint au logement

Mais ce qui m’intéresse, c’est la dynamique, reprend Patrick Amico. Et puis cela ne dépend pas que de nous. Aujourd’hui, le plan local d’urbanisme ne permet pas d’en faire plus de 3400″. Il faudra donc attendre la troisième modification en cours du plan local d’urbanisme, et sans doute, la quatrième dont la concertation débute à peine, pour permettre d’augmenter la constructibilité inscrite dans les documents d’urbanisme. “Nous sommes en train d’éplucher avec la métropole les zones dites “à urbaniser“, pour voir lesquelles sont susceptibles d’accueillir de nouvelles constructions”, explique Éric Méry, quand on lui demande comment il entend résoudre cette équation foncière.

Pour sa prédécesseure, Mathilde Chaboche, qui siège désormais sur les bancs du groupe écologiste et pluriels, le compte n’y est pas. “Avec la métropole, nous avons passé à la loupe les zones à urbaniser qui, pour la plupart, ne sont pas urbanisables, notamment pour des questions de topographie ou de desserte, détaille l’ancienne adjointe, qui pointe le risque d’une “posture incantatoire“. Comme lorsqu’elle était en poste, elle met en avant la nécessité “de faire dans la dentelle, en travaillant sur les dents creuses, sur les 40 000 logements vacants, en faisant du recyclage urbain“.

À l’ordre du jour du conseil, il est ainsi prévu de confier la mission à l’établissement public foncier d’acquérir “par négociation amiable ou préemption” des terrains pour réaliser des logements sociaux, dans les secteurs déficitaires, qui comptent moins de 15% de HLM, comme dans les secteurs mieux dotés.

Où construire les futurs logements ?

Mais si la Ville finit par échapper à l’arrêté de carence, elle ne pourra pas passer outre un contrat de mixité sociale, la feuille de route que la préfecture propose aux communes en déficit de construction, pour rattraper le retard constaté. “Le vrai sujet est la question de la hausse de la production, prévient David Ytier, le vice-président (LR) de la métropole, chargé du logement. Pour produire du logement, il faut un porteur de projet et un foncier. Il faut que la Ville nous dise où elle souhaite produire. C’est ce que permet un contrat de mixité sociale en détaillant les projets à la parcelle près“.

Pour l’heure, la seule mention concrète de ce que la Ville projette dans son contrat de mixité sociale, tient en une ligne dans la première délibération. Elle propose de “booster la relance du logement” par une aide supplémentaire de 5000 euros par logement social nouveau ou reconstruit dans le cadre de la rénovation urbaine. L’ensemble des aides nouvelles votées par la Ville représente 30 millions d’euros sur six ans. Elles remplacent les aides directes versées aux futurs propriétaires, une des mesures phares de l’ère Gaudin.

Si on veut atteindre les objectifs de 4500 logements annuels, il va falloir mettre les bouchées doubles et arrêter de tourner autour du pot.

David Ytier, vice président (LR) de la métropole chargé du logement

Je crois qu’on n’en est plus à une subvention près, quel que soit son montant, tacle David Ytier. Je le dis fermement : si on veut atteindre les objectifs de 4500 logements annuels, il va falloir mettre les bouchées doubles et arrêter de tourner autour du pot. Maintenant, je dis stop : il faut produire”. Avec l’ambiance électrique qui accompagne les débats, depuis plusieurs mois quel que soit l’hémicycle, nul doute que ces propos trouveront un écho lors du conseil.

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