Comment la métropole s’est emmêlée les aiguilles avec le temps de travail

Décryptage
le 21 Fév 2018
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En voulant maintenir les congés supplémentaires dits "jours du président" tout en appliquant le temps de travail annuel légal, la métropole en a oublié le respect des 35 heures hebdomadaires, estime le tribunal administratif. La justice contraint ainsi l'administration à relancer le dialogue social au sein de l'intercommunalité.

La métropole affiche son logo lors des vœux du personnel à l
La métropole affiche son logo lors des vœux du personnel à l'Arena d'Aix-en-Provence. (photo BG)

La métropole affiche son logo lors des vœux du personnel à l'Arena d'Aix-en-Provence. (photo BG)

Six intercommunalités et autant de régimes sociaux à mettre en harmonie, le tout avec la chambre régionale des comptes en censeur : la tâche de l’administration métropolitaine avait tout pour être ardue. Alors, l’intercommunalité lancée en 2016 avait commencé par des points consensuels. Tickets restos à 8,80 euros pour tout le monde, avait annoncé rapidement et fièrement Jean-Claude Gaudin.

Mais il s’était gardé sous le coude la réforme du temps de travail, un dossier bien plus compliqué à mener puisqu’il demande à des agents de renoncer à des avantages acquis avant même leur embauche dans la collectivité. Il pensait y être en partie parvenu le 14 décembre en faisant voter par les 240 conseillers métropolitains le rapport 89 de l’ordre du jour. Optimiste, il imaginait mettre cela en place dès le 1er janvier avant de reculer progressivement et discrètement cette entrée en vigueur au 1er mars.

Ce texte fixait le sort des agents travaillant classiquement du lundi au vendredi, soit une bonne moitié des employés métropolitains. Les 1607 heures annuelles légales étaient respectées et les sacro-saints “jours du président” – cinq jours de congés supplémentaires, vestige de la communauté urbaine de Marseille et de son premier président Jean-Claude Gaudin, conservés.

Mais c’est cette ultime modalité qui lui cause aujourd’hui des ennuis et met à mal son organisation. Saisi en référé par les syndicats FSU, CFDT, CGC, UNSA, CGT et FAFPT, le tribunal administratif est venu annuler le rapport 89 ce mardi. Pour le tribunal administratif, il existe “des doutes sérieux quant à [sa] légalité”, ce qui l’a poussé à suspendre la réforme qui devait entrer en vigueur dans huit jours, au 1er mars. En transformant les “jours du président” en congés supplémentaires et obligatoires, la métropole aurait de fait obligé les agents à travailler “37,33 heures” par semaine au mépris de la règle de base des 35 heures, estime le tribunal, convaincu par les arguments syndicaux.

En contrepartie de ces 5 jours de repos, le personnel aurait en réalité dû étaler sur l’année les jours non-travaillés, et donc, se voir contraint d’augmenter son temps de travail hebdomadaire. “En discutant avec un syndicat [Force ouvrière, ndlr] qui souhaitait le maintien de ces jours qui font partie des particularismes des collectivités locales, la métropole est partie du postulat que leur retrait susciterait un tollé et n’a pas laissé aux agents le choix qu’elle devait pourtant leur laisser”, explicite l’avocate des syndicats, Shirley Leturcq.

FSU : “Une grosse claque pour Gaudin”

“C’est une grosse claque pour l’administration Gaudin”, se réjouit le secrétaire général de la FSU à la métropole Serge Tavano. “L’urgence était constituée par les différents témoignages d’agents qui expliquaient qu’ils ne pouvaient pas adapter aussi vite et en cours d’année leur rythme de vie”, ajoute Shirley Leturcq.

Ainsi rembarrée, la métropole n’a que peu d’options. Soit elle mise tout sur le jugement au fond du tribunal administratif, qui viendra dans un second temps. Celui-ci pourra soit lever la suspension, soit annuler la délibération mais l’audience pourrait se faire attendre, environ un an et demi selon les délais habituels de la justice. La métropole peut aussi décider de renégocier avec les syndicats. Ce mardi, l’institution s’est contentée d’un communiqué où elle semble privilégier la seconde option. L’administration se dit “prête à discuter tout en appliquant la loi” et renvoie ces échanges au comité technique, l’instance de dialogue avec les représentants du personnel. Date du rendez-vous : le 12 mars, soit après la date de mise en place théorique de cette réforme.

Du dialogue, c’est justement ce que réclament les syndicats qui ont posé le recours. “On ne dit pas qu’il ne faut pas appliquer les 1607 heures de travail annuels mais que ça doit être fait différemment. Il faut pouvoir négocier le temps de travail pour tous les agents sur toute la métropole, en tenant compte de la spécificité des postes”, plaide le syndicaliste FSU Serge Tavano pour qui cette nouvelle organisation a été décidée “sans concertation avec tous les syndicats”. À voir si le nouveau tour de table marquera une vraie reprise du dialogue ou un exercice formel.

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Commentaires

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  1. vanessa. Dufour vanessa. Dufour

    Bonjour, dans’. Votre article vous avez oublié lUNSA au niveau des syndicats de l’ intersyndicale.

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  2. reuze reuze

    Je ne comprends pas pourquoi les “5 jours exceptionnels accordés par Monsieur le Président de la Métropole” (une dénomination qui fleure bon le fait du prince) ne sont pas des jours de RTT dont les dates sont fixées par la direction générale de la métropole, comme ça se pratique couramment dans les EPICs.
    Est-ce que ce simple changement de dénomination serait suffisant, ou est-ce que le problème est autre?

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      Bonjour,
      Bien vu ! Comme le note l’avocate des syndicats citée dans l’ordonnance du TA : ” La délibération en cause a irrégulièrement défini des jours de RTT comme des congés”

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    • reuze reuze

      J’avais parcouru la décision du TA en diagonale et manqué ce passage. Merci !

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  3. Benoît Gilles Benoît Gilles

    Bonjour, nous corrigeons de ce pas l’oubli de l’UNSA.

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  4. Dark Vador Dark Vador

    Si j’ai bien tout compris, le syndicat qui a pesé lourdement dans cette cacophonie est encore et toujours FO…

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    • one live one live

      les frères ont tractionnés, rien ne bougera…..

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    C’est vraiment difficile d’appliquer la loi, toute la loi et rien que la loi quand, comme Gaudin et le gang FO, on a pris l’habitude depuis deux décennies d’invoquer la “tradition” ou les “particularités” marseillaises pour s’en affranchir, le tout dans une (co-)”gestion” où le paternalisme et le carriérisme “syndical” font bon ménage.

    Un autre effet de la loi est de reconnaître comme représentatifs tous les syndicats qui obtiennent plus de 10 % des voix aux élections professionnelles. Tous ceux qui ont atteint ce seuil peuvent participer aux négociations. Quand je lis que l’organisation contestée a été décidée “sans concertation avec tous les syndicats”, j’en conclus que là encore, Gaudin s’assied sur la loi en ne discutant qu’avec l’un d’entre eux.

    Il est heureux que des juges soient là pour rappeler que la loi est supérieure au “fait du prince” évoqué plus haut par @Reuze.

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  6. LaPlaine _ LaPlaine _

    Marseille est un Etat dans l’Etat parce que le dit Etat a toujours regardé d’assez loin (avec souvent une moue dédaigneuse) ce territoire, permettant ainsi aux déviants locaux de jouer une partition toujours en marge de la légalité, installant au fil des années une situation quasi oligarchique qui profite au plus petit nombre (les moins compétents et les plus cossards).

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