"Comme tout le monde, pendant des années, j'ai bien mangé"

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le 7 Mar 2013
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"Comme tout le monde, pendant des années, j'ai bien mangé"
"Comme tout le monde, pendant des années, j'ai bien mangé"

"Comme tout le monde, pendant des années, j'ai bien mangé"

Boumediene Benamar, appelé à la barre pour répondre de ses chefs d'inculpation s'exprime calmement, avec déférence. "Madame la juge, si vous permettez, vous m'interromprez quand vous aurez des questions, je vais tout vous expliquer". Il est soupçonné d'avoir constitué des associations fictives, recruté les présidents et encaissé les fonds. Face à la Cour, Benamar revient sur les déclarations faites au moment de l'instruction, et charge l'ex-bras droit de Sylvie Andrieux: "C'est Rolland Balalas qui m'a proposé de créer des associations fictives. C'est quelqu'un de petit mais de très puissant. Balalas disait qu'il fallait que le dossier donne envie d'être bouquiné [sic]. C'est lui qui faisait rédiger les statuts des associations par un spécialiste." Des propos qui rejoignent ceux de Cédric Doco, auditionné ce matin :"Pour chaque dossier Balalas vérifiait tous les documents, il devait les corriger. Il ne présentait aucun dossier incomplet ou ne serait-ce qu'avec une rature."

Pour Benamar, c'est encore Balalas qui a l'idée de créer des sociétés taxi, "parce qu'on ne pouvait pas sortir trop d'espèces du compte des associations". Mais l'homme charge également un autre prévenu, présenté dans le dossier de l'instruction comme un personnage secondaire : Pierre Santacreu, président de plusieurs associations. "Balalas a dit qu'on pouvait le prendre parce qu'il était très fort [en communication – ndlr] et qu'il faudrait lui donner le prix qu'il demanderait. Au départ avec Doco on faisait des bêtises, on était des imbéciles, c'est pour ça qu'on nous a mis Santacreu pour cadrer ça. C'était la crème de la crème! Au début, j'avais un patron, Balalas, à la fin j'en avais deux, avec Santacreu."

Jouer les méchants

Reste une inconnue, le rôle précis de Benamar dans le système. Celui-ci argue avec force qu'il devait tomber pour les autres. "Je devais passer pour le cerveau de l'histoire. Ils m'ont utilisé parce que j'ai fait de la prison, je devais jouer les méchants. S'il y avait un problème, je devais rentrer tout seul en prison. Quand M. Mathieu dit que je l'ai menacé, c'est vrai, on me l'avait demandé. A l'époque je faisais du sport et je prenais des anabolisants, c'est pour ça que j'étais tout rouge." Il reconnaît toutefois que certaines initiatives proviennent de son propre chef, comme l'idée d'utiliser des téléphones dédiés pour rester en circuit fermé. "Je suis au courant de ces choses-là parce que j'ai fait de la prison. Il y avait un téléphone pour moi, un pour Balalas, un pour Santacreu et un pour le fils de Balalas, c'était un cadeau."

Boumediene Benamar reçoit de l'argent. Beaucoup d'argent. "Comme tout le monde, j'ai bien mangé", pendant ces années, admet-il. Mais non jure-t-il, les subventions n'allait pas prioritairement dans sa poche comme la plupart des prévenus le laissent entendre. "Je recevais de l'argent en liquide, je le remettais dans une enveloppe à Balalas qui me rejoignait dans ma voiture, dans un parking. J'en gardais une partie pour moi, pour mes dépenses, une partie pour Doco". Pourtant, il ne nie pas être s'être rendu à la Région pour menacer Balalas. "Il est tellement puissant, M. Balalas, que vous vous permettez de faire une esclandre", ironise une avocate. "Approchez, Approchez", s'énerve-t-il avant de s'expliquer :"Je l'ai fait dans un contexte particulier. Santacreu m'a donné rendez-vous en plein campagne, il est venu avec Balalas. Ils m'ont demandé de partir me faire oublier en Algérie. Mais je ne voulais pas. Je voulais montrer qui il fréquentait, faire le lien entre toutes les associations. C'était le seul moyen, on ne m'aurait pas cru si j'étais allé dénoncer un système de voyous."

La campagne de Vauzelle

Revenant sur ses premières déclarations recueillies au moment de l'instruction, Benamar dément un quelconque rôle à jouer dans le parti socialiste. Il affirmait alors qu'il devait se présenter comme originaire du quartier de la Busserine, dire qu'il était content de l'action socialiste, intervenir dans les débats. "J'ai menti, j'ai raconté des conneries parce que Balalas me l'a demandé. Je n'ai aucun pouvoir dans ces quartiers où ils se tuent pour la drogue", ose-t-il. Pourtant, à d'autres moments, l'homme se montre confus, affirmant "en vérité j'ai fait la campagne de Vauzelle [appelé Veuzelle ndlr] aux Catalans, on collait les affiches par dessus celles des autres jusqu'à l'usure." Mais lorsque Me Gilles Gauer, l'avocat de la Région lui demande si oui ou non il adhère aux idées socialistes, Benamar l'interpelle vivement, le visage crispé de rage : "Vous êtes le procureur, c'est ça ?" avant de répondre "Balalas et Vauzelle oui, s'ils me donnent un travail je démonte un mur !".

Sylvie Andrieux n'est citée qu'une seule fois. "Cette dame, derrière moi, elle a vraiment aidé ma soeur". "Vous faites l'acteur", tonne l'avocat de la Région. Boumediene Benamar perd son sang-froid, s'agite, tandis que la juge Christine Mée tente de le rappeler à l'ordre. Il bafouille, ne maîtrise plus sa parole : "pour le monsieur je suis un menteur", lâche t-il. "Avez-vous été victime d'un complot fomenté par M. Balalas ?", demande le procureur. "A la fin oui. ça m'embête qu'il ne soit pas là Balalas", réplique Benamar, assurant que son discours ne varierait dans le cas contraire. "J'ai un passé qui est fatigant, maintenant je veux me laver, redevenir une personne normale et m'occuper de mes enfants" plaide-t-il, peinant à convaincre. Le prince n'était-il qu'un sous-fifre, et Sylvie Andrieux la reine d'Angleterre ? Aphasique après un AVC, Rolland Balalas apparaît comme un pivot dont l'absence pèse d'ores et déjà sur les débats.

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Commentaires

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  1. Maurice Maurice

    Pourquoi pas, mais la collusion entre la défense de Mme Andrieu et de M. Benamar est évidente. Il y a 25 présidents d’association qui ne sont pas dans la procédure qui peuvent expliquer qu’à l’époque de Mme Andrieu on créait une association et que l’on recevait l’argent. Certains ne savent ni lire, ni écrire.

    Comme le montre le Monde reprenant le livre #MarseilleMaVille Mme Ghali faisait pareil. Et lors de sa législative Mme Andrieu a poursuivi la même pratique.

    Donc Mme Andrieu va jouer la ravie d ela Crèche en sac(s) Vuitton mais va avoir bien du mal à convaincre, surtout quand les pièces montreront son intervention directe sur les décisions.

    Il faut bien mettre fin à ce système clientéliste : #Marseille #Corbeil même combat.

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  2. LULU LULU

    A lire cette affaire on a l’impression que c’est Balalas et l’autre qui s’en sont mis pleins les poches. Andrieux a fermé les yeux sur le système tant qu’elles pouvaient les utiliser pour coller les affiches et militer pendant les campagnes. Ce système clientéliste est scandaleux mais on peut être sûr qu’Andrieux n’est pas la seule à le pratiquer à Marseille !

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  3. Anonyme Anonyme

    Ouimadame ghali aussi .. tous doivent jouer ce jeu pour s’enrichir et iem à roite Le prévenu dit certainement la vérité et plus haut ils traitaient aussi de ces pratiques Moi je dis enfin je dirai .. on vire illico presto tous ces pourris de la tête aux touts petits et on fait pareil à droite et si on est intransigeant on peut espèrer que les suivants se calmeront Donc sévérité absolue !! et pour tous / présients ou/et pas et autres sous fiffres

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  4. Prometheus Prometheus

    Je pense qu’à droite si ils avaient pu le faire, ils l’auraient fait. En revanche le 13/14 et le 15/16 comme une bonne partie du grand centre ville sont aux mains de la gauche depuis longtemps, trop longtemps. Alors comment donner de l’argent de la politique de la ville lorsque les territoires en question dans cet affaires sont aux mains de la gauche. Non content de financer leurs campagnes électorales les élus de gauche ont laissé pourrir ces territoires pour renforcer le Front National et gagner à tous les coups au second tour. Résultats la population est pris en otages par les trafiquant comme à La Castellane ou Frais Vallon. Résultats de 30 ans de gauche dans les quartiers Nord : impunité, sentiment de toute puissance des voyous et surtout règlement de compte avec Kalach pas… Merci Andrieux et toute la petite bande du PS d’avoir servi Marseille et surtout le Nord sur un plateau…. à Ravier le toutou à Le Pen.

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  5. Nino Nino

    Cette affaire est au même niveau que les escroqueries à la caf ou à la TVA etc… Il y a des failles dans toute les administrations et il y aura toujours des petits malin qui essayerons de passe les mailles du filet.

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  6. Anonyme Anonyme

    A l’allure ou ça va il vont mettre tout sur le dos de Balalas (le pauvre) il ne peut plus se défendre vu sa maladie ! belle justice !

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  7. Anonyme Anonyme

    Ce qui est incroyablement injuste à la découverte de la réalité de l’environnement Marseillais des affaires : Corruption, trafic, travail au black, élus, assocs et police ripoux etc… C’est…
    De constater le traitement réservé aux petites entreprises propres dont je fais partie., j’ai eu en 3 ans : Contrôle Urssaf + contrôle fiscal + contrôle dgccrf, contrôle médecine du travail + contrôle direction dept du travail. Sorti nickel mais dégouté..
    Il est vrai que mon activité de services à domicile à destination des personnes âgées entre en concurrence avec la myriade d’associations crées sur le même sujet et dont l’objet semble être le détournement des allocations APA et autres subventions en copinage avec la politique locale…
    Non seulement on trafique, on détourne, on vole… Mais en plus on harcèle ceux qui n’en croque pas avec tous les moyens possibles…

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  8. Anonyme Anonyme

    Oui c’est un système qui est montré au grand jour. Et dire que le non cumul des mandats tarde à se mettre en place alors qu’il faudrait militer pour le mandat unique et remettre les idées au centre des débats plutôt que l’affairisme politique.
    Ces gens qui se disent des professionnels de la politique ont conduit le pays droit dans le mur et ils continuent à parader!

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  9. Ro g Ro g

    De Droite à Gauche, malheureusement ils ont tous mangés au même râtelier .
    A la mangeoire de l’argent, des fonds public, ils sont tous gavés
    Et ça continue, continuera encore .
    Pôvre de nous !!!

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  10. Anonyme Anonyme

    Eh bien, boumé, je ne pensais pas que joue ainsi !!!! C’est grave !

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