Cinq ans après, Cathy Racon-Bouzon veut toujours conjuguer macronisme et “valeurs de gauche”

Décryptage
le 3 Juin 2022
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Venue de la société civile en 2017, la députée sortante de la 5e circonscription de Marseille, Cathy Racon-Bouzon est à nouveau investie par la majorité présidentielle. Dans une circonscription qui évolue davantage à gauche de l'échiquier politique, elle doit assumer le bilan Macron tout en marquant sa sensibilité .

Cathy Racon-Bouzon tracte avec des militants devant l
Cathy Racon-Bouzon tracte avec des militants devant l'école des Chartreux le mardi 31 mai. (Photo SL)

Cathy Racon-Bouzon tracte avec des militants devant l'école des Chartreux le mardi 31 mai. (Photo SL)

Vous votez pas pour lui, mais pour moi !” Devant les passants réticents en voyant le visage d’Emmanuel Macron sur son tract, Cathy Racon-Bouzon garde le sourire. En campagne pour les élections législatives, la députée sortante de la 5e circonscription de Marseille arpente avec son équipe le 4e, 5e et une partie du 6e arrondissement. Elle a été réinvestie par Renaissance, anciennement La République en marche.

Novice en politique, elle se présentait en 2017 comme la “candidate à la poussette”, mère de famille venue de la société civile qui emmenait son enfant lors des tractages et tournages télé. Cette fois, elle a un bilan au compteur. Mais pour elle, rien n’a changé : elle reste la “girl next door“. “J’emmène toujours mon fils à l’école, mais il ne veut plus aller dans la poussette“, plaisante-t-elle.

Par ses engagements et ses discours, elle se positionne à l’aile gauche de Renaissance, comme dans le nord de Marseille Saïd Ahamada. Seulement le quinquennat Macron est passé par là et la 5e circonscription voit sa population évoluer. Les jeunes parents viennent s’y installer posant des exigences de services publics et de cadres de vie plus élevées. Dans les trois arrondissements, Jean-Luc Mélenchon est arrivé largement en tête à l’élection présidentielle, obtenant plus de 30 % des voix.

Déjà, lors de la vague macroniste de 2017, Cathy Racon-Bouzon l’avait emporté de peu au second tour face à Hendrik Davi de La France insoumise : 1077 voix les séparaient. Dans cette circonscription, loin d’être acquise à son camp, elle dit mener sa campagne en toute “sincérité” et revendique toujours avoir “des valeurs de gauche”. Candidate aux municipales dans les 4/5 pour LREM en 2020, elle n’avait eu aucun mal à soutenir le Printemps marseillais au second tour.

Numéro d’équilibrisme

Munis de tracts, Cathy Racon-Bouzon, son suppléant Clément Deidda et son équipe de militants, alternent la distribution et le porte-à-porte. Une application mobile colore le quartier en vert ou en rouge : elle indique les bureaux de vote où les résultats sont favorables à la députée. Sa stratégie ? Défendre les dossiers qu’elle a portés pendant son mandat : l’école, la lutte contre les punaises de lit ou encore le développement des alliances entre pouvoirs publics, associations, citoyens et entreprises.

Sur le boulevard d’Arras, dans le quartier des Chartreux, trois personnes âgées assises sur un banc entament la conversation avec la députée. “On ne vous voit que pour les élections“, pique l’une d’elles. Une critique récurrente, selon la députée, qui explique travailler trois jours par semaine à Paris. Elle martèle ensuite l’adresse et les horaires de sa permanence, place Sébastopol. Le trio se plaint de dégradations et nuisances sonores dans le quartier. “Il n’y a que des racailles qui traînent et cassent tout“, assurent-elles. Face à ce discours, Cathy Racon-Bouzon soigne sa réponse et ne veut pas “tomber dans la caricature“. Elle tente de prolonger la réflexion : “Ça interroge sur les politiques publiques. Ces jeunes, probablement des décrocheurs, à quel moment on les rattrape ?

“On a une base de valeurs communes mais pas la même manière de l’appliquer

Cathy Racon-Bouzon

Je sentais le discours sur l’assistanat arriver…“, s’agace-t-elle après la discussion. La députée assure vouloir “aller vers des mesures de justice sociale et d’écologie“. Pour citer un exemple, elle se dit “fière” de la mesure de “solidarité à la source” du programme d’Emmanuel Macron, qui prévoit de verser les minimas sociaux comme le revenu de solidarité active (RSA) directement aux concernés sans qu’ils aient à en faire la demande eux-mêmes. Elle juge par ailleurs que le programme de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) “n’est pas viable”. “On a une base de valeurs communes mais pas la même manière de l’appliquer“, estime-t-elle.

La vitrine Marseille en Grand

Devant l’école des Chartreux, Amina Azizou, maman d’élève, interpelle la députée. “C’est Macron qui a débloqué les sous pour les écoles ?“. “C’est Benoît Payan qui est allé chercher les sous auprès de l’État“, répond la candidate, fair-play, dans ce secteur où le Printemps marseillais a fait de très bons scores en 2020. Sans pour autant oublier de mentionner le plan Marseille en Grand du président.

Vice-présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Cathy Racon-Bouzon s’est beaucoup investie sur les sujets d’éducation. Dans son clip de campagne, l’élue, fille de profs, pose la question : “Comment l’école, socle de notre promesse républicaine, peut-elle tenir ses promesses si les conditions d’apprentissage y sont dégradées ?“. À l’occasion de la venue du président de la République jeudi 2 juin à l’école Menpenti (10e), elle a salué par communiqué “l’engagement personnel du président et de son soutien sans faille à la réussite du projet“.

Le quinquennat de Macron à assumer

Mais pour certains Marseillais, Emmanuel Macron, ça ne passe pas. Devant l’école des Chartreux, une jeune maman décline le tract tendu. Elle dit vouloir “voter Mélenchon” pour les législatives. “Macron ne fait qu’emmerder les Français“, lâche-t-elle, reprenant une phrase du président sur les “non-vaccinés” en pleine pandémie. Cathy Racon-Bouzon essaye de nouer le dialogue avec son interlocutrice pressée, qui repartira tout de même le tract en main. Un jeune père en train de faire les courses avec son fils chez un primeur refuse aussi le document. “Je ne suis pas du même parti, précise-t-il. Mais on va pas pouvoir discuter là, le pauvre il n’a rien fait de mal“, plaisante-t-il en pointant son fils à qui il semble vouloir épargner un échange trop vif.

Sur le terrain, Cathy Racon-Bouzon doit assumer tout le bilan de président de la République, y compris les nombreuses mesures qui ont déçu et crispé à gauche. Mais la députée se dit “à l’aise”. “Les gens avancent beaucoup d’arguments subjectifs et le trouvent méprisant. Je pense qu’il est à l’opposé. Sur le terrain, il prend le temps et est très connecté avec les gens. Les petites phrases qui ont fait polémique sont sorties de leur contexte“, défend la députée, toujours fan du leader de son mouvement.

Face à la Nupes

Hendrik Davi, candidat de la Nupes et principal concurrent comme cinq ans plus tôt, reste perplexe à son égard. “Elle est d’accord avec nous sur plusieurs points. J’ai du mal à comprendre son positionnement politique. Je pensais qu’elle ferait partie des macronistes de gauche qui ont démissionné en cours de mandat“. Pour lui, Cathy Racon-Bouzon perd son temps. “L’électorat de gauche, on ne peut pas le tromper avec la retraite à 65 ans“. Lui, dresse un portrait acerbe du projet “Marseille en Grand”. De “l’enfumage” qui vise à “casser l’école”. “C’est normal que l’État investisse dans la deuxième ville de France, je ne vois pas pourquoi on devrait les remercier”, grince le candidat Nupes.

Dans cette circonscription, l’Insoumis se sent pousser des ailes et Cathy Racon-Bouzon n’est clairement pas assurée de rempiler pour un second mandat. La droite et l’extrême-droite ne s’intéressent que peu à la circonscription : aucun ténor local n’a pris le risque de s’y présenter. De quoi aider, malgré ses attaches politiques, la députée sortante.

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Commentaires

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  1. Pitxitxi Pitxitxi

    La fable du “macronisme de gauche” c’est comme pour les licornes ou le monstre du Loch Ness, on y croit de moins en moins et seulement quelques “illuminés” semblent encore se prendre au jeu…

    D’ailleurs, même les principaux concernés semblent de moins en moins jouer sur cette étiquette, préférant celle de la “fibre sociale et écologique” comme jadis la droite nous vendait son “gaullisme social”.

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  2. José Deulofeu José Deulofeu

    PLutôt que de refaire des matchs déjà joués, pourquoi ne pas s’intéresser aux nouvelles offres qui sont proposées à l’occasion de ces légilatives. A côté des trois groupes permanents, centre, gauche traditionnelle et spouverainiste, émerge une quatrième force, celle des régionalistes fédéralistes qui demandent par exemple pour PACA la même dotation avec plus de compétences que la Catalogne en ESpagne. A savoir 200 miliards d’euros au lieu des 3 milliards péniblement atteints en ce moment. COnjuguée avec la suppression des Préfets cette mesure permettrait de développer réellement l’économie sociale et solidaire dont tout le monde vante les mérites, mais que personne ne souhaite financer. Il y notamment une candidate militante associative des “quartiers” dans la 3ème circonscription : Nora Belkaroui. C’est bien dommage que les médias progressistes ne cherchent pas à explorer de telles pistes de renouveau, plutôt que de nous parler de stériles rivalités. Souvent l’avenir nous ramène vers le passé. Cet aphorisme d’Hannah Arendt ne s’applique pas qu’à Zemmour… malheureusement

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