Parlons data

Chronique
le 29 Oct 2016
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Présentation lors de la Data Literacy Conference 2016. Crédit : FING / Flickr.
Présentation lors de la Data Literacy Conference 2016. Crédit : FING / Flickr.

Présentation lors de la Data Literacy Conference 2016. Crédit : FING / Flickr.

Chaque mois, Joël Gombin mouline des données et les habille d’une représentation graphique. Ce week-end, il profite de deux événements à Aix et Marseille depuis la rentrée pour prendre du recul et s’interroger sur ce qu’on appelle la “data” : son utilisation, ses limites, ses perspectives… Bref, ses enjeux politiques.

Une fois n’est pas coutume, la présente chronique parlera de data mais n’en maniera guère. Je voudrais porter ici un regard un peu distancié et réflexif sur la question des données. Une sorte de meta data, si vous voulez (pour ceux qui ne connaissent pas le principe, voici les règles).

C’est que, vous ne vous en doutiez peut-être pas, mais nous vivons dans une sorte de hub, de cluster, que dis-je, de node mondial des données. La data pourrait bien être à la métropole aixo-marseillaise (ou marseillo-aixoise, ne brisons pas toutes les chances d’expansion commerciale de Marsactu dans l’outre-Plan-de-Campagne pour de bêtes susceptibilités langagières) ce que la panisse et le chichi frégis sont à l’Estaque.

Rentrée des données

J’en veux pour première preuve le fait que s’est tenue à Aix, les 23 et 24 septembre derniers, la première Data Literacy Conference. La Data quoi ? En gros, c’était une conférence internationale (oui madame ! Y avait même des zaméricains !) qui posait la question de savoir comment apprendre à tout un chacun (vous, moi, votre grand-mère, mon neveu) à “produire, comprendre et utiliser des données numériques” (pour reprendre le texte de l’argumentaire de l’événement). Et cette première au niveau mondial était organisée par la FING, la Fondation Internet Nouvelle Génération, un think tank (un char d’assaut bien réfléchi, en bon français) sur l’ensemble des questions numériques. Elle a notamment des bureaux à Marseille et c’était l’un des Marseillais de l’étape, Charles Népote, qui en était le grand manitou.

https://twitter.com/datactivi_st/status/779233311990419456

Charles Népote introduit la Data Literacy Conference.

La conférence était intéressante parce qu’elle montrait que les approches aujourd’hui développées pour encourager la culture des données sont extrêmement variées. On sent bien qu’on est encore aujourd’hui dans une phase largement expérimentale, dans laquelle les bonnes pratiques (alerte bingo) ne sont pas encore fixées. Ainsi, l’éventail des cas comprend l’École des données, démarche associative qui insiste sur la formation en face à face et publie tous ses supports de formation sous une licence qui autorise chacun à les réutiliser. Mais aussi l’entreprise qui développe une plateforme fermée de formation à la statistique pour les entreprises. En passant par des propositions de faire, plutôt que de la datavisualisation (des cartes et graphiques comme vous les voyez souvent dans cette chronique), de la physicalisation de données. Il s’agit de rendre les données sensibles ou tangibles, par exemple avec des briques de Lego.

Tous égaux face aux données ?

Une préoccupation transversale, qu’a bien identifiée Claire Richard qui a rendu compte de la conférence pour Rue89, est celle des inégalités liées au développement de l’usage massif des données. Beaucoup de discours mettent en avant les progrès (sociaux, économiques, environnementaux, citoyens…) que permettraient les nouveaux modèles bâtis autour de données. Mais dans le même temps la présence de plus en plus généralisée des données numériques accroît le fossé et les inégalités de pouvoir entre ceux qui savent se servir des données et ceux qui ne savent pas. Si les données sont le nouveau pétrole, qui sera l’Arabie Saoudite et qui sera la France (qui n’a pas de pétrole. Mais des idées. Enfin… on n’a pas de pétrole, quoi) ?

Le foisonnement d’initiatives pour faire des données un facteur d’émancipation ou, au moins, un outil qui donne du pouvoir au citoyen a pu également être observé lors de la matinée #OpenPaca organisée par le conseil régional PACA qui est, depuis de nombreuses années, très volontariste sur les questions d’ouverture des données publiques. On a pu y voir des collectivités territoriales ou des associations, voire quelques entreprises (telles RTE), présenter des projets inventifs et utiles pour faire en sorte que des données ouvertes puissent être appropriées par des publics et des communautés. Cela témoigne d’une certaine maturité du mouvement de l’open data, revenu d’une forme de naïveté originelle qui pouvait laisser penser que publier des données était une fin en soi, qui allait par elle-même produire des effets vertueux. Cette même maturité a pu être observée lors de l’International Open Data Conference, la grand-messe biennale de l’open data au niveau mondial, qui a eu lieu les 6 et 7 octobre derniers à Madrid.

Des données à visée aussi industrielle

La région PACA essaie de démontrer qu’elle est en pointe sur les données d’une autre manière, avec le programme Flexgrid. Il s’agit, à travers ce projet, de faire de notre région le leader des “réseaux électriques intelligents”. Concrètement, il s’agit de mieux réguler les systèmes de production, de distribution et de consommation d’électricité par l’utilisation de compteurs connectés, dont le fameux Linky, objet de moult controverses. On entre ici dans un champ des développements actuels autour de la notion de données qui est très différent : c’est celui de la “smart city”, de la mobilisation des données au service de projets industriels et urbanistiques. Ici, la data ne se doit plus tant d’être “open” (ouverte, c’est-à-dire librement accessible et réutilisable) que “smart” (néologisme pour signifier que l’attention se porte plus sur la capacité de la donnée à gérer de la valeur économique, quitte à ce qu’elle ne soit pas ouverte). On croise moins d’associations et de chercheurs mal habillés, et plus de multinationales des services publics et de cabinets de conseils en technologies de l’information. Les financements viennent moins de fondations philanthropiques, et plus de pôles de compétitivité et autres “investissements d’avenir”.

Des ponts existent entre ces deux mondes. La région PACA, dans la lignée du discours de Christian Estrosi qui veut en faire une “smart région”, essaie de rapprocher ces deux notions d’open data et de smart data. À un tout autre niveau, celui du MIT, de la Banque mondial, de Microsoft et d’Orange, l’initiative Open Algorithms se propose d’utiliser des données massives collectées par des opérateurs (de télécommunication, par exemple) en faveur de l’intérêt général sans avoir à publier des données qui appartiennent à des opérateurs privés et sont sensibles (par exemple de par leur caractère personnel). Il y a sans doute bien d’autres exemples de telles initiatives.

Reste que se jouent aujourd’hui autour des données des enjeux très politiques, au sens fort du terme. Et que notre région pourrait bien prendre toute sa part dans ce débat. Et Marsactu, à sa modeste place, toute la sienne !

Pour la transparence que nous devons à nos lecteurs, Joël Gombin nous signale qu’il a travaillé sur une mission réalisée pour le compte du conseil régional PACA. Par ailleurs, il est cofondateur de Datactivist, société qui est susceptible de candidater aux appels à projets du conseil régional.

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