[Nyctalope sur le Vieux-Port] Le retour à la nuit sans métro

Chronique
le 14 Oct 2023
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La vie nocturne, à Marseille, est rarement un feu d'artifices mais plutôt un hasard de rencontres, de rendez-vous d'initiés et parfois de fêtes sauvages improvisées. Marsactu a confié au journaliste Iliès Hagoug le soin de l'arpenter et de la raconter. Ce samedi, il revient sur la fermeture anticipée du métro la nuit en semaine.

Fini, les trajets après 21h30 en semaine. (Photo : CMB)
Fini, les trajets après 21h30 en semaine. (Photo : CMB)

Fini, les trajets après 21h30 en semaine. (Photo : CMB)

En février 2017, l’AGAM, agence d’urbanisme de l’agglomération métropolitaine, publiait une étude chiffrée sur la nuit marseillaise, spécifiquement sur les questions de mobilité nocturne. Elle constitue jusqu’à aujourd’hui l’unique travail institutionnel sur la question, qui marquait depuis quelques années le désintérêt des cercles décisionnels locaux pour la vie nocturne. Et si l’étude était globalement axée sur un développement marseillais qui se cherchait encore plus à l’époque, l’accent était mis sur la mobilité la nuit pour les acteurs économiques : “la Ville de Marseille comptabiliserait près de 55 000 emplois de nuit sur les 342 000 emplois locaux, soit l’équivalent de l’emploi total d’une grande ville moyenne”. Un chiffre pré-Covid, pré-attractivité “Marseille bébé”, que l’agence reconnaît déjà à l’époque sous-estimé. On pourrait en penser de même pour les trois millions de voyageurs sur le réseau RTM après 21 heures relevés en 2015.

Depuis, le désintérêt s’est clairement transformé en mépris avec la révélation par Marsactu de la fermeture du métro dès 21 h 30, pour une durée apparemment élastique. Un retour vers le futur dans une ville où c’était la normalité jusqu’à il n’y a pas si longtemps : avant 2013, le métro fermait tôt. Sauf les soirs de match, bien sûr. Des discussions entendues en terrasse ces deux dernières semaines se font aussi la preuve du changement marseillais : “Sérieux, avant il n’y avait jamais de métro le soir ?”. Inimaginable pour certains néomarseillais, qui sont brutalement ramenés à ce qu’est cette ville sous certains aspects.

Et si, depuis, la communication a été lancée dans un mouvement de panique, elle n’est pas allée très loin. Pas même jusqu’aux cuisines du cours Julien, où comme beaucoup d’autres, Jamel, 22 ans, vient d’ailleurs pour bosser tous les soirs, de près de Felix-Pyat pour être précis. Si près quand on sort du métro National, et si loin quand on doit traverser la Plaine, le tunnel “Porte des étoiles” du boulevard National jusqu’à sortir de la Belle-de-Mai et longer Saint-Mauront. Jamel fait partie de ces travailleurs de nuit qui prennent le métro tous les jours. Il est donc un habitué du métro Notre-Dame-du-Mont, aux heures où peu veulent le prendre, aux heures où il ferait passer les ruelles avoisinantes pour des décors pittoresques et pas du tout glauques. Après le service, en général entre 23 heures et minuit.

“Je me suis dit que c’était pas possible, ils auraient mis des affiches ou quoi”

Il est sous le choc lorsqu’on lui parle de ce que cette fermeture va changer à son quotidien : “J’en avais entendu parler vite fait qu’ils allaient fermer, mais je voulais pas y croire. Je me suis dit que c’était pas possible, ils auraient mis des affiches ou quoi”. Et pourtant.

Jamel fait tourner ses neurones et arrive à la même théorie entendue dans certaines rédacs et milieux politiques pour expliquer ce choix : “Ça l’aurait mal foutu qu’ils parlent de ça pendant que tous les rugbymen bourrés claquent des sous à Marseille”. On imagine mal en effet les bus fièrement floqués de drapeaux pour accueillir la coupe du monde de rugby et d’une pub de la métropole sur les vélos électriques être accompagnés d’un large panneau annonçant la fermeture du métro à 21 h 30.

Malgré tout, c’est la nouvelle réalité, et Jamel commence à en comprendre l’ampleur. Difficile de lui répondre lorsqu’il demande le chemin qu’il doit désormais prendre pour pouvoir rentrer chez lui en semaine après le boulot, ou quand l’OM n’a pas la bonne idée de jouer en semaine, le métro restant gracieusement ouvert tard les week-ends, et, à nouveau, les soirs de match. “Donc je suis censé descendre au cours Lieutaud, et prendre un bus qui met 100 ans. C’est bientôt l’hiver, on va se geler, trop bien”. Un peu de sarcasme qui déguise à peine un venin un peu résigné : “Ouais en fait c’est comme d’habitude, ils s’en foutent de nous. Et encore, moi j’habite presque en ville. T’imagines mon cousin qui vient de la Rose ?”.

“Pour avoir une vie il va falloir qu’on se trouve un appartement en ville”

Numéro transmis, son cousin ne veut pas vraiment en discuter. Mais pas loin, parmi les gens frappés de plein fouet par cette fermeture et qui ont un trajet régulier Nord-centre il y a aussi pas mal d’étudiants. Parmi eux, Flo s’apprête à entamer sa deuxième année à Saint-Jérôme. Il est arrivé à Marseille “d’un bled paumé, tu saurais pas où c’est” et il le reconnaît, ce n’était pas son premier choix. Mais il a rapidement changé d’avis : “En vrai je m’y suis fait, je descendais à Frais-Vallon avec la musique dans les oreilles et j’arrivais en centre-ville. J’ai pu découvrir des côtés de Marseille que je soupçonnais pas. Maintenant, je sais plus du tout comment je vais faire. Et honnêtement, je crois que ça va être très dur pour ceux qui viennent d’arriver. Ils connaîtront jamais ça, ils vont restés enfermés dans leur chambre”.

La perspective d’une vie d’étudiant en soirée dans une cité U de Saint-Jérôme ne fait en effet pas rêver, mais c’est bien la réalité qui attend ceux qui débarquent l’année prochaine. “En fait, c’est débile, pour avoir une vie il va falloir qu’on se trouve un appartement en ville”. Lorsqu’ils apprennent des réseaux sociaux la mauvaise nouvelle, Flo et quelques potes déclenchent un branle-bas de combat : Leboncoin, Jynka et d’autres moteurs de recherche de location sont rapidement déclenchés. “Je plains les pauvres gars qui vont rester ici deux ans sans connaître autre chose de la ville que la fac le soir. Mais nous, on n’a pas le choix, on a pu goûter à ça, et il est pas question que je prenne trois bus qui vont être bloqués tout le temps pour sortir quand j’en ai envie”.

Jamel lui a d’autres plans : “J’étais en train d’économiser pour prendre un appartement. Et ben à la place, je vais prendre une trottinette”. Parce que parfois, l’indépendance dépend de la bonne volonté de la RTM.

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Commentaires

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  1. Franck Franck

    personne ne prend le métro le soir. Avant, les marseillais étaient d’accord pour fermer le métro avant 21h30 afin de ne pas voir les quartiers nord déferler dans nos rues.

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    • saveria555 saveria555

      Vous avez fait l école des clown?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      On n’a pas l’habitude de lire des commentaires aussi pitoyables sur Marsactu. Et on aimerait que ça continue. Ce n’est pas Le Figaro ou Valeurs Actuelles ici.

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    • catherine catherine

      Ça va pas de dire de telles bêtises?!?!

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    • Laetitia Ugolini Laetitia Ugolini

      Personne ne prend le métro le soir ? On voit que vous ne connaissez rien de rien …

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