[Mon bungalow sur la Côte Bleue] Martigues touristique

Chronique
le 18 Août 2020
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Michel Samson quitte son bungalow au Pascalounet pour rejoindre la Venise provençale et tenter de comprendre comment est née la vocation touristique de cette ville industrielle et communiste.

Le miroir aux oiseaux sur l
Le miroir aux oiseaux sur l'île de Martigues. Photo : Emilio Guzman.

Le miroir aux oiseaux sur l'île de Martigues. Photo : Emilio Guzman.

La série

En juillet, Michel Samson a passé une semaine au camping Pascalounet, juste avant l'incendie qui a ravagé les alentours. Objectif : prendre le pouls post-confinement de cette saison touristique.

Martigues est dirigée par des élus communistes depuis 1959 ! Sans oublier que Paul Lombard, décédé le 7 juin 2020, a été durant 10 ans le premier adjoint de son tuteur communiste avant de devenir maire lui-même. Et Gaby Charroux, son successeur, élu au premier tour en 2020 ! Évidemment cette continuité politique dans une ville riche, tient au fait que la gauche locale s’appuie sur le mouvement syndical, les associations populaires et culturelles de toutes natures. Et les importants établissements industriels, usines chimiques, raffinerie ou centrale électrique qui sont installés au bord de la mer comme le port industriel – et martégal – de Lavéra… On peut même se baigner au pied de la centrale de Ponteau dont on aperçoit les immenses cheminées rouges et blanches des kilomètres à la ronde.

Mais celle qui aime se faire appeler la Venise provençale grâce à ses canaux et à son superbe miroir aux oiseaux est aussi la ville des Bouches-du-Rhône qui comprend le plus de campings. Lors des vacances scolaires, ils sont des centaines de milliers à passer leurs congés dans ces établissements à La Couronne, ce quartier méditerranéen de la ville qui abrite des plages de sable jaune ou des morceaux de falaises ornées de pins. J’ai longtemps cru que cela représentait un peu “la Côte d’azur des pauvres”, pas assez riches pour aller à Bandol, Antibes ou Juan-les-pins.

Le train comme vecteur touristique

Didier Cerboni, qui dirige l’Office du tourisme installé juste en face de la mairie, insiste lui sur le train de la Côte bleue qui va de Marseille à Miramas, pour raconter l’émergence de cette zone touristique. “C’est avec ce train que nombre de Marseillais, avant la deuxième guerre mondiale, et surtout après, sont venus se baigner dans ces quartiers de notre ville”.

Ils y venaient les week-ends, et lentement y édifiaient leurs cabanons sans grand respect du moindre permis de construire : ces petites maisons de bric et de broc devenaient leur résidence secondaire. Dans ce que les dirigeants de la ville appelaient volontiers des “écarts”, ces installations devenaient pérennes. Cerboni se souvient d’une vieille expression populaire à propos d’un de ces écarts, Carro, qui reste aujourd’hui un quartier de pêcheurs : “Si tu vas à Carro, mène ton eau”. Manière de dire que le hameau n’était pas raccordé comme le sont les quartiers urbains. Prosper Gnidzaz, cinéaste qui a donné son nom au musée du cinéma de la ville, avait présenté un soir un film en noir et blanc tourné à Carro qui apparaissait comme un village sans eau ni électricité formé de quelque misérables cahutes de pêcheurs autour d’un petit port.

Transformer “les écarts” en bien commun

Selon Didier Cerboni c’est entre 1984 et 1995, et singulièrement à partir de 1989, que le maire Lombard veut mettre en valeur ces écarts. En apportant tous les services à la population de ces lieux, c’est-à-dire en les dotant d’équipements équivalents à ceux des autres quartiers : “Des conseils de quartier, mais aussi des crèches, des écoles et tout ce qui va avec”. Mais, et c’est probablement une décision majeure, en comprenant que le littoral fait partie “d’un bien commun” qu’il faut préserver. Le schéma directeur de Martigues intègre donc cette dimension symbolique et politique et la mise en valeur du littoral sera faite à l’aide de sociétés d’économie mixte dans lesquelles la municipalité garde le pouvoir. “On n’a même refusé le Club Méditerranée” qui avait compris que le site valait de l’or, mais qui, selon Cerboni, arrivait avec ses conceptions, ses fournisseurs sans se soucier de l’économie locale. Et, insiste-t-il “de la population locale“.

Cette modernisation de la Côte bleue passe aussi par des changements profonds : les cabanons transformés en résidence secondaire ne permettent pas de roulement. Peu à peu la société d’économie mixte le Semovim, qui anime les sites, prend possession des lieux et le roulement de touristes commence : c’est beaucoup plus rentable que ces installations sans droit devenues pérennes. Naissent alors ces campings des années 2000 dont on a vu  qu’ils restaient propriétés des descendants directs de ceux qui les avaient fondés (lire l’épisode consacré aux propriétaires). Ils se transforment aussi en SARL, capables de se moderniser pour accueillir des estivants de tous milieux. Et pas seulement des gens qui ne disposent pas de moyens suffisants pour aller sur la trop célèbre Côte d’azur.

Un demi-million de nuitées par an

Restent quelques traces de ces cabanons au Pascalounet (lire l’épisode sur les habitués). Mais dans les autres campings elles ont totalement disparu. Et on a vu que les prix de locations d’emplacement, outre qu’ils vont volontiers du simple au triple, dépassent souvent les tarifs des hôtels et autres meublés qui, eux aussi, sont nombreux. En 2019, 533 000 nuitées de touristes ont été dénombrés dans les campings, hôtels et meublés (déclarés) à Martigues !

Ces écarts longtemps oubliés constituent désormais une ressource importante de l’économie de la ville rouge. Par les taxes perçues, bien sûr, mais aussi par des choses auxquelles on ne pense pas spontanément : les marchés, les supermarchés, les restaurants, et “les stations- service par exemple”, sourit Didier Cerboni. D’ailleurs, Roselyne Olmier du camping Le Mas, s’en souvient : “Longtemps, dans des salons de tourisme, les organisateurs savaient pas où classer – et placer – les représentants martégaux entre Côte d’azur et Languedoc, lieux bien reconnus comme régions touristiques. Depuis 2000, on les installe dans la zone touristique Bouches-du-Rhône/Provence”. Une nouvelle dénomination, donc, qui raconte l’histoire de la transformation de l’ouest du département.

Les précédents épisodes de cette série sont à retrouver ici.

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