Michel Samson vous présente
Mazargues, un village dans la campagne

[Mazargues, un village dans la campagne] Pour discuter politique, rendez-vous à la paroisse

Chronique
le 13 Mar 2017
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La rue Émile-Zola et l
La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)

La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)

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Après la justice et la culture, Michel Samson poursuit son compagnonnage journalistique avec Marsactu. Dans cette nouvelle chronique, il regarde la campagne présidentielle depuis le village de Mazargues. Ancré à droite, malgré un vieux fond de gauche, à la lisière de quartiers populaires, le quartier natal de Jean-Claude Gaudin est son nouveau terrain d’exploration. Pour ce troisième épisode, il souligne le décalage entre le maigre débat au sein de la section socialiste et celui, bien plus consistant, tenu à la paroisse sur le revenu universel, proposition phare du candidat socialiste à la présidentielle.

Lundi soir réunion de la section socialiste 309, « 17 présents, 4 excusés ». Ça commence par un accrochage sur la façon dont le compte-rendu de la dernière séance a été rédigé par le secrétaire. Légère tension, on passe au débat politique du jour. Les doigts se lèvent, il y aura « 19 intervenants » comptabilisés par le secrétaire Laurent Sauze. Dans son introduction, il déplore une campagne “où on ne parle pas du fond”, souligne que “Marine Le Pen est capable d’être élue mais n’aura pas 250 députés du FN”. Lui qui vote Macron se désole de la forme de l’accord Hamon/Jadot avant de conclure que “le parti est coupé en deux”.

Magali, chargée de la campagne locale en cours et qui a longuement milité au MJS décrit avec amertume “une situation catastrophique. En douze ans de vie politique je n’ai jamais vu ça ! Quand c’était la campagne Hollande ou même Royal tout le monde était derrière le candidat”. Démarré sur cette question, où la tactique électorale effleure à peine les programmes, le débat n’évoquera rien d’autre. Un jeune intervenant explique qu’on ne peut pas “être ministre et critiquer le gouvernement” comme l’a fait Hamon. Une autre, presque enthousiaste, explique au contraire : “Je ne le connaissais pas il y a trois mois, je trouve qu’il est brillant”. Quand un troisième avoue : “Je ne sais pas pour qui je vais voter”, approuvé par quelques hochements de tête. Marouane, qui avait trouvé Montebourg convaincant lors de la primaire, soutient qu’elle fut en fait “une préparation du congrès”, avant de déclarer que “mon parti socialiste n’est pas sur la ligne de Hamon…” Bref, entre ceux qui hésitent, les hamonistes et les macronistes qui font une sorte de grève des jambes, l’organisation de la campagne sur le terrain parait impossible.

Elle est donc confiée au comité de campagne qui se réunira deux jours plus tard dans la même brasserie. Les volontaires pour tractage et boitages sont six – et courageux. Ils organisent ce qu’ils peuvent, un boitage à La Soude, deux diffusions de marché et un autre sur la célèbre place Robespierre le samedi matin, à l’heure des courses.

Le mardi 7, une dizaine de militants de la 309 étaient présents au grand meeting de Benoit Hamon parc Chanot. Au milieu des 3000 présents, « chiffre décevant » pour Magali. Contents d’être venus entendre leur candidat : Hamon parle bien, ses partisans étaient ravis et les macronistes ont légèrement applaudi deux ou trois fois. Mais pas apprécié du tout qu’il s’en prenne aussi à leur candidat préféré, celui qu’il décide ce soir-là « d’appeler monsieur ». Discussions tactiques et pratiques en section, meeting centré sur les retraites et la transition démographique : il ne fut jamais question ces derniers jours de la proposition centrale de Benoit Hamon, celle qui signe son programme et sur laquelle ses experts travaillent afin de la rendre crédible : le revenu universel, quand bien même il n’est plus si universel que ça.

À gauche, le meeting de Hamon, à droite, la réunion de la paroisse sur le revenu universel

Pourtant, cette passionnante et très délicate discussion de fond a bien eu lieu à Mazargues : lors de la réunion paroissiale du vendredi 3 mars, salle Ramiel, juste derrière l’église. S’y tint en effet à partir de 19h30 un « apéro-débat » avec 35 présents qui se retrouvent en bavardant autour de quelques morceaux de pizza, de quiche ou de fromage.

Installation en arc de cercle, l’animateur présente l’équipe qui a préparé la réunion, dont “mon épouse, c’est pas un emploi fictif”. La discussion commence, portée par deux hommes qui connaissent le dossier sur le bout des doigts. Celui qui présente les arguments “pour”, Steeve, est scientifique en mathématiques et chercheur à Luminy. Le “contre”, Gilles, est économiste, enseignant et chercheur. Attention soutenue, les arguments sont illustrés par des tableaux analytiques projetés sur le mur blanc. Dans un silence complet, deux petites vidéos, extraites de débats télévisés, montrent des partisans et des adversaires « de gauche comme de droite » de ce revenu universel.

Le débat s’ouvre après ces présentations. Un patron souligne que “les entrepreneurs ne trouvent personne, même pour les emplois non qualifiés”, avant qu’une jeune femme souligne que “la France travaille pour payer ses dettes”. Une militante socialiste présente estime qu’il “faut répartir mieux la richesse et ne pas oublier l’évasion fiscale”. “Notre Seigneur nous demande de travailler, c’est une question majeure pour moi”, explique alors une paroissienne. La dernière partie du débat est portée par un des animateurs qui a cherché dans Laudate si, l’encyclique du pape François, ce qui relevait du “bien commun” plusieurs fois évoqué lors de la discussion.

“C’est un peu une lecture politique de Laudate si“, souligne-t-il avant de relever qu’elle dit qu’il est “indispensable d’intégrer la valeur travail dans l’approche sociale de ‘l’écologie intégrale’”, sujet de l’Encyclique. Les trois jeunes présents, arrivés en retard, sont invités à conclure : “C’était super, ça m’a encore plus embrouillé !”, sourit l’un d’eux qui s’estime “un peu conformiste”, manière de dire qu’il n’est pas spontanément pour le revenu universel. Le père Philippe Barrucand, conclut cette soirée d’étude en se félicitant de “ce travail de discernement, indispensable”, comme cela l’est aussi d’apprendre à “écouter l’autre”. Plutôt contre ce revenu, il évoque cette différence, majeure selon lui, entre “l’être et le faire”. Une question dont on n’a pas l’impression qu’elle passionne les candidats à la présidentielle.


Géographie électorale de Mazargues

Quatre bureaux de vote de Mazargues (contours non officiels reconstitués dans le cadre du programme de recherche Cartelec).

Qu’est-ce que Mazargues ? Lorsque nous avons arrêté avec Michel Samson son terrain d’observation de la campagne présidentielle, la question s’est posée d’emblée. Si l’on suit l’orthodoxie des fameux 111 quartiers de Marseille, Mazargues compterait environ 17 000 habitants sur un périmètre englobant une bonne partie du boulevard Michelet et poussant à l’est jusqu’à Valmante (voir cette carte).

Dans un premier temps, c’est plus spécifiquement dans le “noyau villageois”, structuré par la rue Émile-Zola, que Michel Samson a décidé de flâner. Électoralement, cela correspond à peu près aux bureaux de vote 951 et 952. En 2012, Nicolas Sarkozy y a dépassé sa moyenne régionale avec près de 35 % des voix au premier tour (contre 27,2 % au niveau français). Lors des régionales 2015, Christian Estrosi a fait jeu égal avec Marion Maréchal-Le Pen autour de 33 %, bien plus que les 26,5 % réalisés sur l’ensemble de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Mais considéré plus largement, le quartier de naissance de Jean-Claude Gaudin n’est pas le bastion de droite que l’on pourrait croire. Les bureaux 953 et 954, qui recoupent d’une part les résidences Lancier – Cyclamen – Myosotis, d’autre part les alentours de La Soude, montrent bien la diversité des électorats. Leur variabilité aussi : en 2012, trois-quarts des inscrits du bureau 954 s’étaient déplacés pour le premier tour, seulement un peu plus d’un tiers pour les régionales trois ans plus tard…

Julien Vinzent

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