[Marseille Miami] Parvenir

Chronique
le 13 Août 2022
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Durant l'été, la dessinatrice Émilie Seto prend les commandes de notre chronique du week-end. En cinq épisodes, elle a choisi de raconter, entre ironie et tendresse, le Marseille de la frime et du clinquant. Pour ce quatrième volet, plongée au casino de la réussite.

(Illustration : Émilie Seto ; cliquer pour agrandir)
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Aujourd’hui, on parle des rêves de grandeur ratés d’une ville et son autre carte postale du luxe. C’est Miami dans un monde effondré, Miami devenu un rêve aussi ringard qu’indéfendable. Décidé à se montrer d’autant plus bruyante et tape-à-l’oeil qu’elle se sait dorénavant mourante et insoutenable. Aujourd’hui, on parle de la manière dont le spectre d’un bonheur d’abondance et de droite a beau s’être éteint au loin, il continue de briller et garde ses derniers rayons pour taper très fort sur toutes nos têtes.

Pour beaucoup de ceux qui ont charbonné ici bien au-delà de ce que l’on peut imaginer pour enfin gagner le droit de frimer, la brillance caniculaire du million et de la réussite ressemble au braquage d’un casino planté sur la côte d’azur. Aujourd’hui, on parle brièvement du vaste sujet de ceux qui grimpent à vitesse grand V l’échelle sociale, et font partie intégrante du patrimoine culturel d’une ville qui sait aussi bien produire une effarante misère que du millionnaire ancien et -parfois- nouveau.

Après une brillante carrière partie de la Savine, c’est l’Algerino en pull balenciaga orange qui se dandine dans le casino PLEINAIR à la Ciotat que l’on peut voir dans le clip de SAPAPAYA. Entouré d’une nuée de mômes de 20 ans, il chante “c’est MARSEILLE, c’est pas MIAMI” avant de filer en décapotable au milieu de la nuit noire. Personne ne lui susurre à l’oreille qu’il est sans doute un peu trop vieux pour rêver ainsi, et on le voit chantonner alors qu’il file sur le périph éclairé par la lumière du tableau de bord, entouré de deux autres gars sur lesquels personne n’aurait jamais pensé à miser. Trois types ont raflé la mise au casino de ceux qui démarrent de rien, c’est toutes les vengeances sur les destins tout tracés et les chances minuscules d’y arriver, et ça a la beauté flamboyante d’un millionnaire que personne n’attendait, dans un monde où il arrive tragiquement bien trop tard pour que ce train de vie soit supportable pour tous.

L’autre jour à la radio alors que j’entends un énième « transfuge de classe » qui se sent coupable parler de ceux qu’il a laissé derrière lui, je me dis que c’est probablement ainsi que l’on attend d’un pauvre qu’il se sorte de sa condition, avec la mauvaise conscience de celui qui se sait déplacé, terrorisé par la vulgarité des nouveaux riches, scrutant le moindre de ses propres gestes par peur de leur ressembler, avec le fond de l’âme malheureux de celui qui se dit qu’il aurait peut-être dû continuer à souffrir avec les damnés de la terre.

Et qu’un seul parvenu heureux vaut bien toute cette tristesse socialement acceptable.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Si il n’y avait que les “Mia” marseillais pour rêver de Miami, rappelons nous les vacances,oh pardon,le voyage d’études de la gaudinie vers cette ville de Floride ,pour signer un accord de collaboration,en fait du flan, qui suivant la tradition gaudinesque n’a rien généré hors mis des notes de frais.
    Curieux cette tendance de la cité phocéenne à aimer tout ce qui est bidon.

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  2. Christophe Goby Christophe Goby

    Bravo.

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  3. Patafanari Patafanari

    Un monde joyeux et coloré. Merci à l’autrice de nous faire connaître les formidables talents que recèlent les cités sensibles, bien loin des clichés misérabilistes que l’on nous sert habituellement.

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