[Marseille Miami] Les châteaux de sable
Durant l'été, la dessinatrice Émilie Seto prend les commandes de notre chronique du week-end. En cinq épisodes, elle a choisi de raconter, entre ironie et tendresse, le Marseille de la frime et du clinquant. Pour ce dernier volet, elle part des hauteurs bétonnées de la colline Périer pour finir sur le bord de mer désuet du côté du David.
[Marseille Miami] Les châteaux de sable
Après avoir regardé Marseille de haut, être parvenu aux plus belles femmes et à manger de l’or, la dernière étape de la promenade de l’été se passe dans le béton des hauteurs et du bord de mer. De là où les palmiers Miami jaunissent en suivant la pente de la descente en gamme de la colline.
Une certaine frime architecturale règne sur les collines de Marseille, alors qu’aux points culminants de la ville, on peut à peine distinguer à travers les forêts de murs, les taches bleues des piscines sur les toits. Loin du charme ancien des maisons de vieilles pierres, mais tout contre et très proche en même temps. Les valeurs esthétiques de ces constructions modernes sortent tout droit d’un monde très éloigné de celui de la bourgeoisie patrimoniale. Pourtant, les barrières sécurisées qui en barrent les accès nous indiquent que ce sont les mêmes peurs dont tout ce pays est malade. Celles qui emmurent le luxe des bassins et des terrains de tennis.
Sur les sommets, les grands vaisseaux de béton méditerranéen contemplent le monde des bastides, celui des barres d’immeubles moins fortunées, des résidences de vacances, et des touristes qui pensent y mener la grande vie. Périer, Prado, palmiers, jogging, jacuzzi, bagnoles sans permis… D’un bord à l’autre les plaisirs se font de moins en moins privés au fur et à mesure de la redescente vers le monde commun des vacances à la mer. Ils font tout autant partie de l’imagerie du frimeur plébéien que les piscines géantes des résidences fermées appartiennent à celle des aristocrates en tongs.
Et tout en bas, au royaume des rêves de grandes vies brisées sur l’écume des paysages de bord de mer, aux pieds de Thalassa et de Super Cadenelle, se tiennent des mausolées de la flamboyance azuréenne. La grande époque des palmiers et des immeubles beiges semblent ici bien révolue, alors qu’un flot ininterrompu de bagnoles passent devant, pour s’arrêter un peu plus loin au nord ou au sud après le David et laisser les restaurants vieillissants lentement mourir dans la chaleur de l’été.
Entre les pelouses grillées par le soleil, la terre dure et sèche, les digues en béton et les moteurs qui grondent à côté, c’est tous les rêves d’une dystopie néo-libérale morte née dans le désert qui imprègne un quartier qui n’a su proposer aux touristes que des snacks moyens et un karaoké triste.
C’est l’imaginaire des souvenirs de vacances à la mer d’une grande partie de ce pays qui s’envolent avec le sable artificiel des plages, des stations balnéaires fantômes errantes dans les mémoires. Le paradis d’une enfance qui n’a jamais grandi et dévoile tristement ses couleurs passées à l’âge adulte au milieu des parkings cassés et des châteaux en ruines de l’été.
Commentaires
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Finalement, Émilie ne serait-elle pas un peu snob ?
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Payer sa résidence 10000 €/m2 et trouver au pied de sa demeure G la dalle, une autoroute urbaine, un marchand de mauvais churros et l’Egoutveaune !
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Cette résidence était, dès sa conception, une verrue et une arnaque gaudinienne.
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j’aime cette poésie aussi réaliste que discrète qui se promène entre les lignes de ce “Les châteaux de sable”
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Si tous les dessinateurs pouvaient ecrire comme ça…
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