Le tea time de Tooza Theis

Chronique
le 14 Nov 2020
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Depuis plus de 20 ans, Malika Moine croque la vie en (dé)peignant l'actualité plus ou moins brûlante de Marseille et d'ailleurs. Au long cours, elle s'intéresse aussi aux lieux où l'on boit, mange et danse parfois. Pour Marsactu, elle va à la rencontre des gens dans leur cuisine. Elle en fait des histoires de goût tout en couleurs. Aujourd'hui tea time avec Tooza.

Le tea time de Tooza Theis
Le tea time de Tooza Theis

Le tea time de Tooza Theis

Vous avez sans doute déjà croisé Tooza, une grande femme aux cheveux rouges – et blancs aussi depuis un temps – qui arpente d’un pas sûr les rues de la ville, du nord au sud et d’est en ouest. Parfois, elle photographie les murs, ceux qui parlent ou sont peints, parfois elle porte une quantité inimaginable de matériel, osier, joncs et autres roseaux appelés à devenir des luminaires, des poissons ou des cabanes. Si vous ne la connaissez pas, il y a de grandes chances que vos enfants ou vos petits-enfants la reconnaissent, tant elle a fait d’ateliers de rue, et de crèches… “Les bébés y sont comme des étudiants des Beaux-Arts, ils font de la peinture, de la terre, du collage, des constructions…” Infatigable, elle regrette “ces trucs que je ne peux plus faire et que je fais quand même, alors, je me fais mal…”

Elle est née il y a une soixantaine d’années en Angleterre à Catsfield, littéralement “le champ des chats”, à côté de Hastings, “la ville où Guillaume le Conquérant et les Normands nous ont cassé la gueule”. Son père était urbaniste et sa mère enseignait l’anglais aux étudiants venus faire des séjours linguistiques. “On était considérés comme marginaux parce qu’on mangeait des pâtes. Ma mère avait beaucoup voyagé et notamment vécu aux Etats-Unis pendant deux ans. À côté de la cuisine américaine un peu pourrie, il y a l’influence des cuisines étrangères. Elle faisait tout, son pain, ses yaourts, on mangeait que des trucs fait-maison. Je me souviens de ses lasagnes, ses fishpies -un gratin de poisson et de pommes de terre, et du Sunday roast : de la viande, des pommes de terre au four, des légumes verts : le repas classique du dimanche midi !” Tooza est devenu végétarienne à 11 ans, “parce qu’elle n’aimait pas la viande”.

L’amour de la cuisine de sa maman s’est transmis sur plusieurs générations : “Mes sœurs sont dingues de cuisine, elles font des concours de truffes à Noël, elles regardent les émissions culinaires à la télé… Elles font les recettes à la lettre, même celles qu’elles font chaque semaine… Mes enfants disent que ma mère les a influencé, elle faisait la cuisine avec eux.”

La vie de Tooza pourrait faire un roman. Entre quatre et six ans, elle vit au Nigéria avec sa famille. Puis, ils rentrent en Angleterre et à 15 ans, elle les suit à nouveau pour trois mois au Nigéria avant de revenir finir son brevet en Angleterre. À 16 ans, elle retourne pour un an et demi en Afrique, et rentre seule dans son pays natal en un périple de plusieurs mois pour faire les Beaux Arts à York et Leeds. Elle retournait encore au Nigeria il y a quelques années voir son papa qui est resté là-bas jusqu’à 85 ans.

Elle s’est installée il y a plus de 40 ans en Dordogne avec le père de ses enfants. “Pendant des années, j’ai fait la cuisine pour gagner de l’argent. On faisait des gâteaux, les « little Sarlat gold mines » [les petites mines d’or de Sarlat] qu’on allait vendre au marché. Pendant cinq ans, j’ai cuisiné cinq semaines par an dans un centre tibétain pour 150 personnes des repas végétariens. Ma fille m’aidait.” Tooza sort une lettre d’une “Véronique de Corse” qui la félicite au nom de tous les convives pour “ses succulents repas”.

Depuis 20 ans, elle est venue vivre à Marseille “je m’étais juré que je partirai avant mes enfants de la maison familiale de Dordogne”. Elle y a gardé un cabanon, mais habite maintenant rue Sénac en coloc. “On mange pas du tout la même chose avec ma coloc et on n’a pas les mêmes horaires. Je cuisine quand j’ai faim et je mange parfois à 15heures.”

“Le Tea time : c’est comme le goûter en France, tu bois du thé et tu manges un gâteau.” Tooza sort le carnet de recettes que sa maman lui a offert pour ses 18 ans. Sous chaque intitulé, il y a des remarques, des annotations. Toutes les mesures sont en anglais et faire la conversion est parfois un casse-tête. “Je vais essayer de faire les brownies, les ginger biscuits, le gâteau aux cerises confites, les small coffee cakes… D’habitude, je ne suis jamais les recettes, je fais toujours avec ce que j’ai dans les placards…”

Avant d’attaquer les brownies, on mange un bol de soupe aux légumes et au vermicelle chinois. C’est bon, ça réchauffe autant que le soleil qui se profile à travers la fenêtre ouverte de la cuisine. les oiseaux chantent.

Les brownies ou little sarlat goldmines

Sur les brownies, (les little Sarlat goldmines que Tooza vendait au marché et que précédemment sa maman faisait en quantité, “dans une cuisinière en fonte énorme qui ne s’éteint jamais. Les gens venaient en voiture de sport de Londres, à 1h30 de route, en acheter. On disait que c’était des rockstars en proie au munchies…”) la maman de Tooza a noté : “S’améliorent s’ils sont gardés un jour ou deux dans une boîte en fer”.

Les brownies

– 6 œufs

– 100 g de cacao maigre

– 250 g de farine

– 600 g de sucre

– 6 cuil à soupe de lait

– 300 g de beurre

– noix

– vanille

 

Elle allume le four mais prévient : “Je ne suis pas sûre que le thermostat du four marche bien… et  si tu veux que je suive la recette, ça va être une blague !”. Néanmoins, elle la lit méticuleusement. Elle pèse et mélange ensemble la farine, la levure, le sucre et cacao dans un grand saladier avec une spatule en bois et met à fondre le beurre dans une casserole. Elle beurre un moule, puis un deuxième avec le papier d’emballage du beurre.

Elle casse les œufs, les bat, ajoute du lait et incorpore le tout au mélange sec. Puis, elle ajoute le beurre fondu et quand la préparation est fluide, elle y jette les noix, “j’en ai déjà mangé la moitié, pourtant, je m’étais raisonné mais ça a marché cinq minutes…” La pâte est onctueuse. Elle la verse dans deux moules qu’elle enfourne à four moyen pour 20 minutes. “Quand on était petit c’était la bagarre pour qui lècherait le saladier…”

Les ginger biscuits (Biscuits au gingembre)

Tooza raconte “c’est une recette qui s’est perdue, qui est devenue un peu mythique dans la famille. Et un jour, quelqu’un l’a retrouvée”. La voilà :

Les ingrédients secrets des ginger biscuits

– 230 g de farine

– 120 g de sucre

– 120 g de beurre

– 1 cuil à café de bicarbonate (que l’on peut remplacer par de la levure)

– 1 cuil à café de gingembre en poudre

– 2 cuil à soupe de golden syrup- « l’ingrédient magique des recettes typiquement anglaises… » (que l’on peut remplacer par du miel si on n’en a pas).

Tooza mélange à la farine le bicarbonate et la poudre de gingembre. “Shit! j’ai pas fait ce que dit la recette… Normalement, il faut faire fondre le sucre avec le beurre et moi je l’ai mis dans la farine… Tu crois que ça va changer quelque chose ?” On verra bien mais “ça devrait pas être mauvais” comme le fait remarquer Mélodie, la coloc de Tooza qui met aussitôt le beurre à fondre -donc, avec le sucre si on fait tout comme il faut…- et ajoute les 2 cuillerées de miel (il n’y a plus de Golden Syrup). Les brownies embaument mais il faut attendre encore cinq minutes avant de les sortir du four. Tooza verse le beurre fondu dans le mélange de farine et travaille la préparation à la spatule. “Ca me paraît un peu sec mais on verra”. Il faut maintenant faire de petites boules sur une plaque. Au four, elles devraient s’étaler.

La pâtissière sort les brownies, les démoule et les coupe en petits carrés fumants qu’elle dispose sur une sorte de grille ronde prévue pour faire refroidir les gâteaux. Il y en a une montagne ! Je goûte un petit bout tombé, c’est très cacaoté et pas aussi sucré que j’aurais imaginé. “Ma mère nous en envoyait dans des colis quand on était à la fac et mes sœurs l’ont aussi fait avec leurs enfants… Les colocs étaient contents et la réputation des brownies est allée loin…”

Les small coffee cakes

Tandis que le soleil me réchauffe ardemment le visage, Tooza enfourne les ginger biscuits et sans transition, s’apprête à faire des small coffee cakes. “Des petits gâteaux excellents pour toute urgence. Ils doivent être mangés tout de suite. S’ils sont gardés, ils perdent leur charme.”

Small Coffee Cakes

Pour le biscuit :

– 225 g de farine

– 1 œuf

– 85 g de sucre

– 100 g de beurre

– 3 cuil à soupe de lait

– 2 cuil à café de levure

– Essence de café ou du café très fort

Pour la crème :

– 50 g de beurre

– 100 g de sucre glace

– Essence de café ou du café fort

 

Tooza mélange la levure à la farine et y incorpore le beurre comme pour une pâte à tarte. Elle rajoute le sucre à la préparation, puis, l’œuf battu avec le lait et le café très fort (ou l’extrait de café). Elle beurre la plaque à biscuit et y pose la pâte en petits tas. “Ils ont pas la même tête que dans mes souvenirs, je n’en avais pas fait depuis 30 ou 35 ans !”

Elle sort les ginger biscuits qui ne se sont pas étalés comme prévu mais que l’on s’empresse de goûter -ouf ! ils sont délicieux- et enfourne les small coffee cakes pour 15 minutes à four chaud. La suite des opérations viendra après la préparation du cherry cake.

Le cherry cake

La recette préférée du frère de Tooza, c’est l’annotation de sa maman.

Cherry cake

– 225 g de beurre sorti du frigo auparavant.

– 170 g de sucre

– 3 œufs

– 340 g de farine

– 1/4 de cuil à café de sel

– 2 cuil à café de levure

– Le zeste d’un citron

– 200 g de cerises confites

– 1 peu de lait

Tooza travaille le beurre à la spatule avec le sucre. À part, elle mélange la farine et la levure. Elle bat les œufs et les incorpore énergiquement au beurre sucré. Elle râpe le citron dans la préparation. L’odeur délicieuse chatouille agréablement les narines, mêlée à celle des biscuits au gingembre. Elle ajoute peu à peu la farine à la préparation, puis verse un peu de lait pour avoir la consistance onctueuse d’une pâte à cake. Enfin, elle y met les cerises confites. Elle verse la préparation dans un moule à cake beurré. Justement, les coffee cakes sont cuits, elle peut les remplacer par le cake qui doit cuire 1h, 1h30 à four moyen (pour vérifier la cuisson, planter un couteau).

Enfin la cheffe s’assoit tandis que le cake cuit. On papote, le soleil a disparu derrière le conservatoire. Elle raconte : “Il y a des faucons qui nichent sur le conservatoire, personne ne veut me croire mais je les ai même photographiés. Ils bouffent les bébés pigeons !”

Reste à faire la crème pour les small coffee cakes : Tooza travaille à la spatule le beurre ramolli avec le sucre glace et le café très fort préalablement refroidi au frigo (ou l’essence de café). Elle ouvre ensuite en deux les petits gâteaux et nappe l’intérieur de crème au beurre et au café… Je salive mais il s’agit d’attendre maintenant les quelques invités, plusieurs enfants et un peu de leurs parents…

On s’assoit au salon devant un véritable buffet sucré ! Mélodie allume un feu et les convives arrivent. C’est chaleureux et délicieux. Les ginger biscuits sont exquis, les brownies délicieux, le cherry cake mœlleux à souhait, et je salive encore en écrivant ces mots au souvenir des small coffee cakes : c’est un festival de douceur ! Et il y en a tant que chacun repart avec un doggy-bag

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